Et si l’Afrique était l’avenir de l’Europe ?

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Par Vincent Chaudel Modifié le 12 octobre 2012 à 4h53

Après les périodes de colonisation puis de co-développement, l’Europe s’est contentée ces dernières années de mettre en place des programmes "fourre-tout" faiblement dotés (35 millions d’euros en 2010) dans les pays du Sud. Du coup, ceux-ci se sont tournés vers d’autres partenaires : les pays émergents, porteurs de projets d’investissements "clairs", au but purement économique.

Ainsi, les échanges entre la Chine et l’Afrique ont atteint 166,3 milliards de dollars en 2011, soit 83 % de plus qu’en 2009. Pour rester dans la course, l’Europe doit désormais réinventer ses relations avec les pays du Sud. Comment ? Grâce à la co-construction, thème central de la 7e édition de la Global Conference d’Evian.

Co-construire, c’est produire un résultat collectif, non en additionnant les apports individuels, mais en intégrant les interactions de chacun. Ce qui suppose, bien sûr, que chacun des participants y trouve un intérêt. Et c’est exactement ce qui se produit entre Europe et Pays du Sud, devenus des partenaires économiques majeurs ; le PIB de l’Afrique progresse de 6 % par an depuis 2000.

La co-construction est une démarche collective, favorable pour tous, mobilisant public et privé. Une approche "bottom-up", microéconomique, et non plus d’Etat à Etat. Un exemple probant de co-construction : les projets Desertec et Medgrid. Ces deux facettes - allemande et française - d’un même programme ont pour but de satisfaire les besoins énergétiques des pays européens et africains, en exploitant le formidable potentiel énergétique - solaire et éolien - du Sahara.

Concrètement, il s’agit d’installer dans les pays du Sud et de l’Est du bassin Méditerranéen une capacité de production de 20 gigawatts (GW) à l’horizon 2020. Et de construire les infrastructures - câbles sous-marins à très haute tension - permettant d’acheminer 20 % environ de cette production vers l’Europe.



L’enjeu : créer en Afrique une filière d’exportation de l’énergie renouvelable, capable de générer 60 milliards d’euros par an. L’Europe, de son côté, pourrait économiser 30 euros par mégawattheure d’électricité importée, et atteindre ses objectifs de réduction des émissions de CO2. Au lieu d’un modèle "aidant" à "aidé", on se trouve donc dans une approche win-win, élaborée en commun.

Parmi les 23 entreprises partenaires, on trouve des structures européennes (Alstom, Areva, EDF), mais aussi marocaine (ONE), égyptienne (Taqa Arabia) ou syrienne (Walid Elias). Reste à concrétiser ce projet. Et à le financer. Chiffré de 38 à 46 milliards d’euros, l’investissement sera rentable en 2050, date à laquelle Desertec fonctionnera à plein régime, produisant 700 millions de GW.

Un horizon inenvisageable dans une démarche d’investissement classique, mais logique dans le cadre d’une co-construction : elle se décide, se réalise et se rentabilise dans la durée, parce qu’elle répond à des enjeux eux aussi de long terme. Co-construire, c’est aussi imaginer une forme nouvelle de gouvernance, capable de concilier rationalité économique et innovation sociale. Et de faire agir ensemble Etats, fonds de développement internationaux, banques et entreprises… efficacement.

Desertec s’est doté d’une structure exécutive, la DII. Elle fixe déjà, avec les pays concernés, les modalités du projet : conditions de production et prix de vente de l’énergie, par exemple. Car le temps presse. "Nous ne pouvons pas nous lancer dans des années de négociation", souligne le Dr. Thiemo Gropp, directeur de la Fondation Desertec. "Lors de la crise financière de 2008, les gouvernements ont su réagir vite. L’urgence climatique est plus grande encore".

Il lance l’idée d’une "coalition des énergies" au plan mondial, rassemblant tous les acteurs convaincus par ce projet. Une vision en ligne avec la notion même de co-construction. Au final, l’état d’esprit de la co-construction rappelle celui du web 2.0 : partout dans le monde, les citoyens se sont emparés de la technologie pour "co-construire" de nouvelles relations et produire des résultats, politiques notamment.

Ce que les individus sont parvenus à réaliser, Etats, collectivités locales et entreprises doivent aujourd’hui s’en inspirer pour imaginer de nouvelles relations au niveau mondial... mais aussi au niveau local. Vaste challenge !

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Vincent Chaudel exerce le métier de conseil en sport business depuis 20 ans. Entre 2003 et 2018, il a été directeur communication / marketing de cabinets de consulting. En 2012, il crée l’Observatoire du Sport Business. Vice-Président du Think tank européen Sport & Citoyenneté de 2009 à 2018, il est désormais membre du Comite Sport du MEDEF et trésorier de l’Observatoire Européen du Sport Féminin.

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