Le gouvernement chercherait-il, en toute discrétion, à mettre des batons dans les roues des journalistes d'investigation ? C'est ce que ces derniers craignent : d'après eux, le projet de loi Macron, actuellement discuté à l’Assemblée nationale, contient un amendement, "glissé en catimini, qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent, l’information éclairée du citoyen". Ils le déplorent dans une tribune très engagée publiée aujourd'hui dans Le Monde. Face à ce soulèvement général, Bercy recule.
C'est la presse qu'on muselle
Pourquoi une telle inquiétude ? Parce que le texte crée un "secret des affaires" dont la définition autorise "ni plus ni moins une censure inédite en France" selon les journalistes.
Ils ne veulent donc pas croire en l'argument donné par le ministère, à savoir la "lutte contre l’espionnage industriel".
Concrètement, les très nombreux journalistes signataires de la tribune, ainsi que les syndicats de la presse, le Président de la conférence des écoles de journalisme et même l’association du Prix Albert Londres, donnent un exemple pour que les lecteurs comprennent bien de quoi il retourne : d'après eux, "avec la loi Macron, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais".
Pire, la simple révélation d’un projet de plan social pourrait, en l’état, elle aussi, tomber sous le coup de la loi Macron selon eux.
Une disposition spéciale prévoit même que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d’une enquête.
Les journalistes pas concernés !
Que risque le journaliste qui enquêterait d’un peu trop près sur une entreprise ? S’il viole ce secret des affaires, il encourt trois ans d’emprisonnement et 375000 euros d’amende. La mise est doublée en cas d’atteinte à "la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France".
Et de conclure : "Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés".
Mais face à la bronca, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a annoncé que les dispositions sur le secret des affaires contenues dans sa loi seraient amendées. Quatre amendements devraient être proposés, notamment afin de garantir que le délit créé ne sera "pas applicable aux journalistes".