"La France se vide par le haut et se remplit par le bas". Le slogan martelé par l'extrême-droite et une partie de la droite risque de trouver confirmation dans les récentes mesures annoncées par le président François Hollande.
Tout le monde peut comprendre qu'en période de crise les riches soient les premiers à mettre la main au portefeuille. Le système de protection solidaire français, créé quand la France sortait exsangue de la seconde guerre mondiale, est fondé sur le principe de la double redistribution.
Redistribution horizontale: ceux qui bénéficient cotisent pour ceux qui ne bénéficient pas : les actifs pour les retraités, les biens portants pour les malades....
Redistribution verticale: les plus fortunés sont les plus taxés, notamment par la fiscalisation de l'impôt et le plafonnement des cotisations sociales.
Ainsi a-t-on voulu concilier deux principes: l'universalité de la protection et la justice sociale en matière de redistribution.
La France voit partir ses meilleurs contribuables
Pourtant, des leaders de gauche comme de droite sont vent debout contre ces projets, les premiers considérant que "la gauche française finirait le boulot de la droite: détruire la protection sociale solidaire " (communiqué de l'Union des Familles Laïques), les autres réclamant qu'on ne touche pas au principe sacré de l'égalité ou contestant les seuils envisagés qui taxeraient moins les riches qui disposent de moyens sophistiqués pour échapper à l'escalade des prélèvements que les classes moyennes.
Il nous semble que, posé en ces termes, le débat occulte les principales conséquences de ces réformes qui sont davantage démographiques que sociales.
En 2009, l'émigration des Français vers l'étranger (monographies de Contribuables Associés n° 21 et 23) générait un solde négatif annuel de 65.000 personnes par an (flux de départ 233.000, flux de retour 168.000), à la recherche d'opportunités de travail, d'un meilleur cadre de vie ou d'évasion fiscale. Ce solde est aujourd'hui en augmentation, chez les étudiants, les entrepreneurs, les retraités ou les riches, une des motivations principales de sortie étant le haut niveau des prélèvements sociaux et fiscaux en France par rapport aux pays d'expatriation.
La France attirante pour son système social
Au contraire, l'immigration légale et irrégulière génère un solde migratoire positif d'environ 125.000 personnes qui se trouve renforcé par une fécondité plus grande des personnes d'origine étrangère, comme le montrent les études de l'INED. Cette population plus jeune, plus touchée par la pauvreté, le chômage et la précarisation reçoit des aides plus importantes que la population autochtone. L'étude Chojnicki de l'Université de Lille de 2010 qui omet pourtant les descendants d'immigrés admet "la surreprésentation des immigrés non communautaires dans les bénéficiaires des aides sociales en France".
Les mesures proposées ne peuvent donc que favoriser le départ des autochtones et constituer un appel d'air pour les immigrants et les mouvements qui les soutiennent. Or la population d'origine étrangère représente aujourd'hui 8,875 millions d'habitants soit 13,3% de l'ensemble de la population résidant en France (monographie de Contribuables Associés n° 27) et s'accroit de 0,15% par an.
D'où l'impact constaté sur les candidats à l'immigration et à l'émigration. Notons que si le choix avait été fait d'une fiscalisation des allocations sociales qui est également un mode de redistribution verticale, l'effet psychologique aurait été différent puisque chacun contribuerait à la sortie de crise en fonction de ses ressources.
Mais on admettra que cette mesure est difficile à prendre par un gouvernement de gauche et à faire accepter à ses soutiens dont une partie est déjà en état de rébellion.