En 2012 et 2013, la période estivale a été faste pour les marchés financiers et notamment les marchés actions. En 2012, c'est l'intervention de Mario Draghi au plus fort de la crise de la dette en zone euro qui a ramené le calme sur les marchés et lancé le rally du CAC40 que l'on connaît. En 2013, les marchés ont bénéficié de la nette détente des taux en zone euro et des politiques monétaires accommodantes des différentes banques centrales (FED ,BCE, BoJ et BoE notamment).
Mais cet été le contexte est sensiblement différent. La FED a déjà réduit son programme d'achat d'actifs de plus de moitié, le faisant passer de 85 milliards de dollars par mois à 35 milliards en juillet. A ce rythme, le quantitative easing (QE) pourrait toucher à sa fin au 3e trimestre. La Banque d'Angleterre (BoE) réfléchit également à ajuster sa politique monétaire pour lutter contre les risques de formation de bulle sur le secteur immobilier.
Le momentum haussier a nettement marqué le pas en juin sur le CAC40. Catalysé par les attentes sur la BCE, l'indice est allé tutoyer les 4600 points après que cette dernière ait annoncé son package de mesures. Mais le large éventail de mesures n'aura pas suffi à convaincre les investisseurs.
Lorsqu'on détaille ce package, on se rend compte que les mesures les plus à même de soutenir l'économie, à savoir les LTRO ciblés et la revitalisation du marché des ABS n'entreront en vigueur qu'en septembre et décembre, pour les LTRO, et probablement après concernant les ABS. La baisse de taux et le taux négatif sur les dépôts n'ayant que peu d'impact à court terme sachant les banques traversent une phase de turbulence en Europe.
Sabine Lautenschläger, vice-présidente de la Bundesbank de 2011 à 2014 et membre du Directoire de la BCE a elle-même concédé que les premiers effets des LTRO ciblés ne seront pas visibles avant 2015 et a laissé entendre que le « déclencheur » (trigger) d'un éventuel programme d'achat d'actif (QE) sera « placé très haut »... sous-entendant qu'il s'agit là d'une mesure exceptionnelle devant répondre à des conditions exceptionnelles.
C'est pour cette raison notamment que les investisseurs n'ont pas poussé les cours plus haut que 4600 points car parmi les attentes autour de la BCE figurait celle d'un achat massif d'actifs (Quantitative Easing). La BCE a écarté cette option à court terme, considérant qu'il fallait observer l'évolution de l'inflation et de l'économie (du crédit notamment) dans les mois à venir avant d'adopter de nouvelles mesures. L'Allemagne par la voix de Weidmann, président de la Bundesbank s'est déjà montrée réticente à de nouvelles actions de la part de la BCE, ce dernier ayant déclaré fin juin que la BCE s'était « engagée en territoire inconnu » avec ce package de mesures. Le ministre des Finances Wolfgang Schaeuble a pour sa part estimé qu'il y avait trop de liquidités de banques centrales sur les marchés... Difficile d'imaginer l'Allemagne valider le lancement d'un QE par la BCE en Europe dans ces conditions.
Cette réticence couplée au fait que l'inflation en Allemagne s'est légèrement redressée dans plusieurs régions en juin rend peu probable la mise en place d'achats d'actifs d'envergure par la BCE à court terme.
Autre facteurs de pression à la baisse pour les indices : plusieurs statistiques économiques en zone euro montrent un tassement de la reprise économique et notamment la stagnation voire le recul, dans certains pays, des indices d'activité (manufacturier et services). Le recul des crédits au secteur privé en mai (-2%) après -1.8% en avril nourrit également les inquiétudes sur la vigueur de la reprise en zone euro. Sans oublier des chiffres inférieurs aux attentes sur les commandes industrielles en Allemagne et la forte déception sur la production industrielle en net repli (-1.8% en mai alors que le consensus visait un chiffre à l'équilibre).
Mais les pressions baissières ont surtout été (et sont toujours) alimentées par le contexte entourant le secteur bancaire européen. Les banques de la zone euro sont actuellement soumises aux AQR (examen des actifs bancaires) de la BCE dans la cadre de la mise en place de la supervision bancaire européenne, ce qui limite l'expansion des bilans et la diffusion du crédit et la multiplication des procédures contre plusieurs banques (dont récemment BNP Paribas) crée un climat d'aversion au risque qui se traduit par un recul des cours.
Sans oublier le contexte géopolitique entre l'Ukraine et la Russie. L'Ukraine a indiqué en ce début de semaine ne pas avoir réglé la Russie pour les livraisons de gaz de juin, information confirmée par Gazprom mardi matin. Cette situation ravive les craintes autour des livraisons de gaz vers l'Europe, l'indice Dax a fortement reculé au moment de la diffusion de cette information.
Ce contexte macroéconomique favorise le débouclage de positions sur les indices. Le repli sur le CAC40 pourrait se poursuivre dans les jours qui viennent. L'indice est passé en juin de 4600 à 4406 points avant d'entamer un rebond en direction des 4500 points... puis a récemment fait une incursion sous 4400 pts.
Dans ce contexte de très faible volatilité sur les marchés américains et européens, avec des indices actions US sur leurs plus hauts historiques (SP500 et Dow Jones), la période estivale pourrait favoriser les prises de bénéfices et ramener l'indice français dans la zone des 4250 points, sachant que les interrogations vont se poursuivre sur la vigueur de l'économie américains au 2e trimestre après le trou d'air du premier trimestre.