L’analyse critique du MBTI (Myers Briggs Type Indicator)

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Par Alain Desert Publié le 6 octobre 2016 à 5h00
Psychologie Cognitive Mbti Personnalites
16Le MBTI définit 16 types différents de personnalités.

Cette article propose d’apporter un regard critique sur un outil d'évaluation psychologique appelé le MBTI (Myers Briggs Type Indicator), dont l’objectif est de déterminer le profil psychologique d'une personne, suivant une méthode élaborée par Katherine Cook Briggs et Isabel Briggs Myers au début des années 60.

Depuis plus de 50 ans, le MBTI, largement diffusé à travers le monde, permet à nombreuses personnes de découvrir leur « type » de personnalité, parmi les seize recensés. Il est utilisé comme un outil pour identifier des dominantes psychologiques qui pourront être exploitées dans un cadre de travail ou de recrutement (adéquation entre poste et profil), pour des problématiques liées au management, ou encore aux problèmes de relations sociales. L’objectif serait donc de mieux se comprendre, de mieux comprendre les autres, d’identifier nos traits de caractère, notre manière de voir (ou de ne pas voir) les choses, de décider.

Il n’est pas question dans cet article de détailler le fonctionnement de cet outil, mais d’en évaluer la pertinence, les limites, de le confronter à des théories nouvelles apparues dans le 2ème moitié du 20ème siècle, apportant beaucoup d’éléments nouveaux sur la compréhension des systèmes en général et particulièrement les systèmes ouverts structurés en niveaux d’organisation à l’image des êtres vivants. Ces théories ont révolutionné la pensée, notamment en faisant naître ce que l’on nomme aujourd’hui « la pensée complexe », celle qui s’applique justement à l’étude des objets dits « complexes ». Or, l’être humain est un « objet » complexe.

Rapidement … Qu’est-ce que le test MBTI ?

Dans le cadre de la psychologie analytique, Carl Gustav Jung (psychiatre suisse, 1875-1961), a développé au début du 20ème siècle (vers les années 1910-1920) des éléments théoriques dont l'existence des « types psychologiques ». À partir de ces bases, d’autres chercheurs ont apporté des améliorations, des compléments théoriques, comme Isabel Briggs Myers et sa mère Katherine Cook Briggs. Pendant plusieurs décennies elles ont travaillé sur ces aspects théoriques pour aboutir à la création de ce fameux test MBTI.

En résumé, en partant d’un certain nombre de critères, de « préférences » individuelles, le MBTI explore le type de personnalité, en s’appuyant essentiellement sur 4 dimensions :

  • L’extraversion (E) – introversion (I), c’est-à-dire ce vers quoi vous orientez votre énergie
  • La sensation (S) – intuition (N), qui se réfère à la manière dont vous recueillez les informations
  • La pensée (T) – sentiment (F), qui indique par quel moyen vous prenez des décisions
  • Le jugement (J) – perception (P), c’est-à-dire la façon dont vous abordez le monde qui vous entoure.

(Les lettres ne correspondent pas complètement aux premières lettres de chaque mot à cause de la traduction française : il faut lire par exemple Thinking, Feeling à la place de Pensée, Sentiment)

Il existe par exemple l’ISTJ (introversion-sensation-pensée-jugement), qui serait un observateur pointilleux, original, méthodique, réserve, mais qui peut devenir rigide, ou encore l’ISFP, le conciliateur, dévoué, gentil, cherchant à éviter les conflits.

Je m’arrêterai là pour ce qui est de la méthode. Voyons à présent ses faiblesses.

Mais … Pourquoi 16 profils ?

