A l’horizon 2035, les plus de 75 ans devraient représenter 13,6 % de la population française (contre 8,5 % en 2007). Le vieillissement de la population est ainsi un sujet crucial, qui nécessitera des adaptations dans de nombreux domaines, comme l’ont montré les travaux du Centre d’analyse stratégique menés depuis 2010, notamment à partir du rapport Vivre ensemble plus longtemps.
Si l’on souhaite que les individus vieillissent « bien », c’est-à-dire en bonne santé, des politiques de prévention ambitieuses doivent intégrer différentes dimensions : un logement bien adapté, mais aussi un environnement du domicile pertinent, qui permette à la personne âgée de continuer à avoir une vie sociale et une activité physique « normale », au quotidien, même si cette personne connaît un certain nombre de pertes d’autonomie (par exemple, des difficultés pour se déplacer).
En France, ces questions d’adaptation de l’espace urbain au vieillissement émergent depuis peu. Jusqu’ici, c’est surtout la question de l’accessibilité de l’espace urbain aux personnes à mobilité réduite qui a retenu l’attention, notamment avec la loi de 2005 sur le handicap. Or une approche plus globale, comme celle que propose l’OMS avec son programme « villes amies des aînés », semble permettre d’aller plus loin dans le maintien à domicile.
Quelle est la situation en France ?
Globalement, on peut retenir deux idées : les personnes âgées vieillissent surtout là où elles ont vécu et l’accès aux services reste très inégal sur le territoire.
La mobilité résidentielle des seniors et des personnes âgées est extrêmement faible en France (tout comme dans les pays voisins) : environ 2 % des personnes de plus de 50 ans changent de domicile chaque année, contre 6 % entre 40 et 49 ans. Les seniors et les personnes âgées habitent pour près de 30 % dans les centres-villes ; 40 % vivent dans les banlieues des pôles urbains et 25 % dans l’espace rural. Les ménages retraités les plus aisés habitent plutôt dans de grandes zones urbaines, tandis que les retraités les plus modestes sont surreprésentés dans les espaces périurbains et ruraux.
Or les zones urbaines sont les mieux dotées en services :
Cela se vérifie pour les services de proximité (c’est-à-dire les commerces, les services publics, les pharmacies, les services de soins), pour les transports (qui sont à la fois plus développés et plus accessibles aux personnes à mobilité réduite en ville). A l’inverse, en zones périurbaines et rurales, l’accès aux services et aux soins reste limité. Surtout, cet accès pourrait être encore plus difficile dans les années à venir pour certains services, je pense en particulier à l’accès aux soins, avec le départ en retraite de nombreux médecins en zones rurales et de fermetures potentielles d’officines.
Dès lors, faudrait-il inciter les seniors et les personnes âgées à s’installer dans les centres-villes ?
Cette solution parait difficilement envisageable, d’abord pour des questions de coût, les prix élevés des logements dans les centre-villes étant souvent dissuasifs. Surtout, cette solution ne semble pas pertinente : en effet, à y regarder de plus près, les disparités en matière d’accès aux services peuvent être très fortes d’un quartier à l’autre, au sein d’une même zone urbaine.
Il faut donc adopter des stratégies diversifiées en fonction des territoires, et c’est à l’échelle du quartier qu’il est pertinent de raisonner, puisque la personne âgée qui connaît progressivement des pertes d’autonomie tend à restreindre son territoire de vie à son quartier. En effet, les inégalités d’accès aux services dépendent également de l’état de santé de la personne âgée (ce qui signifie que, même dans une zone a priori bien dotée en services, l’accès aux services peut être limité pour les personnes ayant des pertes d’autonomie importantes). Il faut donc, dans les différents territoires, renforcer l’accès aux services de façon graduée, allant de l’adaptation de l’environnement au « portage » à domicile des services.