Alan Greenspan prévoit la disparition de l’euro

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Par Nick Hubble Publié le 7 mars 2018 à 5h00
Zone Euro Target2 Transferts Banques Centrales
@shutter - © Economie Matin
2007Le système de transfert de fonds Target2 est né en 2007.

Dans le contexte actuel d’incertitude lié aux résultats des élections italiennes, les déséquilibres financiers de la Zone euro comptabilisés dans Target2 n’ont jamais été aussi grands.

Le passif de l’Italie dans Target2 a atteint un nouveau record en août 2017. Puis en septembre et en novembre. Et à nouveau en décembre. En fait, Target2 est la raison pour laquelle Alan Greenspan s’attend à la fin de l’euro. De manière spectaculaire. Cela vaut donc la peine de s’y intéresser, non ? Il y a environ un an, certains parmi nos éditeurs ont pu interviewer à huis clos l’ancien banquier central le plus puissant au monde, Alan Greenspan. Il n’y avait aucun représentant de la presse traditionnelle. Voici ce qu’il leur a dit :

« Il y a une chose qui me tracasse considérablement, une chose dont personne ne parle. Il y a dans la Banque centrale européenne un mécanisme dont l’existence s’impose par le fait que la BCE est constituée des banques centrales des pays de la Zone euro, et il y a quelque chose appelé Target2. Savez-vous ce qu’est Target2 ? Target2 est aujourd’hui en passe de devenir un système de transfert à très grande échelle de la Bundesbank vers – essentiellement – l’Italie et l’Espagne et plus récemment vers la BCE. Cela signifie que la Bundesbank prête de l’argent à la BCE, et pas que des petites sommes. Nous parlons ici de 780 milliards d’euros.

Quelque chose va se passer de ce côté-là. Selon moi, le déclencheur sera soit la Grèce – mais cela pourrait tout aussi bien être l’Italie. […] Mais ce qui se passe dans ce système est extraordinaire, tandis que le total des actifs de la BCE continue de grimper. Qu’arriverait-il en cas de défaut de l’euro ? Aux Etats-Unis, s’il y avait un défaut sur le dollar, le Trésor américain pourrait toujours intervenir. Par exemple, si la Réserve Fédérale faisait défaut, le Trésor le renflouerait. Mais en Europe, quels pays renfloueraient la BCE ? Il n’existe pas de moyen comparable pour aider le système.

Je suis très inquiet. Mario Draghi, que je connais et qui est un type très bien, dit qu’ils feront tout ce qui est nécessaire. Eh bien, un jour quelqu’un dira ‘Je n’accepte plus d’euros’. »

Nos éditeurs ont retenu ceci : pour Greenspan, la prochaine grande crise financière sera déclenchée soit par la Grèce, soit par l’Italie et résulterait dans la destruction totale de l’euro en tant que monnaie majeure. Avec la Grèce qui continue de compter sur les renflouements de la Troïka et un effacement toujours plus important de sa dette, avec le problème de la dette de l’Italie qui est loin d’être résolu, Greenspan semble mettre le doigt sur quelque chose. Mais qu’est-ce donc que ce Target2 qui l’inquiète tant ?

Target2 met à nu la faille de la Zone euro

Le système bancaire et monétaire de la Zone euro est très complexe. Comme il n’a pas été conçu ex nihilo mais qu’il a évolué au fil du temps et de l’adjonction de nombreux pays, en grande partie contre la volonté de leurs peuples, le système est un peu bancal. Il comporte également un défaut mortel – nous y viendrons un peu plus loin. A chaque fois que ce défaut fait naître un problème, les europhiles rajoutent une couche de complexité pour le dissimuler. Mais ne pas traiter la cause profonde ne fait que créer de nouveaux problèmes. Des problèmes comme Target2.

