« Tout a changé. Tout ». L’un des analystes de notre bureau de Buenos Aires nous expliquant pourquoi l’élection récente de l’homme d’affaires Mauricio Macri à la tête du pays était plus révolutionnaire encore que nous l’imaginions.
« Deux partis règnent sur l’Argentine depuis 100 ans. Les péronistes… et les radicaux. Tous deux avaient plus ou moins le même programme — plus de contrôle gouvernemental sur l’économie. La seule question était de savoir quels compères en tireraient profit. Mais Macri n’est d’aucun des deux partis. C’est une rupture stupéfiante avec le passé. Et ça va plus loin. Macri est aussi un riche homme d’affaires. C’est inédit en Argentine. Les entrepreneurs sont l’ennemi, ici. Et voilà que nous en avons un à la tête du gouvernement. C’est un miracle qu’il ait été élu. Il est bien meilleur que n’importe quel candidat des élections américaines. Nous avons de la chance de l’avoir ».
Du moins pour l’instant… car son mandat pourrait ne pas durer longtemps. Un ami à Buenos Aires avertissait :
« Le gouvernement de Cristina a laissé des ‘mines anti-personnel’ un peu partout. Certaines ne peuvent qu’exploser. Il n’est pas évident que Macri survive. Rien que la semaine dernière, il a augmenté les prix de l’électricité de 400% environ. Le courant est encore ridiculement bon marché. Je ne paie que 3,75 $ par mois pour mon appartement… où tout est électrique. A chaque fois, je me dis qu’ils ont fait une erreur de calcul. Mais ça montre simplement les résultats insensés qu’on obtient lorsque les contrôles des prix durent aussi longtemps — on ne sait plus ce que les choses devraient coûter. Bien entendu, le gouvernement doit augmenter les prix. Il n’y a eu aucun investissement en production d’énergie ces 12 dernières années.
C’est pour ça que nous avons des coupures de courant en été. On se croirait dans un pays du Tiers Monde. L’inflation est déjà en hausse — et ce n’est probablement qu’un début. Par exemple, le gouvernement a assoupli les restrictions sur les exportations alimentaires. Il fallait le faire. On ne peut pas gérer un pays en coupant sa principale source de revenus d’exportation. Mais à court terme, ça impliquera des prix alimentaires plus élevés ».
De nouveaux ennemis
Il se peut que Macri soit allé trop loin, trop vite, selon notre ami.
?« Il se fait des ennemis. Ça ne pouvait qu’arriver… mais il ne peut pas se permettre d’en avoir trop. Il a licencié environ 25 000 ‘gnocchi’ — les fonctionnaires qui ne viennent jamais travailler. Ils ne font même pas semblant ; ils n’ont pas de poste où s’asseoir. Ils viennent juste au bureau le 29 du mois pour toucher leur chèque. [Traditionnellement, les Argentins mangent des gnocchis le 29… d’où ce surnom]. Macri s’est même fâché avec les plus grandes entreprises. On aurait pu penser qu’il aurait la communauté des entrepreneurs de son côté, mais nombre d’entre eux ont passé des accords avec les Kirchner. Ils versaient leurs pots-de-vin, ils ont eu leurs contrats par copinage. Ils ne veulent pas perdre les privilèges pour lesquels ils ont payé.
Les médias annoncent donc maintenant que bon nombre des grands acteurs du secteur privé sont aussi contre lui. Ils cherchent tous un moyen de faire tomber le président. La dernière affaire en date, c’est le scandale de Panama. Son père a ouvert un compte là-bas, il y a des années… avant même que Macri n’entre en politique. Il était signataire du compte, qui n’avait pas d’argent déposé. Et Macri n’a jamais gagné d’argent avec. Il n’y a pas même de quoi écrire un article — mais ils cherchent désespérément à trouver quelque chose à lui reprocher. Rappelez-vous, c’est l’Argentine. Tout peut arriver. Je pense qu’on verra de grosses grèves, des manifestations… et peut-être aussi des émeutes… bientôt ».
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