Quand l’Allemagne traite (beaucoup) mieux les « réfugiés » que les citoyens de l’Union

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Par Eric Verhaeghe Publié le 20 février 2017 à 10h04
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cc/pixabay - © Economie Matin
1,2%L'excédent commercial allemand a augmenté de 1,2 % en 2016.

Combien de leçons de morale n’avons-nous pas reçu à propos de l’Allemagne et de son désormais légendaire sens de l’accueil des étrangers? L’actualité montre un étrange paradoxe: l’Allemagne est peut-être généreuse avec des « réfugiés » venus du sud de la Méditerranée, mais elle se révèle beaucoup moins tendre avec les habitants du nord de la Méditerranée, au point de soumettre à rude épreuve la solidarité européenne… et même la cohésion de l’Union.

Face à la Grèce

On n’épiloguera pas sur le long contentieux entre la Grèce et l’Allemagne, qui a mené plusieurs fois l’Union au bord de l’implosion ces dernières années. Il suffit de lire les derniers exploits de l’Allemagne pour comprendre que sa générosité est à géométrie variable. Le gouvernement allemand exige en effet que les Grecs visent un excédent budgétaire primaire de 3,5%. Le FMI considère qu’un excédent de 1,5% est un maximum. Parallèlement, et contrairement aux promesses faites en 2014, l’Allemagne écarte d’une renégociation de la dette grecque.

Mais à quoi joue l’Allemagne? Rappelons que, depuis 2010, les retraites grecques ont été revues à la baisse une dizaine de fois, alors même que les actifs dépendent largement de la solidarité familiale pour assurer leur survie. Rappelons aussi que la Grèce absorbe l’essentiel du choc des migrations activées par l’Allemagne.

Une fois de plus, les élites françaises occultent, dans un angélisme consternant (et suspect), les coups de boutoir donnés par l’Allemagne au contrat européen.

L’Europe du Sud lui coûte trop cher

La crispation allemande en Grèce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les propos d’Angela Merkel sur la valeur de l’euro l’ont encore confirmé cette semaine.

«La BCE a une politique monétaire qui n’est pas orientée vers l’Allemagne mais plutôt adaptée au Portugal, à la Slovénie ou à la Slovaquie», a-t-elle dit. (…)

«Si nous avions encore le Deutsche Mark, il aurait certainement une valeur différente de celle de l’euro en ce moment. Mais il s’agit d’une politique monétaire indépendante sur laquelle je n’ai pas d’influence en tant que chancelière allemande», a-t-elle tenu à expliquer.

Ach! si nous avions encore le Deutsche Mark… Bien évidemment, Angela oublie de dire que, si elle avait encore le Deutsche Mark, elle éviterait quand même d’avoir une tendance déflationniste en Allemagne, et elle aurait besoin de pratiquer une politique monétaire plus souple, comme le fait (sans grand succès) la BCE.

Mais l’aveu est clair et net: l’Allemagne se fait violence en acceptant une politique monétaire qui profite aux autres… et pas à l’Allemagne (en tout cas, dans l’imaginaire collectif allemand).

Discrimination contre les Européens

Dans ce fameux imaginaire allemand, il est très probable que soit aujourd’hui consolidé le sentiment que l’Allemagne participe beaucoup trop à la solidarité avec les autres peuples européens, et que ceux-ci se laissent beaucoup trop porter par une forme d’assistance entre nations. On ne sera donc qu’à moitié étonné d’apprendre l’étrange projet qui se prépare: faire payer ses autoroutes aux Européens.

Angela Merkel a en effet prévu d’imposer un péage à tous les automobilistes, selon le nombre de kilomètres parcourus. Simplement… les Allemands pourront se faire rembourser les montants payés. Bref, la Chancelière concocte un péage autoroutier pour les étrangers, comme si la libre circulation et le marché unique n’avaient pas été conçus précisément pour supprimer ces pratiques…

Mettre fin au mythe de l’Allemagne europhile

Dans ce faisceau de gestes eurosceptiques convergents, la question demeure entière de l’approche que l’Allemagne déploie aujourd’hui à propos de l’Europe. Tout montre en effet qu’être européen n’a pas le même sens en Allemagne et en France.

En France, se déclarer « européen » est d’abord un geste d’adhésion à une légende politique: celle d’une paix durable qui serait apportée sur le continent par l’appartenance à une entité politique commune avec l’Allemagne. Et tant pis si nous y perdons de l’argent.

De l’autre côté du Rhin, se déclarer « européen » est une posture beaucoup moins sentimentale et fondée sur l’espérance. Elle relève d’abord du calcul économique et politique immédiat. Le mythe d’un grand peuple européen n’agite pas nos voisins germaniques. En revanche, le principe d’un espace économique opportuniste dont on peut tirer profit est beaucoup plus vivace.

La technostructure française ne devrait jamais oublier cette différence d’approche.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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