Que réclament les Gilets Jaunes, au nom des « Français », eux-mêmes stimulés par leurs revendications et les manifestations pour porter ce message ? Au-delà d’un besoin de respect des personnes et de justice fiscale, c’est l’amélioration significative et immédiate de leurs conditions économiques pour assurer leur « fin de mois » qui les préoccupe. L’annulation des hausses de taxes futures (carburant, électricité, gaz, etc.) ne correspond pas à un gain de « pouvoir d’achat ». C’est d’une augmentation de salaire dont il s’agit et de réduction de taxes déjà existantes.
Pour une grande majorité, ils n’y arrivent plus, quelles qu’en soient les raisons évoquées (impôts, taxes, logement, électricité, gaz, chauffage, charges diverses, transports, assurances, coût de la vie en général, etc.).
Quelques données sont essentielles pour mieux comprendre.
La population française s’élève à 67,2 millions dont 2,7 vivent dans les DTOM. Au sens du BIT, la population active (de 15 à 64 ans inclus) est de 29,8 millions (en métropole) dont 26,3 millions d’actifs ayant un emploi. Fin septembre 2018, à noter que 6,2 millions sont inscrites à Pôle emploi. Parmi elles, 3,5 millions personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2,2 millions exercent une activité réduite (catégories B, C). 0,62 million de personnes inscrites à Pôle emploi ne sont pas tenues de rechercher un emploi (D,E).
Qui sont concernés par la notion de « pouvoir d’achat » ?
Les « nantis » (0,1% des actifs), les « privilégiés » (0,9%) et les « classes supérieure et moyenne supérieure » (7%) ne sont évidemment pas concernés par cette notion. Le « pouvoir d’achat » est une expression trompeuse qui entretient la confusion ! Galvaudée par l’ensemble des « acteurs », on finit par ne plus comprendre de quoi il s’agit. Cette expression « fourre-tout » revient en boucle. Encore faudrait-il savoir de quoi on parle ? On peut distinguer 3 catégories de personnes directement impliquées.
La classe « moyenne » pour laquelle le « pouvoir d’achat » a encore un sens
Pour la population active appartenant à la « classe moyenne », c’est le salaire ou le revenu du travail, pour les employés et cadres du privé ou du public, artisans, commerçants et entrepreneurs qui permet d’assurer la continuité dans la vie quotidienne. Les contraintes et les charges, souvent incompressibles voire croissantes, sont à prendre en compte en permanence. Leur participation à l’Impôt sur le Revenu (IR) est majoritaire.
Malgré tout, ce sont des « consommateurs ». Grâce à un « pouvoir d’achat », ils parviennent à conserver une potentialité suffisante, pour acquérir des biens ou s’offrir quelques loisirs. Cela concerne des personnes ou des foyers avec des revenus compris entre 2 500 et 4 000 euros. Cela représente 17% de la population active.
Le « reste à vivre » concerne 45% de la population active, celle des « Gilets jaunes »
Impôts, taxes, charges en tous genres, qualifiés d’incontournables sont prioritaires dans le budget mensuel. Répétitives et sans surprises, ces contraintes génèrent une nouvelle notion, celle du « reste à vivre ». Les ressources sont insuffisantes pour satisfaire les besoins fondamentaux. L’accessibilité au crédit n’est pas toujours évidente. Suivant leur situation familiale, ils paient un impôt sur le revenu (IR), modéré voire faible. Dans la partie basse de la fourchette, ils en sont dispensés.
Ce « reste à vivre » touche beaucoup de retraités, d’employés, salariés du privé ou du public, des « petits » artisans, chômeurs et sans emploi, aidés ou non, etc. Cette couche de la société a trop longtemps été ignorée par les « politiques ». Chaque mois, c’est une lutte infernale pour tenter d’atteindre sans trop de troubles la « fin du mois ». Les salaires ou revenus individuels ou par foyer sont compris entre 1 500 et 2 500 euros. Environ 45% de la population active se trouve dans cette situation de « reste à vivre ».
Le « seuil de pauvreté » concerne un tiers de la population active ou assistée
A ce niveau de ressources, les citoyens concernés se retrouvent dans la situation d’assistés en quête d’aides et de prestations sociales. De nombreux « Gilets jaunes » sont en « état de survie ». Considérées comme étant au « seuil de pauvreté », il y a dans cette catégorie des personnes salariées, en sous-emploi, partiel ou d’intérim occasionnel. S’ajoutent à elles, à la fois des chômeurs, anciens bas salaires de longue durée, comme de nombreux « petits » retraités, bénéficiant de compléments pour atteindre le minimum vieillesse (> 65 ans). Il n’est plus question de population active, au sens productif du terme. Beaucoup sont des assistés.
Dans l’ensemble, leur niveau de « survie », individuel ou en couple, se situe entre 850 et 1300€. Le niveau des contributions sociales est calculé et réévalué en fonction de celui du salaire médian. Parmi les 30% de la population qui sont dans ce cas, 14% sont considérés comme des personnes « pauvres ». 4% d’entre elles vivent en état de « grande pauvreté ».
Ces précisions étaient nécessaires pour mieux comprendre et cerner les demandes des « Gilets jaunes ».