Quand BNP Paribas était menacé d'une amende 3,5 milliards de dollars il y a un mois - risque provisionné à hauteur d'1 milliard d'euros dans les comptes de la banque - le tocsin n'avait pas encore sonné : péripétie que les bénéfices de la banque pouvaient financer : 4,3 milliards d'euros en 2013 tout de même.
Mais quand il s'agit d'une amende de 10 milliards de dollars, l'histoire prend une tournure bien différente. D'abord parce que cet argent ponctionné dans sa trésorerie nuirait au développement de la banque, l'obligeant même peut-être à mettre en place un plan d'économies pour pouvoir payer. Ensuite parce que cette amende survenant avant impôts, déduite du bénéfice, priverait l'Etat français de recettes fiscales conséquentes, probablement plusieurs milliards ! En 2013, BNP Paribas, Total et GDF Suez ainsi que sept autres entreprises du CAC 40 ont acquitté 35 milliards d'euros d'impôts, soit les trois quarts des impôts levés sur les entreprises de l'indice phare de la Bourse française !
Désormais donc le risque qui pèse sur BNP Paribas de voir une amende record de 10 milliards de dollars lui tomber dessus devient un problème franco-américain, qui va être traité par la voie diplomatique. Laurent Fabius, ministre des Affaires Etrangères, a déclaré mardi 3 juin que ces sanctions ne "sont pas raisonnables". "S'il y a eu une faute, il est normal qu'il y ait une sanction. Mais la sanction doit être proportionnée et raisonnnable".
Le débat vient polluer les négociations en cours sur l'accord de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis, et la diplomatie française espère bien en jouer, Laurent Fabius parlant de "décision injuste et unilatérale". Mais elles viennent également polluer les prochaines cérémonies du 70e anniversaire du débarquement allié en Normandie, auquel Barack Obama participera évidemment. On sussure dans les couloirs des palais de la République que François Hollande envisagerait d'en parler à son homologue américain jeudi soir, lors du dîner offert aux chefs d'Etat étrangers.