Plus d’impôts ou moins de dépenses : comment traiter le malade France ?

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 8 octobre 2012 à 4h05

On le sait tous maintenant : la France n’a plus de croissance, elle est entourée de voisins en crise qui baissent leurs salaires pour exporter et lui prennent des parts de marché, le tout dans une zone euro en grande difficulté, avec des Etats-Unis et une Chine qui ne vont pas faire de cadeaux.

On sait tous aussi, maintenant, que nous avons un problème de compétitivité qui vient des salaires. La fameuse compétitivité hors-coût, qui peut faire la différence sur les marchés (et qui vient de l’innovation, du design, des implantations extérieures) vient en effet de la marge, donc des coûts. On sait aussi que nous avons trop de dépenses publiques. Ce diagnostic étant fait, qui ne brille pas par son originalité, comment retrouve-t-on de la croissance, de la compétitivité, de la profitabilité, et comment réduit-on le déficit budgétaire - sachant que le temps presse ?

Voie un : profit d’abord. Nous faisons un « choc de compétitivité », en suivant la logique proposée par Louis Gallois, autrement dit nous transférons une part des charges sociales indûment payées par les entreprises (charges familiales) sur les ménages. Les entreprises voient augmenter leur profitabilité et se mettent en position pour investir plus, puis embaucher. Durée : trois ans au minimum selon les autorités. Problème : les ménages peuvent réduire leurs dépenses, au moment où la croissance est déjà faible. Si la France ralentit encore et tombe en récession, l’investissement des entreprises sera massivement axé sur la productivité, freinant encore plus l’emploi.

Voie deux : déficit d’abord, en augmentant les revenus, nous verrons plus tard pour la dépense. Nous faisons un « choc fiscal » sur les plus hauts revenus et les plus grosses entreprises, de façon à réduire le déficit budgétaire, sans trop peser sur la demande. Durée : deux ans. Problèmes : les ménages dits « riches » peuvent réduire leurs achats et il y a un risque de baisse de prix dans l’immobilier qui peut inquiéter ; surtout, les ménages vont se dire que le problème n’est pas résolu, puisque les dépenses publiques continuent. Pendant ce temps, les grosses entreprises vont faire pression sur les « petites » pour se refaire.

Méthode un : doux. L’ajustement se fait dans la durée, pour ne pas brusquer. Avantage : il est supposé socialement et politiquement plus acceptable ; inconvénient : il peut ne pas faire d’effet suffisant, notamment en matière d’économie de dépenses, car il ne fait pas changer les structures.

Méthode deux : dur. L’ajustement se fait sur un ou deux ans, avec des tensions fortes. Les résultats sont supposés se manifester assez vite. La thérapie de choc, doit être forte par construction, et faite en une seule fois – autrement c’est pire. Il faut donc que le choc soit assez important et que l’engagement du « choc unique » soit crédible.


Choix français : compliqué. On agit sur le déficit, par l’impôt, puis on s’intéresse au profit, on retient la méthode douce, et la réduction des charges suivra. Hausse des impôts en 2012 et 2013, économies de dépenses publiques ensuite dans la durée, effet de compétitivité en 2013 sur trois ou cinq ans à partir de 2013. Les hauts revenus sont impactés, ils baissent nettement en termes nominaux nets de fiscalité, puis seraient stabilisés dans la durée. Les revenus moyens sont légèrement réduits par la fiscalité dans le temps (CSG), mais ils bénéficient de l’autre d’une remontée par indexation au prix. Le maintien des salaires nominaux cacherait la baisse des salaires réels, sans effet supposé massif. Bas revenus : maintien du pouvoir d’achat.

On comprend que cette voie cumule trois types d’inconvénients : elle n’est pas facilement lisible, elle entend différencier les situations sociales - pour des raisons politiques, mais elle peut voir s’ajouter les opposants (« riches », couches moyennes, retraités, fonctionnaires), elle va durer le temps du quinquennat, avec l’effet d’usure que ceci implique.

Les experts s’envoient à la tête des travaux théoriques (Keynes contre Ricardo) et des travaux récents qui plaident soit pour le choc, soit pour la durée ! On oublie cependant le malade : les ménages sont inquiets et tous vont freiner leur consommation, dans l’attente. Les grandes entreprises vont chercher à peser : elles ont vu ce qui s’est passé avec les « pigeons », où un groupe d’entrepreneurs talentueux a fait revenir le gouvernement sur ses positions en quatre jours, sachant que les syndicats s’en souviendront quand il leur sera demandé de faire des efforts. Ajoutons surtout qu’on ne réduit pas les dépenses publiques par le rabot, mais par de nouvelles structures. On a vu ce qui s’est passé pour la carte judiciaire il y a quelques années, attendons pour les préfectures, les régions, la santé. Enfin, il faudra vérifier si cet Etat généreux est réellement social, autrement dit s’il transfère à qui y a droit (vrai malade, vrai chômeur…).

Moralité : le malade France risque de le rester, si le docteur ne lui dit pas vraiment sa maladie : compétitivité et profitabilité trop faibles, dépense publique en excès, avec son parcours de soin.

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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