Pourquoi augmenter le prix du diesel français ?

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Par Jean-Luc Ginder Modifié le 4 mars 2013 à 23h04
Pourquoi revenir sur une question de fond qui place sur le devant de la scène économique le coût du transport français ?
Déséquilibrer par principe le coût de ce carburant si français revient à toucher au pouvoir d’achat des Français donc à réduire la consommation globale en France. Au-delà des fluctuations quotidiennes des prix des carburants, la France connait un épisode de hausse des prix sans précédent. Non seulement les prix des carburants ont augmenté de 4.4% (en euros courants) depuis 1999, en suivant la hausse des cours du pétrole brut, mais le coût moyen des carburants consommés par les consommateurs français a progressé, en euros constants (hors inflation) de 31 % depuis 1999 pour dépasser au premier trimestre 2012 le point haut historique atteint en 1985. Dans le budget « voiture » des Français, les carburants représentent désormais 31% des dépenses. A ce stade, il faut prendre en considération la forte diesilation du parc automobile dans l’Hexagone : le parc comptait 15% de véhicules diesel en 1990 contre 60% aujourd’hui.
Le coût des carburants aux 100 kilomètres progresse désormais plus vite que le SMIC et que le salaire annuel médian. Et c’est bien au carburant diesel que l’on veut toucher pour des raisons d’écologie ?
Si nous prenons en compte le prix moyen du gazole fin 2012, soit 1,396 euros/litre, nous pouvons annoncer au consommateur qu’il comprend 41% de taxe TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) et 22,9% de TVA.
Imaginons le scénario si ces taxes cumulées de 63,9% devaient encore augmenter…. Contrairement à une idée couramment répandue, la hausse des prix des carburants et surtout du diesel n’augmente pas durablement les recettes de l’Etat. Si une hausse voulue du prix du diesel augmentait faiblement les recettes fiscales à court terme, cette même hausse les diminuerait à moyen terme de façon plus marquée, car elle induirait des modifications des comportements de la part des consommateurs diesel qui réduiraient la demande de ce carburant.
Ce qui gêne en réalité le gouvernement actuel est la fiscalité plus légère existant sur le gazole en raison de l’avantage de consommation offert par ce carburant. Cette dernière se révèle particulièrement coûteuse pour les finances publiques : sans cet avantage, les recettes de fiscalité sur les carburants consommés par les ménages auraient été supérieures de 2.8 à 4 milliards en 2011 (selon l’hypothèse faite sur l’élasticité prix de la demande). Et voilà pourquoi on souhaite y mettre un terme… en risquant de stopper nette la consommation.
N’oublions surtout pas que les dépenses de transport des ménages ont progressé de 246% en volume entre 1970 et 2011 et que les recettes des taxes sur les carburants payées par les consommateurs français se sont élevés à 20,9 milliards d’euros courants en 2011 soit 1% du PIB et à l’horizon de 10 ans, les fondamentaux de l’offre et de la demande conduisent à prévoir une tendance à la hausse durable du prix du pétrole.
Alors pourquoi toucher au carburant diesel alors que les conséquences d’un tel acte vont être profondes ? Banlieues lointaines, zones pavillonnaires sont fortement consommatrices d’énergies, à l’écart des transports en commun : pour la partie de la classe moyenne dépendante du transport automobile, l’addition sera très très lourde. Plus bas sur l’échelle sociale, on observera l’accroissement de la bulle de précarité énergétique. 3,8 millions de ménages modestes, représentant 8 millions de personnes sont concernés en 2013. Ce sont les familles identifiées comme devant consacrer plus de 10% de leurs ressources aux dépenses d’énergie du foyer.
Avons-nous pris conscience de ce qui va changer dans toutes ces vies avec cette augmentation ?
A ce jour peut-être pas, certainement pas…..et c’est ce qui est étrange.
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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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