Les activités humaines se numérisent, aucun secteur n’est épargné et chaque jour de nouveaux usages apparaissent. Ceci n’est pas sans conséquence sur l’emploi.
Les articles ne manquent pas aujourd’hui pour en souligner les conséquences négatives comme l’« Uberisation » ou la contestabilité. Des entreprises jusque-là bien enracinées voient pointer sur leur propre terrain la concurrence d’acteurs 100% web. Plus agiles et très puissants, ils sont porteurs de modèles sociaux disruptifs, ce qui marque l’avènement d’une économie reposant exclusivement sur un maillage d’indépendants (Uber ou Mechanical Turk d’Amazon). Et je n’évoque même pas les questions fiscales … Mais au-delà de ce constat, il me semble plus opportun de s’intéresser à l’évolution des métiers provoquée par cette nouvelle réalité.
Digitalisation : améliorer la proximité avec les consommateurs
Si la digitalisation promet une meilleure connaissance des clients et de leurs comportements d’achat, les marques doivent aller au-delà du marketing pour construire une nouvelle proximité avec les consommateurs. Elles ont tout intérêt à réfléchir aux opportunités véhiculées par la création d’un écosystème de métiers, liée à la fourniture de nouveaux services.
C’est en effet bien la notion de service qui est au cœur de cette révolution digitale. Si l’on dépasse l’image des métiers symboles du numérique (Développeurs informatiques, Data Scientists, Chief Data Officers, Web Analysts, etc.), pour la plupart réservés aux ingénieurs ou aux geeks et dont le recrutement constitue bien-sûr une des premières étapes de la transformation numérique des entreprises, de nouveaux métiers vont voir le jour ou des métiers plus anciens vont être enrichis, comme par exemple dans l’artisanat et les TPE. La notion de service de proximité ou du « dernier mètre » sera centrale que ce soit à domicile, en mode itinérant ou dans des tiers lieux.
Le plombier digital
Le concept de « plombier digital » que j’ai développé il y a quelques années abordait déjà ce point. Avec l’avènement de l’Internet des objets, le numérique pénètre toujours plus profondément dans nos vies quotidiennes : je crée, je fabrique, je télétravaille, je me cultive, je me soigne, je gère et maîtrise ma consommation, mon énergie, ma sécurité ...
Mais nous ne sommes pas tous des geeks, d’autant moins dans un monde vieillissant ! Même les plus dignes représentants de la Génération Y (voire Z) peuvent se retrouver démunis face à une voiture immobilisée (une voiture mécanique est toujours mobile sans essence, une voiture électrique restera immobile et difficile à déplacer) ou une maison bardée de capteurs, qu’il convient d’entretenir, de mettre à jour ou de réparer pour continuer à bénéficier du confort offert par le numérique. Le potentiel est énorme : tout ce qui s’appuie sur l’électronique est voué aujourd’hui à devenir « communiquant ».
La question n’est donc pas ici de savoir si le numérique contribue ou non à une augmentation de la fiabilité des produits (avec en bout de mire l’obsolescence programmée), mais plutôt qui va en assurer l’installation, la connexion, l’entretien, le paramétrage, la gestion des données… En effet, on sait que le numérique rend les consommateurs plus exigeants : en cas de panne, ils réclament une réparation immédiate, là où ils se trouvent. Et c’est dans cette optique de services rapides et itinérants que la plupart des marques (auto, brun, blanc, informatique/bureautique, etc.) vont devoir développer des services de diagnostic, d’assistance, de réparation, etc., et donc former leur écosystème à de nouveaux métiers afin de créer une chaîne de valeur permettant de dynamiser un process jusqu’ici très lourd.
Des formations digitales pour l'artisanat
Les métiers de l’artisanat vont quant à eux devoir bénéficier de formations. Cela s’applique aussi aux nombreux collaborateurs d’entreprises (jeunes ou seniors) qui vont voir leurs compétences se diversifier et pourront ainsi enrichir leur carrière. Les chômeurs sont également concernés. Ces formations devront porter à la fois sur du savoir-faire et du savoir-être, étant donné la relation privilégiée dans laquelle se trouve le « plombier du digital » : il devient un tiers de confiance et même un ambassadeur de la marque.
Corollaire de cette évolution, des plates-formes de services vont se développer pour faciliter la localisation du réparateur, du formateur ou du spécialiste de telle ou telle technique (auto, bricolage, culture, domotique, sécurité, santé, etc.). Ces plates-formes permettront d’ailleurs à ces acteurs indépendants de choisir à quel moment et pour quel service ils œuvreront … Les besoins d’aujourd’hui et de demain concernent tout l’écosystème : du distributeur à l’installateur, du réparateur au prestataire de service. Des précurseurs comme Nest ou Somfy ont déjà commencé et forment leur écosystème de fournisseurs, d’installateurs et d’artisans là où le digital leur apporte de la valeur (plate-forme de services, objets connectés etc.)
Le succès des pure players a permis de revaloriser les ingénieurs (les créateurs des industriels d’hier...), avec son école « 42 » Xavier Niel a redonné ses lettres de noblesse au métier de développeur (les ouvriers du numérique d’hier au sein des DSI…), il s’agit maintenant de développer les formations « sexy et valorisantes » des métiers de services de proximité de demain.