Areva, acteur nucléaire majeur dans le monde, a vu son action chuter de 10% depuis 1 mois et pollue le climat boursier sur les valeurs énergétiques indexées. Pour redresser la barre, l'entreprise pourrait se séparer de centaines d'employés.
Mercredi 4 mars, au siège d’Areva à La Défense, les résultats annuels du groupe nucléaire ont été officialisés ainsi que des nouveaux axes stratégiques censés redresser sa compétitivité. Devant le siège, des représentants de la CGT brandissaient des tracts sur lesquels on pouvait lire : « La situation financière n'est pas due aux outils de production et encore moins aux salariés des sites ». Il faut dire que la perte record annoncée atteint un chiffre effarant de 4,8 milliards d'euros au titre de l'exercice 2014. Les pertes anticipées et enregistrées concernent une dépréciation d’actifs et des projets nucléaires en cours, ce qui condamne l’entreprise pour plusieurs exercices à moins d’un rapprochement avec un autre groupe de l’énergie.
Le gel des salaires fixé pour 2015 avait déjà un goût amer dans la bouche des salariés, l'inquiétude monte donc chez les 44 000 employés d'Areva. Le risque est bien sûr un nouveau sacrifice social, un éclatement du groupe, somme toute une destruction de l'outil industriel. C’est dans une filiale du groupe au Niger qu’on a pu sentir les prémices de cette annonce annuelle catastrophique pour le groupe français.
La grande majorité des salariés d’Imouaren, filiale nigérienne d'Areva, ont en effet reçu une lettre de trois pages, signée par leur Directeur Général, Didier Rocrelle. Une lettre où l’on évoque la situation délicate du secteur énergétique mondial mais absolument pas les graves erreurs stratégiques commises chez Areva depuis des années. Le plan social, tenu secret au Niger comme en France, ne fait pas dans le détail : sur les 225 salariés, seuls une quarantaine gardent leur poste.
La décision de fermer ce site a été prise lors du conseil d’administration fin août 2014. La lettre envoyée aux salariés met en cause un contexte mondial et concurrentiel difficile. Le gisement d’uranium d’Imouraren est l’un des plus importants du monde, pourtant, le maintenir ouvert n’arrangerait apparemment pas les choses selon Didier Rocrelle.
Omar Djidji, un syndicaliste sur place, tient à rappeler le contexte dans lequel lui et ses collègues ont été recrutés il y a six ans : « Areva a sillonné tout le pays, ils sont venus nous chercher dans nos villages. Ils ont pris des jeunes de 18-20 ans, à qui ils ont promis une formation de plusieurs années et une sécurité de l’emploi », un avenir meilleur… avant de rajouter : « À l’époque, c’étaient des célibataires. Aujourd’hui, ils ont une famille. La plupart ont contracté des crédits à la banque pour se construire une maison près de la mine. Comment vont-ils rembourser ? L’entreprise a une responsabilité sociale ».
Les salariés s’interrogent sur la reprise d'activité promise pour 2017 mais à laquelle personne ne croit, « ils ont vendu tout le matériel » crie un employé. Un véritable « désastre social » dans un pays d’Afrique où tant d’autres mines sont abandonnées. On pense aux déclarations du ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, qui, lors de l’annonce des résultats catastrophiques d’Areva, avait assuré qu’il n’y aurait pas de « carnage social », il ne parlait que des emplois français, semble-t-il…
On attend encore de violentes discussions durant le courant du mois de mars au sujet d’une éventuelle réduction d'effectif que les organisations représentantes des personnels français redoutent.
Sur le plan social précisément, Philippe Knoche le directeur général d'Areva interrogé mercredi, n'a pas donné d’indication précise en ce sens. Son planning du mois de mars sera donc soutenu ainsi que celui de François Nogué, le tout nouveau directeur des ressources humaines, fraichement nommé. Les prochaines semaines seront consacrées à des échanges avec les syndicats, dans le cadre d'un calendrier de travail qui vise au premier chef à étudier tous les ressorts de productivité ainsi qu’un plan de financement sur trois ans avant les résultats semestriels.
Chaque site du groupe renvoie à une « situation particulière » précise le président du conseil d’administration, Philippe Varin, et « s'il devait y avoir des départs, tout sera mis en œuvre pour qu'ils se fassent sur la base du volontariat » précise avec une certaine fébrilité la direction d'Areva.
Détail gênant, des informations de presse avaient évoqué il y a quelques jours un allègement, pour 2015, de 15% de la masse salariale dans le cadre d'un plan d'économies d'un milliard d'euros sur trois ans. Interrogée, la direction de l'entreprise n'a fait aucun commentaire.