Oui, on peut réellement se demander pourquoi la méthode aboutit à définir 16 types de personnalité. Pourquoi 16 et non pas 8 ou 12 ou 20 ? Le nombre 16 est le résultat d’une matrice construite à partir de 4 dimensions, chacune étant caractérisée par 2 préférences (cela fait donc 2x2x2x2). Si la méthode avait retenu 5 dimensions, nous aurions eu 32 types de personnalités. Alors pourquoi 4 dimensions plutôt que 3 ou 5 ? Là est la question à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse évidente. Le MBTI aurait pu retenir une dimension fondamentale du comportement animal et humain qui est « l’agressivité », c’est-à-dire comment il se comporte face à un stimulus qui met en danger son équilibre intérieur, son homéostasie (danger, douleur, compétition pour un objet ou un être gratifiant, etc.). Cet aspect est fondamental et a largement été développé par le professeur Henri Laborit (décédé en 1995, médecin, chirurgien, biologiste, neurobiologiste, cybernéticien, spécialiste de la biologie comportementale, etc..), qui fût un des premiers à faire naître à travers la biologie comportementale les notions de niveaux d’organisation, de système de régulation, de servomécanisme chez les êtres vivants, indispensables à la compréhension des comportements. Il est « arrivé » au moment où naquirent 3 grandes théories qui furent largement utilisées dans ses travaux de recherche à travers une démarche globale :

  1. La cybernétique (Norbert Wiener)
  2. La théorie générale des systèmes (Von Bartalanffy)
  3. La théorie de l’information (Shannon, Weaver)

De ces 3 théories apparaît alors « l’analyse systémique » (qui prendra des points d’appuis sur celles-ci), qui révolutionnera la pensée scientifique en lui offrant une porte d’entrée dans le monde de la complexité.

Je suis obligé de passer par une petite phase pédagogique indispensable pour mieux pointer et comprendre les faiblesses du MBTI.

La complexité de l’être et les niveaux d’organisation

La complexité qui caractérise tout être vivant nous invite de suite à évoquer deux approches nommées « approche analytique » et « approche systémique », qui permettent d’étudier un système selon des méthodologies complètement différentes. La méthode du MBTI utilise la première approche (analytique), c’est à dire, un type d’analyse qui néglige les nations de globalité, de finalité, d’interaction, de rétroaction, de niveaux d’organisation, etc., mais qui décompose, qui isole. Sans ces notions, on ne peut pas comprendre les comportements de l’être humain ou plus généralement ceux de l’animal.

Toute étude qui réduit l’individu en coupant un niveau d’organisation (objet d’étude) de son système englobant (niveau d’organisation supérieur) est vouée à une compréhension partielle, très incomplète, du fait que l’on coupe le système de contrôle et de commande supérieur, participant aux échanges d’informations indispensables à l’équilibre de l’ensemble (cas du cœur étudié en dehors de l’organisme : on perd la connexion avec les systèmes de contrôle sympathique et parasympathiques, entre autres ..).

>>> Un minimum de 8 niveaux d’organisation qui construisent notre organisme: atomes, molécules, organites (ex : mitochondries), cellules, tissus de cellules, organes, systèmes fonctionnels (système nerveux, système cardio-vasculaire, système digestif, etc..), et organisme tout entier >>>. On peut aller plus loin dans les niveaux, en intégrant ensuite les dimensions sociales et étatiques : groupe social, ensemble de groupes, états, bloc d’états. Et on s’arrêtera là !!

Le système englobant de l’individu est son milieu social (famille, amis, voisins, collègues, etc.). L’être est influencé par le milieu et agit à son tour sur celui-ci. Bien évidemment, le MBTI ne s’intéresse pas au milieu, à la niche environnementale, il ne s’intéresse qu’à l’être « déconnecté » de son environnement à travers des angles d’observation réduits. Cela veut dire simplement que toute analyse recherchant à isoler pour mieux étudier perd les relations et les interactions avec le niveau supérieur, celui qui va transformer un système de régulation en servomécanisme.

