Autoconsommation : un mouvement citoyen qui pourrait rabattre les cartes de l’industrie

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Par Julien Tchernia Modifié le 29 novembre 2022 à 9h24
France Electricite Auto Consommation Energie
@shutter - © Economie Matin
14 000En France, 14 000 foyers produisent eux-mêmes leur électricité.

L’autoconsommation passe du statut de tendance à celui de lame de fond. L’arrêté gouvernemental sur l’autoconsommation électrique amène les fournisseurs d’énergie à prendre en compte le besoin d’autonomie des ménages et à revoir leur vision stratégique.

Dans le domaine de l’alimentation aussi, le besoin de cultiver soi-même, d’indépendance et de traçabilité se manifeste à travers diverses initiatives citoyennes. Ce mouvement appelle les industriels à revoir leur rôle dans la société, sous peine de devenir les laissés-pour-compte de cette évolution.

Energie : la décentralisation instaure une nouvelle relation entre clients et industriels

L’arrêté du 9 mai 2017 encourage l’autoconsommation d’électricité, notamment grâce à l’énergie solaire photovoltaïque, et répond à l’engouement des Français pour ce mode de consommation, en augmentation durant la dernière décennie. Aujourd’hui, 14 000 foyers produisent eux-mêmes leur énergie en France. Ce chiffre pourrait croître de façon considérable dans les années à venir. En cause : la baisse des prix d’achat et d’installation de panneaux solaires, et l’augmentation du prix de l’électricité, qui éloigne les consommateurs des circuits classiques. Une occasion pour les citoyens de reprendre les pleins-pouvoirs sur leur consommation, et pour l’Etat et les industriels de les y accompagner à travers la décentralisation du marché de l’énergie, portée par les smartgrids (réseaux de distribution et de gestion d’énergie intelligents). Certains fournisseurs ont même décidé de suivre le mouvement en adaptant leur rôle.

Plutôt que de fournir le client avec de l’énergie produite par de grosses centrales, ou de pousser le consommateur à installer des batteries coûteuses, ils rachètent le surplus de production d’énergie produite par les consommateurs : celui-ci est soustrait de leur facture globale. C’est une nouvelle relation, davantage basée sur l’accompagnement et le conseil - notamment pour l’optimisation de la production d’énergie - qui s’instaure entre clients et industriels. Cependant, devant l’offre pléthorique d’installateurs de moyens de production, il devient difficile pour les consommateurs de faire le bon choix, et ce, malgré les nombreux labels qualité existants, tels que QualiSol ou QualiPV. Les foyers qui souhaitent produire leur propre énergie ont donc besoin de solutions simples, dotées d’une interface attractive et d’un prix raisonnable qui permettent à chacun d’installer facilement un panneau solaire.

On pourra ainsi aisément amorcer la décentralisation du système énergétique. Et c’est une bonne nouvelle ! Surtout quand on sait que la décentralisation occasionnera une diminution de l’activité des centrales nucléaires, des lignes à haute tension et des échanges globaux. Ainsi, la perte d’énergie sur les lignes s’en trouvera réduite. Par ailleurs, la décentralisation améliore la résilience du système : en cas de panne réseau causée par une intempérie, un consommateur doté de panneaux solaires pourrait échapper aux problèmes qui en résultent. De même, la décentralisation et la diversification des sites de production rendront la France moins vulnérable aux défauts potentiels des centrales nucléaires. Avec cette architecture, le réseau endossera un nouveau rôle : être une garantie et assurer une distribution d’énergie continue. Reste à encourager les pratiques qui créent une économie locale, comme l’usage des SolarCoins, une cryptomonnaie que certains fournisseurs acceptent désormais comme moyen de paiement pour les factures d’énergie. En sur-rémunérant l’autoconsommation, chaque MWh produit donne droit gratuitement à un SolarCoin. Cette monaie permet donc aux producteurs de rentabiliser leur installation.

L’autoconsommation alimentaire remet en cause le rôle des grands groupes

Le même changement de point de vue impose aux industriels de l’alimentation de s’aligner sur les attentes de leurs clients. En quête de transparence et de traçabilité, les citoyens se tournent, comme pour l’énergie, vers des formes de consommation contrôlées et autonomes. Jardins partagés entre voisins de quartier, potagers individuels ou entre voisins et fermes verticales en ville : ces mouvances manifestent du besoin de nouer un lien différent avec la nature, plus respectueux du cycle des saisons et du rythme de croissance naturel des plantes. De nouvelles pratiques qui entraînent un bouleversement dans les habitudes de consommation, avec en prime l’établissement de rapports plus conviviaux entre voisins, et de l’éducation des enfants à la nature.

En outre, les consommateurs cherchent à impulser de nouveaux modes d’interaction avec l’alimentation. Parmi eux, la permaculture, ce mouvement écologique et philosophique visant à réinsérer la végétation « sauvage », et la culture sur les toits, où l’air circule mieux et où les particules fines sont censées être moins présentes. La fin programmée du modèle industriel à plus ou moins long terme ? Celui-ci ne comporte pourtant pas que des tares. Rappelons que, bien qu’elle soit aujourd’hui davantage motivée par la quantité plutôt que par la qualité des produits disponibles, l’industrie a permis de réduire et d’éviter de nombreuses famines. Elle joue ici un rôle d’assurance, si l’on se sert de ses infrastructures pour garantir une continuité dans la production alimentaire, et si on la perçoit comme un moyen d’améliorer la qualité de vie.

Une nouvelle définition de la consommation

La quête de sens qui caractérise notre époque, et qui se manifeste par une mutation profonde des modes de consommation, résulte des crises successives que nous avons traversées ces dernières années et de la baisse de confiance envers les grandes corporations, marquant un tournant dans l’Histoire de l’industrie. Elle augure d’une résilience collective et d’une nouvelle perception des sources d’énergie et d’alimentation. Jusqu’ici conçues comme un puits inépuisable à notre entière disposition, dont l’usage fut souvent piloté de façon incontrôlée, ces sources nous apparaissent à présent sous un jour nouveau : des ressources précieuses qui, utilisées de manière responsable par tout un chacun et dans une dynamique collective, se renouvellent à leur rythme et façonnent un système de consommation mieux contrôlé, profitable à tous, et créateur de lien.

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Julien Tchernia : Natif d'Aix-en-Provence, il a déjà à son actif plusieurs développements réussis de sociétés. Après un début de carrière entre la Bretagne, la Pologne, l'Italie et la Bourgogne, cet entrepreneur dans l'âme a su en Belgique, en Italie comme en France, faire croitre rapidement de petites filiales à l'étroit sur des marchés très concurrentiels. C’est en 2007 qu’il se lance dans l’énergie, bien décidé à lier développement de business avec lutte contre le dérèglement climatique. Cet ingénieur télécom interrompt alors sa carrière pour un an de formation en énergie aux Mines de Paris. Il se lance dans le secteur pour le compte d’industriels mais l’appel de l’entreprenariat est trop fort. En novembre 2015, avec son associé Jonathan Martelli, il investit ses fonds propres et fonde ekWateur, un nouveau fournisseur d’énergie alternatif qui sera officiellement lancé en septembre 2016.

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