Apports de la théorie générale des comptes économiques

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Par Dominique Michaut Modifié le 16 mars 2017 à 14h11
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pixabay - © Economie Matin
3Il y a trois niveaux de comptes économiques : les macronomiques, les mésonomiques, les micronomiques.

L’établissement et l’interprétation de comptes reposent sur des normalisations, toujours susceptibles de participer à des tours de prestidigitation. En économie, l’escamotage commence avec celui du concept même de comptabilité économique.

Il se poursuit avec la négligence de la division de l’ensemble des comptabilités économiques en sous-ensembles homogènes. Du coup, des différences cruciales sont gommées, comme pour dégager tout obstacle à l’inobservance de distinctions impartiales. Pourtant, quelques observations mettent en main de ceux qui veulent s’en emparer de quoi filer un meilleur coton.

Le propre d’une comptabilité économique est d’enregistrer des valeurs d’échange marchand

Voici un compte de montants d’impôts, un autre compte de montants d’achats, un troisième compte de montants de ventes. Le premier de ces trois comptes est tout aussi économique que les deux autres puisque ce sont les transferts de termes d’échange marchand et les échanges marchands qui font le propre de l’économie. Voici un relevé de banque avec un solde initial, des entrées et des sorties, un solde final. Ce compte est évidemment tout aussi économique que les deux autres, chaque mouvement enregistré concernant toujours ou un transfert économique ou un échange de même.

Dans son sens le plus général, une comptabilisation est un enregistrement de quantités. Une comptabilité matières, par exemple afin de pourvoir à la gestion d’un stock, n’est pas pour autant à proprement parler économique.

La notion de comptabilisation et celle de statistique s’appliquent partout. Le concept de comptabilité économique occupe la seule place délimitée par l’utilisation de valeurs d’échange marchand, aussi bien à des fins domestiques et associatives que commerciales et publiques.

La science économique n’en est pas seulement, ou même pas du tout, chaque fois que trois présomptions orientent l’articulation de son corpus théorique. 1) Son espace rationnel serait plus étendu que celui de la seule comptabilisation de valeurs d’échange marchand. 2) Les autorités de normalisation de ces comptabilisations spécialisées ne commettraient plus d’erreurs fondamentales ou de manigances. 3) La profusion de statistiques serait nécessaire au discernement des réalités propres aux échanges et aux transferts économiques.

À chaque niveau de réalité économique correspond une sorte de comptabilité économique

Les vocables « macroéconomie » et « microéconomie » désignent des approches doctrinales nées plus complémentaires que rivales (quoiqu’en ait dit Keynes). Ils ne désignent pas des niveaux de réalité économique. Ces niveaux étant au nombre de trois, mieux vaut les étiqueter par des mots savants autrement bâtis : « macronomie », « mésonomie », « micronomie ». Le niveau le plus global est celui de la macronomie, le niveau intermédiaire celui de la mésonomie, le niveau le plus fin celui de la micronomie.

Une comptabilité nationale est macronomique ; une comptabilité régionale l’est également, que l’espace considéré soit infranational ou supranational. La comptabilité commerciale dite générale est mésonomique ; une comptabilité générale de ménage et d’association privée à but non lucratif l’est aussi, de même que les comptabilités publiques. La comptabilité dite analytique est micronomique.

Conceptuellement, il serait injustifié de diviser l’ensemble des comptabilités mésonomiques en sous-ensembles se distinguant par des dispositions qui leur sont propres. Cette opinion très répandue est de la raison orthologique jetée aux encombrants (orthologique : mot, référencé en son temps par Littré, dont il y a lieu de se demander d’où vient sa tombée en désuétude). Voir des entreprises là où il n’y en pas uniformise indûment.

Un axiome de la comptabilité économique est la distinction entre stock et flux

Je m’empresse d’ajouter que la distinction entre stock et flux est aussi un axiome utilisé en comptabilisations qui ne portent pas sur des valeurs d’échange économique. Sur une photographie horodatée, je compte un nombre de véhicules stationnés ou de chauves-souris suspendues au plafond d’une grotte. Ce comptage est une mesure de stock. Par un autre dispositif, je compte les entrées et les sorties d’un parc de stationnement ou d’une grotte. Ces derniers comptages sont des mesures de flux. La mesure d’un stock est un instantané, mais ce constat ne définit pas en extériorité ce qu’est génériquement un stock. La mesure d’un flux porte sur une durée, mais ce constat ne définit pas en extériorité ce qu’est génériquement un flux : un film est une suite d’instantanés !

