Les offres commerciales promettant monts et merveilles pullulent littéralement sur la Toile et sont de plus en plus crédibles. La dernière en date propose un boîtier de téléviseur permettant « de regarder tout le contenu en ligne de votre choix de façon complètement légale ». Un indice : la dernière partie de la phrase est fausse.
« Cela s’appelle TVbox. Il s’agit d’une box home cinéma à la pointe de la technologie qui peut être facilement connectée à n’importe quel téléviseur. Elle est livrée avec tout déjà installé et est opérationnelle en quelques minutes. Aucune compétence technique n’est nécessaire. » « Cela », d’après un certain « Jerome Marcellet », auteur de l’article publié sur le net par Tendancestech d’où sont tirées ces quelques lignes, c’est un boîtier de télévision en apparence tout ce qu’il y a de plus normal. Petit, noir et carré, aux angles légèrement arrondis, comportant des ports USB, HDMI et ethernet, avec une incrustation sur le dessus, où l’on peut lire « TVbox ». Photo — de bonne qualité qui plus est — à l’appui.
« Plus c’est gros, plus il faut se méfier »
Ce qui le différencie des autres boîtiers ? « C’est un centre de divertissement tout-en-un qui vous permet de vous débarrasser de tous vos autres appareils et télécommandes [et, surtout,] de regarder tout le contenu en ligne de votre choix, sur votre TV. Sans abonnement et de façon complètement légale. » Il suffit donc de quelques phrases pour s’apercevoir que l’article s’apparente davantage à de la publicité qu’à une véritable information. Mais, après tout, pourquoi pas ? A une époque où la gratuité, sur Internet, est devenue la règle et débourser de l’argent une exception, une box qui épouse l’air du temps n’est pas improbable.
Sauf que la lecture totale du billet finit par faire tiquer. « Jerome Marcellet » se fait de plus en plus incitatif et dithyrambique. « Son utilisation est tout à fait légale, car vous ne sauvegarder pas le contenu, vous ne faites que le regarder en streaming. C’est ce qui [rend la box] formidable (sic). » Et, juste au-dessus d’un bouton où il est écrit « Acheter maintenant », un texte met définitivement la puce à l’oreille. « Souvenez-vous, puisqu’elles sont en réduction en ce moment et pourraient être en rupture de stock bientôt, la demande actuelle explose. De nombreuses personnes achètent plusieurs appareils à la fois pour les revendre […] L’appareil peut être expédié dans le monde entier. »
« Plus c’est gros, plus il faut se méfier » a-t-on pour coutume de dire. Et il semble en l’occurrence qu’il faille se méfier devant une stratégie marketing qui interpelle légèrement. D’autant plus qu’un tel attirail ne peut être légal. L’auteur le reconnaît à demi-mot. « Bien sûr, les entreprises du câble sont mécontentes, elles tentent donc d’empêcher HooliTV [ce terme est aussi mystérieux que le rédacteur du billet puisqu’il n’est expliqué nulle part, ndlr] d’être vendue au public. Il est possible qu’elle soit interdite prochainement, mais à partir du moment où vous en possédez une, vous êtes tranquille [...] »
« La page de paiement est en "https" »
En fouillant un peu sur la Toile, la supercherie est enfin dévoilée. Un article publié par 20 Minutes le 4 juillet dernier se faisait l’écho d’un boîtier identique, baptisé « TV Frog », commercialisé par une entreprise opaque déclarée aux Pays-Bas. Il s’avère en réalité qu’elle « est adossée à une société enregistrée à Londres […] déclarée comme dormante » et que les deux box sont les mêmes produits sous des noms différents. Le mode opératoire, d’ailleurs, est le même. « Un faux article vante les bienfaits d’un boîtier qui permet le streaming [or celui-ci] ne permet par de regarder la télévision gratuitement, contrairement à ce qu’indique la publicité » souligne l’article de 20 Minutes.
D’après le quotidien, qui s’est lancé dans un véritable exercice de « désintox », « ce boîtier ne dispense pas de régler la redevance si vous possédez un téléviseur dans votre foyer et êtes redevables de la taxe d’habitation. » La pratique ne devient légale qu’à partir du moment où « l’utilisateur passe par une plate-forme autorisée ». De quoi calmer les ardeurs de ceux qui étaient prêts, comme les y invitait « Jerome Marcellet », à acheter plusieurs boîtiers à la fois. D’autant plus que le produit est tout ce qu’il y a de moins fiable. « Sur la page Facebook de FreeSee TV, le site web qui vend le boîtier, de nombreux utilisateurs se plaignent de n’avoir jamais reçu leur commande, tout en ayant été débités » renseigne 20 Minutes.
Car nombreux sont ceux qui, cet été, se sont laissés séduire par cette offre honnêtement plutôt alléchante. C’est que les personnes derrière l’arnaque s’y sont manifestement bien prises. « Les petits malins ayant monté cette annonce ont fait l’effort de tout rédiger en français, sans trop de fautes » note le journaliste Thomas Le Bars dans Capital. « La page de paiement est en “'https”' (donc normalement sécurisée) et il y a même des conditions générales de vente. Mais plusieurs détails font penser que cela a tout d’une arnaque. » Comme, par exemple, l’absence d’adresse pour la société inscrite dans les mentions légales du site de vente.
Un bon moyen pour tenter de dénicher les offres « trop belles pour être vraies » ? Un texte bourré de fautes d’orthographe peut être un bon début, d’autant plus si le design du site apparaît bâclé. Certains liens peuvent également être inactifs, auquel cas méfiance est de mise. Enfin, si les contacts indiqués — en général en bas de page — sont indisponibles ou non attribués, la meilleure solution est de renoncer à la commande. Car rien ne vaut les échanges, même à l’ère d’Internet.