Agriculture : la stratégie d’Emmanuel Macron se précise… un peu

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Par Jérôme Lassalle Publié le 25 octobre 2017 à 13h57
Propositions Emmanuel Macron Agriculteurs 1
cc/pixabay - © Economie Matin
30%30 % des exploitants ont un revenu inférieur à 350 euros par mois

« Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur travail », a affirmé le chef de l’État lors de sa visite au marché de Rungis le 11 octobre, qui a marqué la fin du premier chantier des États généraux de l’alimentation. De nombreuses questions restent cependant sans réponses.

Le président a détaillé son plan de bataille pour enrayer la crise et booster la création et la répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Dans un discours prononcé au marché de Rungis, le chef de l’État a annoncé une série de mesures pour mieux rémunérer les paysans. Des contrats basés sur les coûts de production, une organisation en filière et un relèvement du seuil de revente devraient permettre de sortir de la spirale de la baisse des prix, dont tous les acteurs subissent les effets.

Concrètement, des ordonnances au premier semestre 2018 exigeront que les contrats entre les agriculteurs et leurs clients (distributeurs, industriels) soient fondés sur le coût de revient proposé par l’agriculteur. Il s’agit d’un véritable renversement de la construction des prix, puisqu’ils ne seront plus calculés au stade des linéaires, mais en début de chaîne, au niveau du produit.

Emmanuel Macron s’est dit également « favorable au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et à l’encadrement des promotions ». Le chef de l’État souhaite cependant limiter cette mesure aux seuls produits alimentaires et précise surtout qu’il n’est pas prêt à signer de « chèque en blanc ».

Afin que le relèvement du SRP soit compris dans les ordonnances du premier semestre 2018, l’ensemble des acteurs devront conclure pour la fin de l’année des plans de filières. Ces dernières devront s’engager soit à des restructurations, soit à investir pour monter en gamme, soit à s’orienter vers de nouveaux modes de commercialisation.

Beaucoup d’attente chez les agriculteurs

Les agriculteurs devront par ailleurs se structurer en interprofessions qui puissent peser dans les négociations. Les coopératives seront quant à elles encouragées à faire preuve de plus de transparence dans la répartition de leurs gains à leurs adhérents.

Si Michel-Edouard Leclerc, qui avait critiqué la revalorisation du SRP, a exprimé son « grand soulagement » après les annonces de l’exécutif, les agriculteurs, qui attendaient des mesures immédiates pour améliorer leur rémunération, ont eu des réactions plus mitigées.

Or, la Mutualité sociale agricole (MSA) a une nouvelle fois souligné, dans un rapport publié mardi 10 octobre, que 30 % des exploitants ont un revenu inférieur à 350 euros par mois, et 20 % sont en déficit. Un climat économique anxiogène dans le monde agricole qui ne risque pas de s’améliorer avec la possible interdiction du glyphosate, le célèbre herbicide.

En effet, le vote sur l’éventuelle réautorisation de l’herbicide au niveau européen devrait se tenir d’ici la fin de l’année 2017, et si la Commission européenne semble s’orienter vers une prolongation de l’autorisation, Nicolas Hulot a d’ores et déjà annoncé que Paris votera contre.

La communauté agricole « hostile au retrait du glyphosate »

Largement utilisé dans les différentes filières agricoles européennes, le glyphosate rencontre un franc succès auprès des professionnels du secteur. Dans un sondage d’août dernier organisé par l’institut Ipsos, il apparaît que « la communauté agricole est pour sa très grande majorité (81 %) hostile au retrait du glyphosate » et que le niveau de satisfaction des utilisateurs est « particulièrement élevé ». Il atteint en effet la note de 9,1/10.

Les alternatives industrielles et les méthodes bio s’avèrent toutes plus chères et moins efficaces. L’apparition d’un marché noir du glyphosate n’est donc pas à exclure : la prohibition de l’herbicide n’empêchera pas l’apparition d’une demande économique très forte pour acquérir un produit qui sera toujours fabriqué et utilisé sur d’autres continents.

Plusieurs syndicats agricoles européens (français, roumains, espagnols…) ont déjà contacté Bruxelles pour faire part de leur inquiétude. L’Organisation française des producteurs céréaliers (OPG) a publié une lettre ouverte au commissaire européen chargé de la santé et de la sécurité alimentaire dans laquelle elle affirme que si le glyphosate est retiré du marché, les agriculteurs subiront des dommages importants en raison de l’augmentation des coûts de production liés à l’utilisation de quantités plus élevées d’autres herbicides.

La lettre rappelle également que « l’Union européenne importe depuis plusieurs années, avec l’accord de la Commission, des millions de tonnes de céréales en provenance d’Ukraine, un pays aux structures de production énormes et hautement compétitives où le glyphosate est largement utilisé ». Vous avez dit hypocrisie ?

Si les annonces faites par Emmanuel Macron à Rungis ont été relativement bien accueillies, le chef de l’État devra trouver des arguments autrement plus solides pour justifier sa position sur un produit plébiscité par l’écrasante majorité de ceux dont il est censé vouloir améliorer la rémunération et les conditions de vie.

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Ingénieur agronome

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