Tout cela paraît bien lointain du sujet, mais en fait pas du tout, car c’est toute la différence entre l’approche analytique et l’approche systémique. Cette dernière ne peut être occultée si on veut comprendre le comportement des individus. La complexité l’impose, car elle relie, elle étudie les effets des interactions, les boucles de rétroaction, les processus, le traitement de l’information, les échanges, les flux, les réseaux de communication, la finalité, les équilibres, les déséquilibres, l’ordre, le désordre, l’entropie, etc. L’individu c’est tout cela à la fois, et pas uniquement quelques traits de caractères positionnés dans des cases qui feront qu’en final vous serez toujours réduit à une « case », enfermé dans un de ces 16 tiroirs.

Le principe de complexité interdit la notion même de classification, puisque la complexité n’autorise pas un système à se positionner sur un nombre précis d’états. Or, l’être est l’objet le plus complexe de l’univers. Cette approche est en soi une sorte d’affront à ces élans de la nature qui a permis par des forces qu’on ne peut comprendre de passer de l’atome à un être organisé intelligent. La nature aurait-elle si peu d’imagination pour n’avoir envisagé que 16 types de personnalité ? Bon là je dérive un peu …

Les grilles font des prisonniers

La méthode MBTI offre une grille de lecture (ou des grilles), prétendant classer les individus selon 4 dimensions. Or, les grilles font toujours des prisonniers, que ce soit dans les prisons qui enferment les délinquants (et parfois les innocents !) ou bien par rapport à des idées qui pourront alors difficilement progresser. Les êtres vivants ont au moins deux caractéristiques fondamentales, la première est celle d’être des systèmes ouverts et la seconde, celle d’être structurés par niveaux d’organisation. Là encore il dommage de ne pouvoir développer davantage, car je serais hors sujet. J’aborde ces notions tout simplement par opposition à l’idée même de vouloir « caser », « classer » un sujet, le mettre dans un tiroir, l’enfermer. L’individu comme « système ouvert » a de multiples facettes et réagit différemment selon le contexte dans lequel il évolue. Il évolue dans le temps et dans l’espace, il s’adapte, il dépend également de ses états physiologiques, de ses états mentaux. Les méthodes analytiques isolent, l’approche systémique relie. C’est de là qu’est née la biologie comportementale, celle qui relie l’individu à la biologie, à la physiologie, à ses équilibres intérieurs, à ses dynamiques internes, à son milieu. L’individu ne peut donc être décomposé pour être étudié et être compris dans sa globalité. L’individu est un tout, qui fait naître des propriétés émergentes selon le contexte où il est positionné. Mais cela, le MBTI ne l’étudie pas !

Observation et tests psychologiques

On apprend en physique que tout système observé est perturbé et peut modifier son comportement. Eh bien pour l’individu c’est la même chose. Une personne ne se comporte pas de la même manière en réunion lorsqu’il est observé par 10 personnes. Lorsqu’on réalise un test MBTI chez un sujet, c’est dans un cadre précis, dans une salle avec d’autres sujets bien souvent. Or, le contexte ne peut être neutre dans le processus d’évaluation. S’il était placé dans le désert, au milieu de nulle part, je prends le pari que le test aboutirait à un autre résultat. Je reviendrai sur ce qu’on appelle l’instabilité d’un test. Il faut également noter que les réponses (parmi 100 ou 200 questions) sont parfois victimes d’une triche personnelle, la personne désirant faire dire au test ce qu’elle a envie qu’il dise. Qui répond honnêtement aux questions d’un test psychologique à des fins de recrutement ? On brouille nécessairement le test pour ne pas faire apparaître des traits de personnalité qui seraient en inadéquation avec le poste proposé.

