Alimentation : réformer la PAC va vous coûter cher

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Par Bill Wirtz Publié le 14 novembre 2017 à 5h00
Politique Agricole Commune Reforme Cout Consommateur
@shutter - © Economie Matin
63 milliards ?La PAC, en France, c'est 63 milliards d'euros d'investissements entre 2014 et 2020.

L’UE a mitonné un texte permettant aux agriculteurs la constitution de cartels. La concurrence s’en trouvera encore plus faussée et les prix alimentaires s’en ressentiront.

Les diplomates de l’agriculture à Bruxelles, travaillant en collaboration avec les Etats membres de l’UE et le Parlement européen, ont entériné des changements substantiels à la politique agricole commune de l’Union. Dans les « négociations omnibus », les trois principales institutions de l’UE (le parlement, la commission et le conseil), ainsi que des représentants des producteurs, se sont mis d’accord sur des changements dans la politique agricole commune (PAC) qui accordent de nouveaux privilèges aux agriculteurs.

La proposition initiale du commissaire européen à l’agriculture, l’Irlandais Phil Hogan, était simplement un ajustement budgétaire de la PAC, qui mérite à peine d’être mentionné. Cependant, certains Etats membres ainsi que plusieurs députés européens ont conclu un accord qui donnera le droit aux agriculteurs de former des cartels. Les politiciens européens avancent que ces cartels seraient plus efficaces pour rompre le pouvoir de négociation actuellement détenu par les supermarchés.

La légalisation des cartels pour organiser la rareté

C’est de loin l’aspect le plus controversé de la directive : les nouvelles règles prévoient la possibilité de négocier collectivement des conditions de partage au sein des contrats. Dans la pratique, ceci pourrait amener les agriculteurs à s’arranger sur les quantités de production afin de faire monter les prix d’achat des grandes surfaces et petits supermarchés. La Commission européenne à Bruxelles s’en est même émue : « La Commission est préoccupée par les modifications du droit de la concurrence, approuvées par les co-législateurs, qui sont de nature substantielle et incluses sans évaluation d’impact », a déclaré un porte-parole.

Non seulement les changements politiques majeurs proviennent plus souvent de la Commission européenne que du Parlement européen, mais les partisans de la concurrence à Berlaymont y voient une violation des règles du Marché unique. En effet, pour une Union européenne qui préconise systématiquement les vertus de la compétition économique, cette démarche est assez étrange. La Commission, par exemple, affiche sur son site internet :

« La politique de la concurrence joue un rôle clé dans le maintien de conditions équitables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. C’est pourquoi le service de la concurrence de la Commission et les autorités nationales de la concurrence du réseau européen ont été très actifs ces dernières années. »

Pourquoi une exception aux règles de la concurrence ?

Or il semble que les agriculteurs européens bénéficieront de la plus grande exception aux règles de concurrence de l’UE, ce qui accroîtra considérablement le pouvoir des producteurs. Christian Verschueren, du secteur du commerce de détail, qui avait été systématiquement exclu du processus législatif lors des pourparlers omnibus, a déclaré :

« Nous craignons que cette approche fasse augmenter artificiellement les prix pour les consommateurs et réduise leur choix. Ceci ne fera rien pour permettre aux agriculteurs de devenir plus compétitifs sur les marchés mondiaux ou renforcer leur position dans la chaîne d’approvisionnement ».

Les détaillants sont la mauvaise cible. Moins de 5% de l’offre des détaillants provient directement des agriculteurs. La plus grande partie est fabriquée par des producteurs d’aliments tels que Nestlé. Les partisans des nouvelles règles se sont montrés peu impressionnés par la critique : « avec cet accord, les lignes ont finalement bougé », a déclaré l’eurodéputé du Parti populaire européen M. Michel Dantin, un intervenant clé dans les pourparlers. « Je me suis battu pendant un an et demi contre les ‘ayatollahs de la concurrence’ de la Commission européenne et les élogieux du statu quo dans les Etats membres. »

La cartellisation nuit aux consommateurs que nous sommes tous et ne profite qu’à quelques-uns

La création de cartels sur le marché européen pourrait nuire aux consommateurs : à long terme, les producteurs pourraient s’entendre sur les prix et, pire encore, fixer des quantités de production qui favorisent leurs propres intérêts. Reste à voir comment les autorités de la concurrence dans les différents Etats membres, en particulier celles de l’Allemagne et des pays nordiques qui ont exprimé leur scepticisme face aux changements de la PAC, répondront à ces évolutions.

Ce qui est encore plus navrant, c’est que cette législation sur les ententes risque d’entraîner une surenchère des nouvelles réglementations du marché. Comme les prix augmenteront artificiellement, le marché européen deviendra plus intéressant pour les importateurs étrangers — conduisant, comme par le passé, les producteurs européens à exiger de nouvelles taxes douanières. Cela a été le cas récemment pour les bicyclettes chinoises qui ont été frappées d’une taxe de 34,4% par la Commission européenne au début de l’année.

Tant la création d’ententes que la poursuite de l’imposition des taxes douanières rendent le marché unique européen moins compétitif et nuisent aux consommateurs. Comme les prix à la consommation risquent fortement d’augmenter, les dirigeants de l’UE doivent se demander quels sont les intérêts qu’ils défendent réellement : nous somment tous des consommateurs et des producteurs d’une façon ou d’une autre. Les interférences dans cette coopération volontaire des individus sont toujours nuisibles.

Pour plus d’informations, c’est ici

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Bill Wirtz est analyste de politiques pour le Consumer Choice Center. Ses articles sont publiés par Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Soir, La Libre Belgique et L’Echo.

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