Air France : un faux pas de trop pour FO ?

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Par Eric Verhaeghe Publié le 6 octobre 2015 à 11h09
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@shutter - © Economie Matin
2900Des dirigeants d'Air France se sont fait agressés lors du CCE qui a annoncé la suppression de 2900 emplois.

Les violences physiques au cours du comité central d’entreprise d’Air France posent un vrai problème sur la posture de certains syndicats, dont Force Ouvrière, face à la réalité de la concurrence internationale.

Air France, victime de ses rentes

Depuis plusieurs années, la direction d’Air France (et les organisations syndicales de l’entreprise) sous-estiment les risques liés aux acteurs low cost de l’aviation civile. Au lieu de mener un travail de fond pour améliorer sa productivité et réduire ses coûts, la compagnie a retardé le moment décisif où elle s’adapterait à la concurrence en prônant des demi-mesures dont les dégâts sont immenses aujourd’hui.

Faute d’agir dans les temps, elle se trouve désormais dans une situation chaotique. Tous les passagers qui ont le choix, pour un Paris-Nice, par exemple, entre Air France et EasyJet, l’ont bien compris: d’un côté, des prix élevés pour des départs souvent en retard et une prestation incertaine, quand l’organisation EasyJet fait son oeuvre pour un prix et une flexibilité défiant toute concurrence.

Dans ce retard à l’adaptation, les syndicats portent une lourde responsabilité: qu’il s’agisse des pilotes, de la CGT ou de FO, le refus du changement est passé avant la prise de conscience des risques économiques qui pesaient sur ce fleuron de l’économie française.

Au fond, Air France a vécu sur sa rente et n’a pas voulu voir qu’une sorte d’inflation en érodait la valeur année après année. On pourrait dire la même antienne à propos de la SNCF, d’EDF, de la RATP…

Air France et la violence syndicale

Les syndicats de salariés ont évidemment dérapé aujourd’hui en se livrant à des violences qui ont conduit un vigile aux urgences, en état de coma. Comme d’habitude, les violences commises au nom de la lutte des classes n’ont pas touché les riches, mais ces bataillons de petits qui vivent comme ils peuvent.

Tout laisse à penser que la majorité des manifestants est venue avec des intentions pacifiques et que ces violences sont le fait de quelques ultras. On lira quand même avec étonnement ces phrases relevées dans Le Figaro:

Quand certains syndicalistes accusent FO de « tout gâcher encore une fois », d’autres salariés d’Air France, présents sur les lieux au moment de l’agression, assurent que les responsables de ces actes sont des personnes en marge de la manifestation, qui ne sont « même pas concernés » par les licenciements annoncés.

Une fois de plus, c’est le rôle des syndicats contestataires qui est mis en cause.

FO et le denier public

Ce qui pose quand même problème, c’est que FO bénéficie aujourd’hui des largesses des pouvoirs publics, et que la stratégie conflictuelle de ce syndicat créé en 1947 avec le soutien financier de la CIA pour affaiblir la CGT ne paraît pas très compatible avec tous les cadeaux qu’il reçoit sur le dos du contribuable ou du salarié.

Rappelons par exemple que FO détient plusieurs présidences paritaires, comme celle de la CNAV, de la branche Accidents du Travail ou de l’ARRCO, alors même que le syndicat est minoritaire en France. Officiellement flanqué de 16% des voix dans le secteur privé et de 18% dans la fonction publique, FO bénéficie donc largement d’un système paritaire qui lui donne un poids supérieur à sa réalité.

Peu d’adhérents mais beaucoup de pouvoir: FO a goûté à ce sirop qui le pousse à sans cesse défendre des combinazioni très éloignées de l’intérêt des salariés. C’est ainsi que le syndicat lutte à coups de recours juridiques devant toutes les institutions européennes qui lui tombent sous la main pour conserver la mainmise sur des systèmes paritaires permettant des financements discrets mais efficaces. L’action menée par le syndicat pour défendre les clauses de désignation dans le domaine de la santé et la prévoyance, grâce auxquelles de généreux financements accompagnent très opportunément la conclusion des accords de branche, au mépris de l’intérêt des salariés, en constitue une preuve.

Le pouvoir politique doit remettre FO sous contrôle

Comme d’habitude, sous prétexte de faire du dialogue social, l’Etat accepte par mollesse, par politesse, par incompréhension du monde ouvrier, de ses valeurs, de ses lois, les incartades de ce syndicat dont aucun dirigeant n’a jamais connu la condition de prolétaire, et dont les mots d’ordre corporatistes sont très politiques, mais très peu sociaux.

Le bon sens qui incombe au pouvoir est de rappeler aujourd’hui à Jean-Claude Mailly les réalités de son syndicat: sans les artifices post-corporatistes appelés paritarisme qui lui permettent de prospérer, FO n’existerait pas ou pèserait à peine plus que des syndicats non-représentatifs. L’Etat doit maintenant, pour sauver Air France, pour réformer comme ce pays en a besoin, rappeler à certains dirigeants syndicaux qui les a fait comtes.

A moins que chacun ne s’entende sur l’idée que la corde peut indéfiniment être tirée. Jusqu’à ce qu’elle lache.

Article publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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