La méthode est binaire ou dichotomique

A première vue, la méthode paraît binaire, laissant peu de place à la variété. On est extraverti ou introverti. Ne peut-on être à la fois l’un et l’autre, selon le contexte où on est situé ? Nos personnalités évoluent, ne sont pas figées, à travers le temps et l’espace (là où l’individu est placé), ce qu’on appelle des continuités. Nous ne sommes jamais ni complètement introverti, ni complètement extraverti, et pourtant, le MBTI se base sur cette dichotomie en laissant peu place à la nuance, considérant presque que nous avons des « traits » de personnalité immuables. Or cette dimension (extraverti, introverti) apparaît dans toutes les phases d’analyse y compris dans les fonctions auxiliaires. Le même raisonnement peut s’appliquer sur les autres dimensions, et notamment la dimension « Sensation, Intuition » qui concerne la capture de l’information ou sur la dimension « Pensée, Sentiment » qui concerne la prise de décision. Rappelons une nouvelle fois que l’individu est relié à son environnement et que son comportement varie en fonction de celui-ci et donc du contexte. L’environnement est l’organisation englobante de l’individu comme le système fonctionnel englobe l’organe, agissant donc sur l’ensemble des systèmes de régulation. Lorsqu’on analyse une personne dans un contexte donné, on ignore comment elle se comportera dans contexte différent. A titre de comparaison, si on procède à une analyse physiologique liée à l’effort chez un individu placé au niveau de la mer, on ignorera tout sur les réponses de son organisme dans un environnement contraint comme la haute altitude.

Mais où sont les traits de caractères négatifs ?

Il me semble que la méthode fait peu de cas de certains traits de caractère et de comportements. J’ai envie de dire … mais où sont les agressifs, les fainéants, les flemmards, les narcissiques, les égoïstes, les tricheurs, les présomptueux, les ingrats, les balourds, les bornés, les niais, les hébétés, les empotés, les grossiers, etc… et de l’autre côté, les travailleurs, les paisibles, les rêveurs, les romantiques, les sereins, les amoureux de la nature (aimer la nature n’agit-il pas sur le comportement ?) … les listes seraient longues ! Encore une preuve de la réduction de l’individu. Quand on réduit, on élimine, on perd de l’information, on néglige des variables. La réduction est telle, que chaque type de personnalité (parmi les 16) sera traduite par un seul mot : le pragmatique, le zélateur, le praticien, le conciliateur, le visionnaire, le perfectionniste, …

Les sciences sociales actuelles s’accordent plutôt à parler « d’états » de personnalité que de « traits » : nous n’avons pas une seule manière de prendre des décisions, une seule façon de voir les choses… Selon les contextes, selon nos humeurs, selon les moments de nos vies, nous faisons appel à notre intuition, ou à notre ressenti… En fait, tout cela est très fluctuant !

Remise en question du test. Son instabilité et ses résultats irréguliers et inexacts

Selon certains psychologues, tels que Adam Grant (psychologue des organisations), les caractéristiques mesurées par les tests du MBTI n’ont quasiment aucun pouvoir prédictif, c’est-à-dire qu’ils ne permettront pas de prédire la performance d’un individu à tel ou tel poste de travail, sont épanouissement dans la vie privée, son niveau de bonheur. Les résultats proposés sont vagues et permettent à chacun d’entre nous de trouver quelque chose qui lui correspond (c’est ce qu’on appelle « l’effet Barnum »).

Les tests présenteraient une certaine instabilité, car un pourcentage élevé de personnes qui le passent deux fois (même peu espacés dans le temps) obtiennent des résultats complètement différents. Les tests sont non seulement instables mais évidemment inexacts. La pertinence d’un test tient au moins à deux critères : être exact dans son résultat, et offrir le même résultat à chaque passage. C’est la moindre des choses que l’on demande à un test. Mais comment prouver l’exactitude d’un test en psychologie, par quelle méthode ? On est dans les sciences molles, archi molles, et non pas dans les sciences dures comme la physique, où on peut prouver une théorie par l’expérimentation. Comment être jugé par un sujet dont le cerveau a été programmé par ses propres expériences, qui feront de lui un observateur approximatif, subjectif, avec ses biais d’attribution ?

