Changement climatique et agriculture en Afrique : le Maroc montre l’exemple

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Par Khaled Igué Modifié le 18 février 2020 à 10h05
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@shutter - © Economie Matin
10%Seulement 10% des personnes dans le monde estiment que le réchauffement climatique ne peut pas être limité.

A l'image de tous les pays africains, le Maroc doit adapter son secteur agricole à la nouvelle donne climatique. Sous l'impulsion de son ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, le pays a mis en œuvre un ambitieux « Plan vert », dont les bons résultats inspirent les autres pays du continent.

Face au changement climatique, l'Afrique est en première ligne. La hausse des températures devrait, en effet, se révéler supérieure sur le continent que dans le reste de la planète, et ce alors qu'il demeure la région du monde la plus vulnérable aux effets du réchauffement climatique. Ce que confirme l'expert du GIEC Arona Diedhiou, selon qui « la majorité des modèles climatiques indiquent qu’un réchauffement de 2 °C au niveau mondial se traduirait par des augmentations de température localement plus élevées en Afrique » qu'ailleurs. « Cela ne fait aucun doute pour l’Afrique du Nord et pour l’Afrique australe », indique encore le scientifique dans les pages du Monde. Encore fortement rural – l'agriculture emploie plus de six travailleurs africains sur dix et représentait 25% de son PIB en 2017–, le continent doit donc urgemment adapter ses pratiques agricoles et développer de nouvelles techniques culturales s'il entend résister aux effets du changement climatique.

Le plan Maroc Vert, une réponse ambitieuse aux aléas économiques et climatiques

Autant de défis auxquels est particulièrement confronté le Maroc, le Royaume étant situé dans une région, le Maghreb, qui reste très exposée à la sécheresse et au stress hydrique. Pour faire face à ces enjeux complexes, le pays a adopté en 2008 un ambitieux « Plan Maroc Vert » (PMV) : une stratégie de long terme, initiée par Aziz Akhannouch, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, et dotée d'un investissement considérable, de 147 milliards de dirhams sur dix à quinze ans. Le programme, qui bénéficie par ailleurs du soutien appuyé du roi Mohamed VI, subventionne tant l'irrigation que l'amélioration génétique des semences, la mécanisation, la plantation fruitière ou encore les activités de transformation des produits agricoles.

Visant à moderniser l'agriculture et à développer les zones rurales et souvent reculées du pays, le PMV repose sur deux piliers aussi distincts que complémentaires : d'un côté, les « grandes » exploitations capitalistiques et productivistes, à haute valeur ajoutée, tournées vers l'export ; de l'autre, l'accompagnement solidaire de la « petite » agriculture vivrière. Trois objectifs devaient être atteints d'ici à l'année prochaine : augmenter et intensifier durablement la production pour doubler le PIB agricole ; doubler les revenus issus de l'agriculture afin d'endiguer la pauvreté dans les campagnes ; créer, enfin, 1,5 million d'emplois supplémentaires dans ce secteur aussi stratégique pour le pays qu'intrinsèquement soumis aux aléas des marchés... et du climat.

Un bilan globalement positif

Plus de dix ans après son lancement, quel bilan tirer du Plan Maroc Vert ? Il est plutôt positif, les chiffres parlants d'eux-mêmes : au Maroc, l'agriculture compte aujourd’hui pour 13% du PIB et s'impose comme un moteur de la croissance économique du pays. Le secteur, qui représente 40% de l'emploi total, et même 80% dans les territoires ruraux, assure ainsi un revenu, direct ou indirect, à 15 millions de Marocains, soit quatre habitants sur dix. D'après Aziz Akhannouch, le PIB agricole du Maroc a augmenté de 5,25% par an en moyenne depuis le lancement du PMV, soit près du double de la croissance du PIB. La valeur des exportations agricoles marocaines a quant à elle doublé sur la même période. Les agriculteurs, mieux formés, bénéficient de progrès techniques et de nouveaux labels de qualité certifiant leurs productions. Enfin, quelque 300 000 emplois ont été créés dans le secteur.

Si tous les objectifs du PMV ne seront sans doute pas parfaitement atteints d'ici à la fin 2020, plusieurs d'entre eux sont donc réalisés, démontrant, à tout le moins, la persistance d'une réelle volonté politique au plus haut sommet de l'État. C'est le cas, éloquent, en ce qui concerne le développement de l'irrigation durable, un facteur essentiel au Maroc, permettant d'accroître la productivité agricole et de garantir de meilleurs revenus aux paysans – ceux-ci ont ainsi été multipliés par cinq, voire par treize dans certaines zones. Dans le cadre du PMV et dans un contexte de changement climatique, le Maroc est ainsi passé en moins de dix ans de 60 000 à 1,6 million d'hectares irrigués, visant dans le même temps 1,4 milliard de mètres cubes d'économies d'eau par an.

Le PMV, un exemple à suivre pour l'agriculture africaine ?

Avec de tels résultats, rien d'étonnant à ce que le Maroc inspire ses voisins africains. Après avoir « rodé » ses politiques et techniques agricoles pendant plus de dix ans, le Royaume ne cache désormais plus son ambition de propager ses savoir-faire au reste du continent, confronté aux mêmes défis que sont la sécurité alimentaire et le développement durable – à l'image du Gabon et du Sénégal, pays qui ont, à leur tour, adopté leurs propres « plans Verts ». Partenaire de longue date du PMV et visiblement impressionnée par ses résultats, la Banque mondiale (BM) soutient également l'Initiative africaine d'adaptation aux changements climatiques (Initiative AAA), lancée et portée par le Maroc au cours de la COP22, et qui a pour but de réduire la vulnérabilité du secteur au réchauffement climatique.

Pour ce faire, le chemin est encore long. Selon Aziz Akhannouch, il faudra entre 7 et 15 milliards de dollars par an pour que le continent résiste aux effets du changement climatique, et même 270 milliards d'ici à 2070 – et ce même si la hausse des températures est stabilisée en-dessous de 2°C. Comme l'a déclaré le ministre, « les défis auxquels l’Afrique est confrontée face au changement climatique sont énormes, nécessitant (...) de renforcer (...) le financement de l’adaptation au changement climatique en faveur de l’Afrique ». Mais « le potentiel agricole de notre continent est énorme, rassure le dirigeant marocain. (Aux Africains de) le valoriser pour une prospérité partagée ».

Le message est passé.

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 fondateur et président du think tank Club 2030 Afrique, auteur de "L'heure de l'Afrique" (éd. Hermann) préfacé par Hervé de Charette. Par ailleurs, il travaille pour la banque d'investissement B&A Investment Bankers..

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