Les ambitions de Joe Biden se heurteront à un Congrès divisé

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Par Stéphane Monier Publié le 11 novembre 2020 à 9h42
Debat Trump Biden Analyse
@shutter - © Economie Matin
3,5%Le PIB américain devrait chuter de 3,5% en 2020.

Le 7 novembre, la presse américaine a proclamé Joe Biden et Kamala Harris vainqueurs de l'élection présidentielle, avec une majorité de 290 voix au Collège électoral contre 214 pour Donald Trump. Des résultats qui pourraient hisser la victoire démocrate à 306 voix sont encore en attente depuis la Caroline du Nord et la Géorgie. Le Président Donald Trump n'a pas encore reconnu sa défaite. Il prétend toujours être victime de fraude électorale et échafaude des recours judiciaires, sans être en mesure pour l'instant de fournir des preuves d'irrégularités massives.

Quand Joe Biden deviendra le 46e Président des États-Unis le 20 janvier 2021, le Congrès sera probablement toujours divisé entre une Chambre des Représentants démocrate et un Sénat majoritairement républicain. La majorité finale au Sénat dépendra d'un second tour pour deux sièges en Géorgie qui aura lieu le 5 janvier 2021, veille de la première réunion du nouveau Congrès.

Cette fragmentation du Congrès rend plus difficile l'obtention d'un consensus sur des mesures de relance fiscale supplémentaires et augmente la dépendance de l'économie envers la politique monétaire. En effet, les Républicains au Sénat s'opposeront certainement à des nouvelles dépenses ambitieuses et pourraient même manifester un subit intérêt pour le déficit budgétaire américain.

Les marchés ont revu à la baisse leurs attentes concernant un plan de relance. Nous pensons que pour parvenir à un compromis, la proposition initiale des Démocrates (2 000 milliards de dollars) risque d'être rognée pour aboutir à un budget compris entre 500 milliards et 1 000 milliards de dollars.

Dépendance envers la Fed

Une relance budgétaire moins ambitieuse implique une plus longue période d'expansion monétaire, toutes choses demeurant égales par ailleurs, et donc une plus grande dépendance de la reprise économique envers la Réserve fédérale. Le premier relèvement des taux n'aura peut-être pas lieu avant 2024 et les achats d'actifs à grande échelle (LSAP) seront maintenus.

Au cours de sa campagne, Joe Biden a promis que l'impôt sur les sociétés passerait de 21 % à 28 %, un niveau qui reste cependant inférieur au taux de 35 % en vigueur jusqu'à 2017. Mais tant que l'activité économique demeure à 80 %-90 % de son niveau d'avant la pandémie, il y a peu de chances que la nouvelle administration procède à une augmentation d'impôts.

La campagne présidentielle de Joe Biden promettait des créations d'emplois, l'augmentation du salaire minimum, le redressement des entreprises et des investissements dans des projets d'infrastructures ainsi que dans les énergies renouvelables. Parmi ces initiatives, beaucoup soutiendront les bénéfices des entreprises, compensant largement les éventuelles augmentations d'impôts visant à financer le développement des énergies propres.

La vision portée par l'administration de Joe Biden incarne un changement d'ambition radical sur la scène internationale. Compte tenu des enjeux géopolitiques, les tensions avec la Chine devraient forcément perdurer. Mais l'on peut s'attendre à une forme de détente, avec, notamment, le retrait de certaines taxes à l'importation frappant des marchandises chinoises. De plus, Joe Biden a promis de réengager les États-Unis dans l'Accord de Paris sur le changement climatique dès son entrée en fonction.

Vents contraires

La priorité de M. Biden sera toutefois une reprise économique complète. D'après nos estimations, le nouveau Président hérite d'une économie qui devrait se contracter de -3,5 % sur l'ensemble de 2020 par rapport à 2019 et d'un taux de chômage plus de deux fois plus élevé qu'en 2019 (7,9 % en septembre).

Par ailleurs, Joe Biden devra composer avec la Cour Suprême, dont Donald Trump a désigné trois nouveaux juges conservateurs, modifiant l'équilibre de cet organe qui compte neuf membres qui siègent à vie. La plus haute instance judiciaire aux États-Unis, la Cour Suprême a le dernier mot sur toutes les questions fédérales et d'État ayant une incidence sur la loi fédérale. Elle prévoit de commencer cette semaine l'examen de la loi « Obamacare », risquant de remettre en cause la couverture maladie de près de 20 millions d'Américains.

Positionnement des portefeuilles

En l'absence d'une relance forte de l'économie grâce à des mesures fiscales, les rendements ont reculé, reflétant la baisse des anticipations de croissance. Nous avons allégé notre exposition au crédit américain à haut rendement, car un soutien fiscal réduit augmente la probabilité de défaillance des entreprises très endettées.

Nous maintenons un positionnement de portefeuille équilibré. Au regard de l'issue du scrutin présidentiel, nous relevons notre exposition à la dette émergente en devises locales dans la perspective d'une embellie du commerce international et compte tenu de la dépréciation attendue du dollar américain.

Sur les marchés actions, les valeurs de qualité et de croissance, comme les technologies de l'information, devraient rester bien soutenues. À court terme, les marchés boursiers continueront de réagir à l'équilibre politique complexe du pouvoir législatif, sur fond d'une croissance américaine plus faible et de perspectives économiques mondiales toujours assombries par la pandémie.

Cependant, nous demeurons prudemment optimistes sur les perspectives de la première économie mondiale, car les revenus des ménages américains continuent d'augmenter. La consommation devrait également résister, à la faveur d'une épargne importante. Enfin, même s'il est modeste, le redressement des prix de l'immobilier devrait également soutenir la consommation.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.

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