Target2 est le système par lequel les diverses banques centrales des pays européens, la BCE et les banques commerciales européennes interagissent. Elles effectuent des transferts massifs de fonds en utilisant le système Target2. Les principaux acteurs sont la Bundesbank, la Banque de France et la Banca d’Italia. 19 autres banques centrales y sont impliquées, plus quatre hors de la Zone euro. La Banque d’Angleterre n’y participe pas. Quel problème peut poser un tel système de paiement ? Greenspan l’a mentionné ci-dessus. Les transferts de fonds semblent constamment aller dans un seul sens, de l’Allemagne vers le sud de l’Europe.

Les Allemands considèrent cela comme un risque énorme car en cas de défaut de l’Europe du sud, c’est eux qui se retrouveront les mains vides. De leur côté, les Européens du sud en veulent aux Allemands qui dominent le marché du crédit. Car ce sont les prêteurs allemands qui décident qui peut emprunter et qui ne le peut pas. Les déséquilibres du système Target2 font de la Zone euro la version monétaire de la Ferme des animaux de George Orwell. Ils montrent qui paie pour maintenir à flot la Zone euro et qui vit au crochet des autres. En outre, ces chiffres dépassent de loin les contributions au budget de l’UE ou autres transferts.

Mais le système doit obligatoirement continuer à fonctionner pour maintenir en vie l’Eurosystème. Par conséquent, s’il connaît des ratés ou disparaît, cela aurait d’énormes conséquences pour l’Allemagne également. Surtout que son économie, orientée sur les exportations, vend beaucoup de biens vers le sud de l’Europe. Si vous pensez que tout cela est un peu occulté, vous vous trompez. Le déséquilibre de Target2 a déjà déclenché des recours judiciaires et des campagnes politiques en Allemagne. Un livre qui a connu un énorme succès explique comment le « piège » Target2 représente un risque immense pour « l’argent des Allemands et pour leurs enfants. » La Bundesbank a pris ces contestations suffisamment au sérieux pour se sentir obligée de les réfuter.

Les institutions et les leaders européens nous assurent que le système ne présente aucun risque. Balivernes ! Parce que c’est l’échec du système qui inquiète tout le monde. Mais comment a pu se développer un tel déséquilibre ?

Le défaut fatal de la Zone euro : le taux unique

Même si les motivations des banquiers centraux étaient aussi pures et leur sagesse aussi infinie que veut le penser Greenspan, il ne faut pas oublier que la politique monétaire est responsable de la crise financière de 2008. Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale et Greenspan ont eu les critiques qu’ils méritaient. Beaucoup de commentateurs reconnaissent aujourd’hui que les taux d’intérêt ont été maintenus trop bas pendant trop longtemps dans les années 2000, ce qui a gonflé la bulle immobilière.

Mais en Europe, on n’a jamais imputé à la politique monétaire uniformisée de la BCE les bulles immobilières en Irlande et en Espagne. Ces pays auraient dû avoir des taux d’intérêt plus élevés lorsque leur marché immobilier a connu un boom. Mais l’économie allemande était à l’époque « l’homme malade de l’Europe », ce qui nécessitait des taux d’intérêt faibles. Cela a financé la bulle immobilière dans les pays périphériques. Aujourd’hui, l’Allemagne bénéficie de taux d’intérêt qui sont bien trop bas pour son économie prospère. Mais la BCE ne peut pas relever les taux au vu de la situation de crise que traversent la Grèce et l’Italie.

C’est là le défaut fatal de la Zone euro. Une seule et unique politique monétaire pour tous ces pays différents signifie qu’un mauvais taux d’intérêt s’applique partout. Certains pays reçoivent de l’argent trop bon marché, ce qui génère des bulles immobilières et une dépendance à la dette. Pour d’autres pays, cette même politique monétaire est trop rigoureuse. Au fil du temps, cela entraîne un sentiment anti-euro et de l’instabilité économique. Les partis politiques eurosceptiques ou anti-euro pourraient gagner les élections à travers l’Europe, obligeant au changement.

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Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd'hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que "The Daily Reckoning Australia" et "The Money Life Letter".

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