Assurer un revenu décent aux agriculteurs et mieux répondre aux attentes des consommateurs, voilà les objectifs ambitieux des États généraux de l’alimentation qui se sont ouvert le 20 juillet à Paris. Un rendez-vous qui promet d’être houleux.
Répartir plus équitablement la valeur dans la chaîne de l’industrie agroalimentaire et améliorer ses normes sanitaires et environnementales : promesse de campagne d’Emmanuel Macron, les États généraux de l’alimentation rassembleront de fin juillet à mi-novembre tous les acteurs de la filière. Les représentants des agriculteurs, des industriels, des distributeurs, les ONG environnementales et 11 ministères seront réunis pour trouver des solutions aux problèmes récurrents rencontrés par le secteur.
Les intervenants travaillent sur une série de 14 ateliers thématiques, tels que « Développer les initiatives locales et créer des synergies » ou « Faciliter l’adoption par tous d’une alimentation favorable à la santé ». Chaque atelier sera constitué d’une quarantaine de membres choisis de manière à représenter l’ensemble des acteurs intéressés et concernés par le sujet.
Fixation des prix, marges des distributeurs, glyphosate… de vifs débats en perspective
Sur un certain nombre de sujets, les débats risquent d’être houleux. Les agriculteurs seront tout naturellement focalisés sur la question des prix (un agriculteur sur deux a gagné moins de 354 euros par mois en 2016). Simultanément, les représentants de la distribution estiment que leurs marges deviennent désormais trop faibles pour investir ou recruter. Certaines associations, comme UFC-Que choisir, regrettent pour leur part que les problèmes économiques prennent le pas sur les questions environnementales. « Rien de concret n’est dit sur les impacts négatifs des activités agricoles, la qualité des aliments ou la loyauté des informations fournies au consommateur », déplore ainsi le président de l’UFC Que choisir dans les pages des Échos. En somme, le bras de fer ne fait que commencer.
D’autres polémiques pourraient s’inviter au débat. Alors ministre de l’Agriculture, Jacques Mézard affirmait en mai dernier que les États généraux ne pourraient pas contourner certains sujets sensibles tels que le prix du lait et les pesticides. Cependant, l’ancien ministre avait préféré attendre avant de trancher sur la question du glyphosate, dont la procédure d’autorisation en Europe est en cours. « J’ai demandé à l’administration de nous fournir là-dessus l’état technique et scientifique pour que je puisse prendre en toute connaissance de cause une décision », avait-il annoncé.
Glyphosate : la science rassure, mais la polémique se poursuit
Or, selon une enquête réalisée par ADquation pour la Glyphosate Task Force (GTF) 90 % des agriculteurs et 95 % des viticulteurs français estiment qu’ils rencontreraient des problèmes « assez » ou « très » sérieux s’ils devaient s’en priver. En outre, 84 % des agriculteurs et 80 % des viticulteurs considèrent « qu’il n’existerait pas d’alternative technique aussi efficace pour désherber ». Le glyphosate est donc un outil primordial pour les exploitants français.
Classé « non cancérigène » par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) ainsi que par un comité conjoint de l’OMS et l’ONU, le glyphosate reste cependant impopulaire. Les associations écologistes accusent le produit de représenter un risque pour la santé.
À l’instar de nombreux experts internationaux, le professeur et chercheur en chimie organique à l’Université catholique de Louvain, Istvan E. Marko, estime que la confusion autour de la notion de toxicité est à l’origine de la polémique. « Tout produit, d’origine naturelle ou synthétique, est toxique, mais c’est la quantité (la dose) qui détermine sa toxicité ». Et d’ajouter : « un humain de 80 kg devrait avaler en une seule fois 448 gr de glyphosate pour qu’il ait un risque sur deux de mourir ! »
Sensible, le sujet devra être discuté dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Et il ne faudrait pas que les postures idéologiques l’emportent sur les arguments scientifiques.