Un outil majeur d’une comptabilité économique complète est la partie double. Les relevés qu’une banque fournit à ses clients sont au nombre de ceux qui montrent le plus évidemment la nécessité d’un « débit » et d’un « crédit », mentionnés de plus en plus fréquemment dans la colonne « Montant » par un nombre négatif pour un dédit et par un nombre positif pour un crédit. Faire en sorte qu’un montant débiteur ou créditeur puisse être enregistré dans n’importe quel compte est un dispositif propre à la comptabilité économique en partie double.

Un autre dispositif consiste à balancer tout crédit par un débit de même montant, au sein de la même comptabilité. Alors l’égalité entre la somme des débits et des crédits atteste de l’exactitude arithmétique du balancement. Ce balancement est lui-même économiquement pertinent. Entité mésonomique (ménage, entreprise, association privée à but non commercial, organe public) par entité de même niveau, tout échange marchand ou tout transfert d’un terme d’échange marchand a un effet sur un stock de monnaie, de créance ou de marchandise. L’enregistrement concomitant dans les comptes d’une entité d’un flux créditeur (produits) ou débiteur (charges) et d’une augmentation ou diminution de stock rend la partie double économiquement pertinente. Par convention d’usage spécialisé des mots « débit » et « crédit » et sachant que le sens d’un solde est inversé selon qu’il est de flux ou de stock (explication), un flux sortant débiteur a pour contrepartie un crédit en stock et un flux entrant créditeur a pour contrepartie un débit en stock.

L’utilisation de la comptabilité en partie double constitue un grand ouvrage de génie civil

C’est l’entreprise qui a été le creuset de l’élaboration de cet ouvrage. Gigantesque, cet ouvrage comprend maintenant de plus en plus d’usages comptables de la partie double par des organisations à but non commercial, quitte à ce que cela devienne fréquemment sans le savoir informatique aidant. Les colporteurs de dénis de réalité économique se dispensent volontiers de s’attarder à cette contemplation car cela leur permet de se dissimuler que l’emploi systématique de l’adjectif « comptable » dans son sens péjoratif n’est ni civiquement avisé, ni intellectuellement honnête. Aujourd’hui encore, les épreuves d’accès à la fonction publique d’encadrement et d’exécution administrative ainsi que d’enseignement vérifient-elles un minimum de connaissance sur la différence entre comptabilité de caisse et comptabilité d’engagement, comme entre solde de trésorerie, compte de résultat et bilan ? Aux yeux des réviseurs de programmes de formation, ce minimum rentre-t-il toujours dans la culture générale à promouvoir ?

Les constructions et réfections des ouvrages de génie civil que sont entre autres les ponts, les routes, les voies de chemin de fer et les adductions d’eau exploitent et respectent des lois physiques. L’assainissement de la pratique des échanges marchands et des transferts de termes ces échanges reste, lui, contrarié par un mélange d’incrédulités et d’erreurs initiales en matière de lois économiques.

Les comptabilités économiques contribuent à la certification de lois naturelles

Dans aucun des pays les plus prospères, la population n’a encore complètement renoncé à la conviction que la loi économique suprême est : toujours plus aux grands chanceux, le reste aux autres. Mais il y aurait heureusement la possibilité de l’impôt négatif et d’autres dispositifs de redistribution avec à la clé de l’assistance publique sonnante et trébuchante à grande échelle. Il y a malheureusement que l’objectivité n’a pas encore officiellement puisée dans les concepts que la comptabilité économique recèle ce dont elle a besoin pour élucider quelles sont les lois économiques majeures en matière de répartition. C’est réalisable, chemin faisant j’y reviendrai.

Pour l’heure, notons que les principes de la comptabilité économique en général et les principes complémentaires pour chaque sorte de comptabilité économique en particulier sont d’indispensables éléments constitutifs de la science économique de base, celle qui trop peu ou trop mal enseignée manque à la plupart des électeurs et des élus pour en arriver à se raconter moins d’histoires à dormir debout. Bien davantage de justice commutative et distributive par de bonnes intentions complétées d’assez nombreuses et sévères sanctions se peut, raconte à plus soif l’une de ces histoires. En réalité, pour parvenir à ce davantage il faut de l’austérité comptable, avec ce qu’elle doit comporter de rigueur terminologique pour être portée au plus haut. Les autorités morales et les corporations d’économistes qui se contentent d’être tièdes sur ce point se maintiennent inconscientes du gaspillage qu’elles contribuent à entretenir.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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