Nucléaire : Et s’il existait une autre voie ?

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Par Didier Gans Modifié le 4 février 2013 à 5h36

Dans un dossier publié dans la revue « Science et Vie » (n° 1130, Novembre 2011), on apprenait l’existence d’une autre filière nucléaire, n’utilisant pas l’uranium, mais un autre combustible, le thorium. Sur le papier, cette filière était présentée comme beaucoup plus sûre au niveau des risques nucléaires (pas de risques d’explosions de centrales, comme à Tchernobyl ou Fukushima), moins productrice de déchets, déchets eux-mêmes à durée de vie beaucoup plus courte (passant de la centaine de milliers d’années à une durée inférieure à celle d’une vie humaine) voire même, pour partie, susceptibles d’être recyclés dans la centrale. Last but not least, les ressources mondiales en combustibles thorium sont infiniment plus importantes et mieux réparties que les réserves d’uranium, et susceptibles, selon les experts d’assurer les besoins en énergie de l’ensemble de la planète (toutes sources confondues) pendant plusieurs centaines d’années (et non trente ou quarante ans pour l’uranium).

La supériorité de cette filière proviendrait de son principe de fonctionnement : un combustible radioactif (le thorium) « transformé en liquide (…), mélangé à un liquide de refroidissement (…), un sirop de sels fondus à pression ambiante »(Science et Vie, op. cité, p 62), alors que les réacteurs modernes fonctionnant à l’uranium sont refroidis à l’eau pressurisée (sous des pressions énormes, ce qui impose l’installation de tous les dispositifs de sécurité nécessaires pour conserver la marche du réacteur et prévenir leur explosion, mais ne permet pas d’éviter celle-ci en cas de perte de contrôle, comme à Tchernobyl ou Fukushima).

A la lecture de ce dossier, et probablement contaminé par le scepticisme ambiant autour de tout ce qui concerne la science et ses découvertes (comme aussi sur les nanotechnologies ou les OGM) , on se dit que c’est sans doute trop beau pour être vrai.

Et puis, dans un article paru récemment dans le journal « Le Monde », on apprend que les Norvégiens, qui sont tout sauf des farfelus, s’intéressent sérieusement à développer cette filière, ce qui incite à regarder la chose d’un peu plus près.

Avec un peu de curiosité on s’aperçoit ainsi que l’information est largement disponible (merci Google et Wikipédia). Mais pour avoir l’idée d’y accéder, encore faut-il que le grand public sache que la filière classique qui nous est vendue depuis maintenant plus de 50 ans n’est pas la seule, qu’il existe des solutions alternatives et que toute l’information est accessible.

Alors, pourquoi, cette omerta, ou, comme l’écrit Science et Vie en introduction à son dossier, « un secret si bien gardé » ? Est-ce faire du mauvais esprit que de supposer qu’il y a collusion d’intérêt entre deux lobbies, l’industrie nucléaire et les écologistes ?

La filière actuelle, imposée par les pouvoirs publics avec l’appui d’une industrie qui s’est créée à cette occasion, est un sous-produit de la politique militaire des Etats, issue de la guerre froide. Ceci, ajouté à la défaillance de certaines installations (Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima), a contribué à lui donner son image détestable, peu sûre et dangereuse. Aussi, ces acteurs ont du mal à reconnaître qu’ils ont fourvoyé le pays et l’ont mené dans une impasse.

Les écologistes seraient sans doute surpris d’être considérés comme un groupe de pression, alors qu’ils se vivent seulement comme un contre-pouvoir. Mais comme l’a écrit Iégor Gran (« L’Ecologie en bas de chez moi »), ils ont eux aussi à défendre des intérêts et un fonds de commerce, des places dans les médias, la direction de conscience de l’opinion. Pour eux, le refus de tout nucléaire, qualifié d’un refus du « Tout-Nucléaire », est un dogme.

Le sujet mériterait donc un véritable débat public. Pour qu’il puisse se tenir en toute connaissance de cause, il ne pourrait avoir lieu qu’à l’issue d’une phase de recherches et d’expérimentations sur prototypes. Les électriciens, aujourd’hui englués dans le problème du démantèlement des centrales existantes (Brennilis, Fessenheim), auraient intérêt à en financer une partie. L’objectif étant de savoir ce qu’il en est réellement de la faisabilité de la filière et la validation de ce qui en est attendu.

Et sans doute faudra-t-il passer outre aux réticences d’une partie de l’opinion, matérialisées par ce propos entendu ailleurs au sujet des gaz de schistes, véritable manifeste en faveur d’un retour à l’obscurantisme : «il faut refuser toute recherche sur le potentiel (de la France) en gaz de schistes, car si on en trouve, on voudra l’exploiter », propos que l’on peut généraliser ainsi : « il faut refuser toute recherche, car si on trouve, on voudra exploiter ».

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Didier Gans est ancien directeur de l’Aménagement et de l’Urbanisme à la CCI de Versailles.  

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