Élections en Algérie : un programme économique qui retient l’attention

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Par Jordan Galienne Modifié le 24 mars 2014 à 9h02

Avec un budget public qui ressemble à un panier percé et des recettes essentiellement tributaires des exportations en hydrocarbures, l’Algérie aura bientôt fini de manger son pain blanc. Des élections présidentielles, qui se tiendront le 17 avril 2014, doit émerger un homme capable redonner un second souffle à l’économie du pays. Ali Benflis a dévoilé son programme électoral ce lundi 17 mars et propose de mettre en place un nouveau modèle de gouvernance. Une ambition que ni Abdelaziz Bouteflika ni les autres candidats n’ont encore osé afficher.

Dépenses publiques : les pansements de l’économie algérienne

7600 milliards de dinars, soit près de 100 milliards de dollars, c’est le montant des dépenses publiques prévu dans la loi de finances 2014, adoptée fin septembre en conseil des ministres. Soit une hausse de 11,3 % par rapport à 2013. La dépense publique menace ainsi de dépasser le seuil des 50 % du PIB. Le FMI n’a pas manqué de mettre en garde contre cette dangereuse progression. Apparemment en vain. Le pays consacre un tiers de son PIB aux transferts sociaux et à quelques mois d’élection, il aurait été fort étonnant que cela change.

D’ailleurs, c’était à prévoir, le président Bouteflika a préféré augmenter les dépenses de fonctionnement (+ 62 milliards de dollars) notamment afin de supporter la création de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux postes dans la Fonction publique. Et il ne s’est pas non plus risqué à remettre en cause les prix de l’électricité et des carburants, couverts par des subventions ayant atteint 11 milliards de dollars (8 milliards d’euros) en 2010.

Une économie tributaire des exportations d’hydrocarbures

Or il n’est plus possible de compter exclusivement sur les exportations en hydrocarbures – à l’origine de 97 % des revenus du pays — pour financer une politique de relance, dont l’efficacité est par ailleurs contestée. Les recettes des hydrocarbures sont passées de 70 milliards de dollars en 2012 à 63 milliards en 2013, ce qui a contribué à effacer l’excédent commercial.

Car rien n’est éternel, surtout pas les ressources naturelles. La production gazière a commencé à baisser. Le pays tablait sur 85 milliards de m3 en 2012. Elle n’a pas dépassé 45 milliards en 2013. Pour le pétrole, même topo. Selon Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach, la société nationale des hydrocarbures, l’Algérie ne pourra honorer ses engagements à l’exportation d’ici à 2030 qu’à la condition d’une phase d’exploration renouvelée et de moins de gabegies énergétiques. Mais tous ses efforts ne feront que reculer le moment de la chute. L’Algérie ne peut plus se permettre de rester focalisée sur ses rentes pétro-gazières. Il lui faut trouver des alternatives.

La nécessaire refonte de la gouvernance économique

« Réduire l’accoutumance de l’Etat et de la société à la rente permettra d’utiliser ce qui nous en reste pour amorcer le développement rapide du pays sur de nouvelles bases, plus saines, plus stables et durables », recommandent de jeunes entrepreneurs du think tank Nabni, dans un manifeste publié en ligne.

Pour y parvenir, pas de solutions miracles. « Pour diversifier l’activité, il faut un climat des affaires plus propices à l’initiative privée », a déclaré M. Joël Toujas-Bernaté, chef de mission du FMI pour l’Algérie. Autrement dit, il faut revoir la gouvernance économique, restaurer une culture d’Etat moins dirigiste, plus ouverte et moins bureaucratique afin de laisser aux entreprises et aux investisseurs le rôle d’acteurs économique et d’en rester à un rôle de régulation.

Le meilleur programme porté par Ali Benflis

Les Algériens ont des attentes. Ils ne manqueront pas de prendre garde aux programmes économiques des différents candidats. Abdelaziz Bouteflika a beau jeu d’annoncer qu’il favorisera l’émergence économique du pays lors de son nouveau quinquennat. Il est difficile de croire qu’il parviendra à rompre l’inertie qu’il a lui-même instaurée.

Il aura bien eu le temps de prendre les mesures économiques qu’il fallait prendre durant ces 14 années passées en tant que dirigeant. Il ne l’a pas fait, ce qui lui a d’ailleurs valu le désamour des entrepreneurs du pays. Le 15 mars 2014, Slim Othmani démissionnait duForum des chefs d’entreprises (FCE), la plus importante organisation patronale algérienne, qui a officiellement manifesté son soutien jeudi 13 mars au programme du président Abdelaziz Bouteflika. Le patron de NCA Rouiba dénonçait dans sa lettre de démission « la mascarade de soutien électoral ». Une manière élégante de montrer qu’il n’adhérait en aucun cas à cette initiative partisane, ce qui est le cas de la majorité des membres du FCE.

Parmi les cinq autres candidats en lice, c’est Ali Benflis qui se démarque le plus nettement sur le plan économique. Successivement Secrétaire général, Chef de cabinet de la présidence de la République puis Premier ministre en 2000, il est finalement écarté du pouvoir en 2003. Il se présente aux élections contre Abdelaziz Bouteflika en 2004 et arrive en deuxième place derrière le président sortant. Ces dix années, durant lesquelles il s’est tenu éloigné des arcanes du pouvoir, lui ont manifestement permis de s’intéresser aux attentes des Algériens. L’examen de son programme électoral, dévoilé le lundi 17 mars, montre sa volonté d’opérer le virage économique attendu.

À titre d’exemple, l’une mesure phare consiste à inscrire dès la Loi de finances 2015, « une disposition portant révision du plafond de participation des actionnaires étrangers dans certains secteurs où cette règle (49/51) n’a aucune justification économique ». Une disposition qui devrait permettre aux entreprises étrangères d’injecter fonds et savoir-faire dans l’industrie manufacturière, la transformation agroalimentaire, le tourisme, l’hôtellerie, la chimie et certains secteurs de services à haute valeur ajoutée (exemple des services informatiques).

Voilà pour la diversification de l’économie et les nouvelles technologies. In fine, la production nationale, ainsi dynamisée, devrait conduire à la réduction des importations de biens et services. Ce ne serait guère du luxe, sachant qu’elles dépassent aujourd’hui les 65 milliards de dollars.

Le programme porte en outre une vision renouvelée de l’État « stratège, régulateur, ouvert et pragmatique » soucieux de séparer ses activités menées en tant qu’acteur économique de celles en tant que régulateur. Ali Benflis souhaite également préciser le cadre légal réglementaire dont le flou et les imbroglios bureaucratiques, en rallongeant indéfiniment la moindre démarche administrative, ont vite tendance à décourager les entrepreneurs.

L’Algérie doit commencer à envisager sérieusement la refonte de sa gouvernance économique. Cela n’ira pas sans changer de dirigeant. Hier, Abdelaziz Bouteflika misait sur les hydrocarbures. Ils maintiennent aujourd’hui l’Algérie à flot, mais pour combien de temps ? Le programme électoral d’Ali Benflis propose un tout autre modèle de gouvernance. Une audace qui lui donne une longueur d’avance sur les autres candidats.

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Jordan Galienne est auditeur dans un grand cabinet de conseil économique. Souvent en déplacement aux quatre coins de l’Europe, il s’intéresse aux opportunités d’investissement et identifie les risques associés aux pays les plus prometteurs.  

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