Et si les agences Pôle Emploi s’inspiraient (sérieusement) des Apple Store ?

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Par Julien André Publié le 21 mai 2015 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
4,8 %Le taux de chômage en France a progressé de 4,8 % en un an.

Cela peut paraître une provocation. Dans un pays où il y a 3 481 600 chômeurs et où le taux de chômage a progressé de 4,8% en un an, c’est, dans les faits, un exercice qui permet d’interpeller sur ce que vivent les demandeurs d’emploi. Le point de contact entre le candidat à l’Emploi et l’Institution est une agence physique. A défaut d’être un point de vente, elle n’en reste pas moins un lieu de rencontre.

Le virtuel a entraîné une faim de réel

Quand l’ère digitale a pris son essor, deux secteurs d’expertise ont explosé. La mise en scène en ligne de la marque, d’une part. La théâtralisation du point de vente, d’autre part, incluant accueil, signalétique, vécu du consommateur ; les marques qui ont su offrir une expérience agréable à ceux qui venaient à leur rencontre en ont été remerciées en termes de rentabilité. L’Apple Store est le parangon de l’expérience magasin. Un nouveau produit y draine des foules, les plus exigeants des clients y trouvent chaussure numérique à leur pied. Qu’y a-t-il donc à apprendre de ce succès ?

Parcours client et parcours du combattant

Entre le moment où l’écran de l’iPhone se fracture et le remplacement de l’appareil, il se passe 6 jours pendant lesquels le client a pris un rendez-vous en ligne. Il a choisi son horaire et son rendez-vous lui a été confirmé par e-mail. Pendant ce temps, chez Pôle Emploi, on envoie toujours des convocations par courrier, qui imposent des dates et ne précisent pas (ou vaguement) l’objet du rendez-vous. Le taux de précarité parmi la population au chômage est plus important, et l’équipement en terminaux mobiles moindre. Mais avec 55,6% de Français mobinautes, ne faudrait-il pas convenir avec certains candidats d’un mode d’échange numérique lors de leur inscription ?

Un candidat, un interlocuteur : profiter des bénéfices du Big Data

Si on vous appelle par votre prénom chez Apple, c’est que dans leur base de données, il y a un peu de vous. Un iPod acheté avec un premier salaire en 2005, un nouveau chargeur d’ordinateur chaque année, jusqu'à ce jour où un faux mouvement suivi d’un vol plané vous conduit en magasin. Un nom et un prénom donnent accès à votre interlocuteur à une partie de votre vie numérique, et il est plus à même de vous aider grâce à ces informations. Conformément au principe énoncé par Ron Johnson, concepteur des Apple Store : "Le personnel n'est pas là pour vendre, mais pour construire une relation et essayer d'améliorer la vie des gens".

Parfois, Pôle Emploi peine à identifier ce que fût votre vie professionnelle. Les conseillers ont du mal à identifier et à orienter les candidats car leurs outils datent d’un autre siècle. De plus, le même peut-il accompagner un jeune en rupture scolaire et un cadre qui dispose de 25 ans d’expérience ? Des efforts ont été faits en ce sens. Via la délégation de certains dossiers à des organismes privés, pas tous efficaces, comme l’a pointé la Cour des comptes dans un rapport. Qui plus est, ce processus met du temps à se mettre place. Or les chômeurs n’ont pas le temps de devenir des chômeurs « longue durée », plus éloignés encore du retour à l’emploi.

Parce que nul n’est formé à rechercher un emploi, ce dont ils ont besoin c’est d’un soutien personnalisé, de formation le cas échéant, et d’une approche sectorielle fine pour un retour à l’emploi plus rapide. Mécaniquement, le personnel de Pôle Emploi serait également moins engorgé si les gens recherchaient du travail moins longtemps.

« Pôle Emploi Campus » est-il une utopie ?

La journaliste Florence Aubenas décrit ainsi son arrivée dans une agence Pôle Emploi : « Chaque chose semble conçue pour créer une forme d’inconfort neutre, où rien n’invite à s’installer, ni même à s’attarder au-delà du temps strictement indispensable aux formalités. La pièce est un grand hall qui sert à la fois de comptoir d’accueil, de salle d’attente, de cabine téléphonique pour les démarches. […] Ces fonctions ne sont isolées par aucune paroi et tout s’y fait debout, derrière des sortes de guichet à hauteur d’homme, si bien que les gens semblent flotter parmi les courants d’air […]. » Une réorganisation de la surface séparant les groupes de personnes attendant information, rendez-vous ou utilisation des outils mis à disposition ne serait-elle pas un premier pas ?

Allons plus loin. A Paris et dans la petite couronne, on compte près de 80 agences Pôle Emploi. On pourrait imaginer qu’en lieu et place d’une infinité d’agence, on crée un lieu, moderne, convivial, technologique à l’image des Apple Store et grandiose à l’image de la future Halle Freyssinet. Un espace forum et Auditorium, permettrait aux demandeurs d’emploi de participer à des ateliers de travail et à des formations en groupe quotidienne. Comme au « Genius bar » d’Apple, il serait possible de réserver en ligne pour bénéficier d’un rendez-vous personnalisé avec un conseiller emploi.

Un espace co-travail et réseautage serait également un lieu d’échanges et de rencontres, pour que la solitude du demandeur d’emploi ne soit plus un fléau. Le parc informatique dense, moderne serait disponible sur une large amplitude horaire. Sur ces machines, les candidats à l’emploi pourraient se former aux techniques de recherche, à la découverte des métiers, à l’apprentissage des langues. Ces formations en ligne qualifiantes et certifiantes existent déjà pour la plupart, pourquoi ne pas les proposer gratuitement à tous ceux qui en ont besoin ?

Enfin, ils auraient accès aux opportunités d’emploi. Grâce au chantier Transparence du marché du travail de Pole Emploi (2013), les demandeurs d’emploi peuvent désormais accéder à tout ou partie des offres d’emploi d’une cinquantaine de sites emploi à partir pole-emploi.fr. Il faut aller plus loin, en crawlant le web et en indexant l’ensemble des offres disponibles. Pole-emploi.fr est légitime à vouloir devenir le « Google de l’emploi » et ainsi proposer à la fois l’exhaustivité des offres disponibles aux demandeurs d’emploi, et aux recruteurs une CVthèque offrant une expérience utilisateur agréable et des résultats pertinents. Des solutions techniques et empiriques méritent d’être testées. Et dans cette configuration là, le Code ROME n’existerait plus… Et si le moment d’exiger cette utopie était venu ?

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Directeur Emploi de Vivastreet.com

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