Lors de son fameux discours de juillet 2012, au cours duquel Mario Draghi a déclaré que la BCE était prête à tout pour sauver l'euro « et croyez-moi, ce sera suffisant », il ne s'attendait probablement pas à une telle détente du risque sur les taux d'emprunt des pays de la zone euro.
Moins de 2 ans après cette intervention dissuasive de référence, non seulement les pays « fragiles » de la zone euro ont vu leurs taux d'emprunt se détendre sensiblement... mais ils empruntent même moins cher qu'avant la crise de la dette en zone euro et la crise des subprimes aux Etats-Unis (!). Sur 10 ans, l'Espagne empruntait à l'été 2012 à plus de 7.50% contre moins de 2.60% ce mois-ci. Même constat pour l'Italie qui a vu son taux à 10 ans passer de 7.20% en novembre 2011 à près de 2.80% début juin...et que dire du Portugal dont le taux à 10 ans flambait à plus de 15% en 2012 contre 3.50% aujourd'hui.
Le taux à 10 ans de l'Espagne est aujourd'hui moins élevé que celui du Royaume-Uni et est même passé temporairement en sous celui des Etats-Unis en juin.
Une telle décrue signifie que, soit les investisseurs (dont les investisseurs étrangers) ont une confiance absolue dans l'avenir de la zone euro et sont persuadés que la BCE et l'ensemble des pays de la zone agiront en cas de défaillance de l'un des membres... soit il s'agit d'un excès spéculatif à court terme lié au contexte économique. En effet, ce rally obligataire s'est fait en plusieurs étapes : la première phase a été initiée par l'intervention de Mario Draghi et de la BCE au plus fort de la crise de la dette en zone euro. Son intervention a mis fin à la phase aigüe, voire systémique, de la crise. L'annonce quelques semaines plus tard de la mise en place du programme OMT visant à racheter des obligations souveraines de manière illimitée a largement participé à la détente des taux, même si ce programme n'a jamais été activé... Presque au même moment, la FED annonçait le lancement de son 3ème programme d'assouplissement monétaire (QE) depuis la crise des subprimes, à savoir 85 milliards de dollars d'achats d'actifs répartis sur les bons du Trésor et les MBS (titres adossés à des crédits hypothécaires). Sans oublier l'arrivée au pouvoir Shinzo Abe fin 2012 et le lancement des Abenomics, s'appuyant sur une politique monétaire ultra accommodante.
Les liquidités générées par ces opérations ont bénéficié à l'ensemble des marchés mondiaux et notamment aux marchés européens et émergents. Mais en 2013, les rumeurs puis l'annonce officielle par la FED du ralentissement des achats d'actifs a provoqué un retour de la volatilité sur les marchés émergents, déjà confrontés à des problèmes structurels. L'annonce du « tapering » a provoqué un affaiblissement des devises émergentes qui a catalysé la crise structurelle dans ces pays, déclenchant un mouvement d'aversion au risque des investisseurs et des flux sortants de capitaux. Ces capitaux sont, en partie, venus alimenter les marchés européens et notamment les obligations souveraines.
La détente des taux a été très marquée à partir du 4ème trimestre 2013 jusqu'à maintenant. Le 10 ans italien est passé de plus de 4% à 2.70% en quelques mois, même constat pour le 10 ans espagnol qui est passé en ligne droite de 4.20% en décembre à près de 2.50% en juin...
Enfin, comme pour boucler le cycle, la dernière phase de cette détente des taux est imputable à la BCE et notamment aux attentes crées depuis le début de l'année sur une intervention massive pour relancer l'inflation et le crédit en zone euro. La banque centrale a partiellement répondu à ces attentes par un package de mesure incluant baisse de taux, taux négatif, LTRO ciblé et revitalisation du marché des ABS (titrisation)...mais rien concernant un programme massif d'achat d'actifs (QE). Or il est fort probable qu'une partie de la hausse obligataire observée ces derniers mois s'est faite sur les anticipations d'une intervention de la BCE.
A ce jour, rien ne laisse penser que la BCE lance un programme d'achat à court terme, plusieurs membres du Conseil des Gouverneurs ont d'ailleurs écarté cette hypothèse faisant prévaloir qu'il fallait attendre de voir l'impact des premières mesures avant d'aller plus loin. Jens Weidmann, Président de la Bundesbank, a récemment souligné les risques liés aux achats d'actifs souverains par la banque centrale, preuve (s'il en fallait) de sa réticence.
Sachant que les LTRO ne seront pas effectifs avant septembre et décembre et qu'il faudra du temps pour densifier le marché des ABS, les marchés vont entrer dans une période estivale incertaine. Même si la convergence des taux ne semble pas remise en question à moyen terme (poursuite des mécanismes d'intégration et de la mise en place des pare-feu), on pourrait observer une phase de remontée de taux à court terme.
Les chiffres macro-économiques font toujours état d'une reprise économique lente en zone euro (croissance PIB, inflation, PMI manufacturier et services, flux de crédits, indices de confiance) sans oublier un taux de chômage qui peine à refluer et une dette publique moyenne élevée avec des ratios toujours aussi inquiétants pour l'Italie.
La BCE a elle-même mis en garde très récemment contre la recherche de rendements à tout prix...ciblant explicitement les obligations souveraines.
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