Et la psychologie cognitive, où est-elle ?

La méthode fait assez peu appel à la psychologie cognitive, malheureusement, dirai-je. Là encore je serai très bref, la psychologie cognitive étant une discipline qui a pour objet l’étude des grandes fonctions psychologiques (plus orientés processus) de l'être humain, tels que l'intelligence, le langage, les types de raisonnement, les méthodes de résolution des problèmes, enfin l’ensemble des processus mentaux qui à travers l’apprentissage, la mémoire, les processus associatifs, font en grande partie ce que nous sommes, en oubliant un peu les traits de caractère. La méthode MBTI évoque dans la 2ème dimension la manière dont l’individu capture l’information de son milieu extérieur et en 3ème dimension la manière dont il prend les décisions. Entre les deux il y a les processus de traitement de l’information « Acquisition des données – traitement de l’information (filtrage, classement, organisation, associations, comparaisons, etc.) – résultats - décision / action ». Voilà une étape complètement oubliée ou occultée. Mais je le répète, ajouter 2 dimensions dans le démarche (comme l’agressivité et le traitement de l’information) aurait conduit à 64 types de personnalité, ce qui rendait la méthode inopérante et inexploitable. Les 2 femmes à l’origine du MBTI ont dû évidemment arbitrer, et donc réduire.

Le langage est un élément fondamental qui caractérise l’individu, car selon la maîtrise ou la non maîtrise du langage, de la richesse des mots dont dispose l’individu (son dictionnaire à lui), de sa capacité à générer des expressions, à jouer avec la sémantique et la rhétorique, il sera plus ou moins agressif. En effet, l’agression peut s’exprimer de 2 manières : par la force physique, c’est-à-dire la quantité d’énergie capable de modifier l’entropie d’un système (détruire en partie l’agent extérieur qui dérange) et par le langage. Ne dit-on pas « le mot ou l’expression qui tue ». Plus l’individu maîtrisera le langage et moins il sera agressif, car ce sera son arme privilégiée, une arme moins violente ! Les jeunes de nos banlieues ne disposent malheureusement que de quelques centaines de mots (300 ou 400 mots au mieux ! 60000 mots pour le dictionnaire). Cette faiblesse du langage ne peut que se compenser par l’énergie physique et non l’énergie intellectuelle. Pour répondre à une agression (de quelque nature quelle soit) il n’y a plus que la force physique, la violence. Par conséquent, les procédés de réduction du MBTI, oubliant le langage, le raisonnement, et autres processus cognitifs, fait montre d’un certain nombre de négligences et de lacunes. Comment peut-on alors identifier 16 types de personnalités quand une méthode est si réductrice, restrictive, réductionniste, laissant de côté de nombreuses facettes de l’individu ?

Méthode réductrice. Approcha analytique

Je l’ai déjà évoqué, l’approche utilisée est de type analytique, à laquelle s’ajoute une dose importante de réductionnisme. Le réductionnisme, comme son nom l’indique consiste à réduire l’objet étudié. Lorsqu’ils avaient affaire à un objet complexe, avant la diffusion des théories évoquées plus haut dans la 2ème moitié du 20ème siècle, les scientifiques, les chercheurs ont cherché à décomposer l’objet en composants élémentaires, sortis du contexte globalisant. Par exemple pour étudier le cœur, sa physiologie, on l’extrayait de l’organisme. D’ailleurs, y avait-il le choix! Seulement voilà, quand on isole un élément d’un système, on coupe tous les systèmes de contrôle et de régulation, ceux qui informent et sont informés. Le cœur englobé dans un système fonctionnel (système cardio-vasculaire), transformé en servomécanisme, ne devient plus qu’un effecteur, c’est-à-dire une fonction produisant un effet. En l’occurrence, pour le cœur, l’effet est l’éjection d’une certaine quantité de sang à chaque contraction. J’ai pris cette comparaison pour faire le lien avec le niveau supérieur qui est l’organisme, qui pris tout entier ne peut être isolé de son environnement (système englobant) pour être compris. De là, on comprendra les limites de toute approche réductrice.

Le réductionnisme et la perte d’information

L’étude de personnalité se traduit en phase finale de la démarche par un sigle de 4 lettres (ISFP, INTJ, ESTP, etc..). Revenons un instant sur le réductionnisme. Pour identifier qu’une personne est extravertie ou introvertie, on s’appuie sur quelques critères comme (expressif, sociable, initiateur, expansif) pour le premier et (réservé, tranquille, récepteur) pour le second. S’il se trouve que l’individu satisfait 3 ou 4 caractères dans la « case » extraverti et seulement 1 ou 2 caractères dans la « case » introverti, eh bien on dira que c’est un « E » pour extraverti. Or, j’ai déjà évoqué que l’on n’est jamais totalement l’un ou totalement l’autre, puisque l’individu ne peut se réduire à de simples dichotomies. Mais une fois que l’on est classé « E » ou bien « I », il devient impossible de remonter à la source qui a permis cette identification, et on perd ainsi beaucoup d’informations. C’est l’inconvénient du réductionnisme. J’insiste sur l’idée fondamentale, que la réduction fait perdre de l’information.

Si je dis à un de mes amis que j’ai un ami profilé « INTJ », pour peu qu’il ait eu l’occasion de se pencher sur la méthode, il me dira « OK c’est un introverti, un conceptuel, etc… mais moi j’ai besoin de savoir s’il est honnête, courageux, tolérant, … ». En fait il n’apprendra que peu de choses sur la personne, et je dirai « heureusement », car il eût été plus que curieux qu’un outil psychologique puisse décrire un individu en 8 lettres et 16 combinaisons !

L’effet Barnum

Conclusion

Un individu est unique aussi bien à travers son ADN (sauf les vrais jumeaux), son visage, sa physiologie, ses structures mentales (codées par les multiples expériences de la vie depuis la naissance), son langage, son intelligence, son raisonnement, ses perceptions, ses sensations, ses relations, ses décisions, etc. Inutile de le caser, de le classer, de l’enfermer. L’être humain est un système ouvert qui échange des flux de matières, d’informations et d’énergie avec son environnement. Il évolue, il progresse, il régresse, il s’adapte, il se renforce, il apprend, il se structure, il se déstructure. Classer un individu est même dangereux, surtout de la part d’un observateur qui ne peut être neutre, qui a ses propres préjugés, ses jugements de valeurs, ses automatismes culturels, ses règlements intérieurs, souvent ses préceptes religieux. Je dirai même, mais de quel droit, des cabinets de conseil peuvent prétendre utiliser un tel instrument à des fins de classification, comme si les êtres étaient des objets avec 2 couleurs, 2 formes, 2 poids, 2 tailles (cela fait bien 16 …) !

Le MBTI prétend définir 16 types de personnalité alors qu’il s’appuie sur 4 dimensions qui ne peuvent à elles seules « embrasser » toutes les composantes d’une personne. Comment peut-on à partir d’une réduction en inférer sur une vision globale (la totalité) ? Il y a là une erreur dans la démarche !

Le MBTI ne peut être utilisé que comme un outil de distraction, en ayant pleinement connaissance du cadre d’étude. Aucun test ne peut nous définir. En revanche, ils peuvent nous permettre de réfléchir à nous-mêmes, à nos rapports avec les autres, de prendre une photographie de nous à des instants de nos vies. Mais la photographie sera floue et ne révèlera qu’une toute petite partie du personnage.

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Ingénieur en informatique, Alain Desert a longtemps travaillé sur des plates-formes grands systèmes IBM où il a eu l'occasion de faire de nombreuses études de performances. Il est un adepte de l'approche systémique.

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