L'Afrique détient le record de femmes entrepreneures dans le monde. Yasmin Belo-Osagie, Afua Osei, Dominique Nouvian, Rapelang Rabana, Ndidi Nwuneli ; elles sont créatrices de start-ups, directrices d'ONG et femmes de pouvoir aux profils variés. Leur importance grandissante commence à faire du bruit sur la scène internationale et pourrait entraîner dans son sillon de nombreux autres changements pour le continent.
L'Afrique est le continent sur lequel on trouve le plus de femmes entrepreneures. En Afrique subsaharienne, notamment, 27 % des entreprises sont dirigées par des femmes, selon une étude réalisée par le consortium The Global Entrepreneurship Monitor (GEM) parue en février 2015. Comment les femmes se sont-elles fait une place au soleil, dans une zone pourtant réputée pour son patriarcat souvent féroce ?
Exploiter le potentiel économique de l'Afrique
Pour Yasmin Belo-Osagie et Afua Osei, les deux jeunes co-fondatrices de She leads Africa, une plateforme pan-africaine d'intermédiation entre femmes de talent et investisseurs, la raison est double : le besoin et les opportunités. « D'une part, il n'y a pas suffisamment de jobs et les gens doivent donc se battre pour se créer leurs propres opportunités. D'autre part, étant donné que l'Afrique est l'une des économies les moins développées du monde, il y a énormément d'opportunités pour les entrepreneurs qui peuvent imaginer des solutions pour résoudre les problèmes des gens », estiment-elles.
Les prochaines années devraient en effet voir émerger l'Afrique comme nouvelle locomotive de l'économie mondiale et paradis des investisseurs. La Banque mondiale table sur une croissance de 5 % pour les deux prochains exercices et la résilience de l'économie africaine a été saluée alors que le reste de l'économie mondiale s'enfonçait dans la crise post-2008 - et reste encore aujourd’hui moribonde. L'Institut national des études démographiques estime par ailleurs qu'en 2100, un habitant sur trois sera Africain dans le monde. Un marché plein de promesses tant en termes de développement et d'innovation que de débouchés. Les nouvelles technologies envahissent ainsi le continent ; Internet pourrait contribuer au PIB annuel du continent africain à hauteur de 300 milliards de dollars d'ici 2025, tandis que 67 millions de smartphones circulent déjà dans les mains d'une population extrêmement jeune.
Dominique Nouvian récompensée par la Chambre de commerce américaine
Dans ce contexte de croissance exponentielle, les femmes ont décidé de se positionner comme leaders et de nombreux projets innovants fleurissent dans de nombreux secteurs : éducation, santé, énergie, services financiers, agriculture, installations sanitaires... Mais plutôt que de se calquer sur un modèle masculin, elles préfèrent inventer leur propre modus operandi. Pour la Sud-Africaine Rapeland Rabana, fondatrice de la société Yeigo Communications et de Rekindle Learning, le management au féminin mérite de se développer. « J'ai le sentiment que puisque de nombreux environnements corporates ont été créés par les hommes, ils ont dessiné un système favorisant les traits masculins traditionnels, comme parler fort pour attirer l'attention, user de l'agressivité pour persuader, parler simplement pour montrer son autorité (à l'inverse de parler pour être efficace et dire quelque chose d'utile), etc. Donc créer son propre business permet aux femmes de créer une nouvelle façon de faire les choses », estime-t-elle.
Le patriarcat reste un frein considérable à l'émergence d'entreprises dirigées par des femmes. Le plafond de verre reste dur à briser. « D'après une récente étude menée par SMEDAN et le bureau national des statistiques, 42 % des microentreprises au Nigéria sont gérées par des femmes entrepreneures. Cependant, seulement 13,57 % des PME sont tenues par des femmes, une indication claire qu'elles ont du mal à grossir », explique Ndidi Nwuneli. Diplômée d'Harvard, c'est une figure majeure de l'entreprenariat au féminin. Mais elle déplore le manque de réseau dont peuvent bénéficier ces nouvelles entrepreneures. « Les plus grands obstacles sont l'accès au financement et aux marchés. De plus, une majorité de femmes entrepreneures n'ont pas suffisamment de formation commerciale, et de connexions avec les fournisseurs de services de business développement ». A la tête du Fonds d'appui aux femmes de Côte d'Ivoire (FAFCI), Dominique Nouvian essaie justement de permettre à des femmes de lancer leurs propres projets pour assurer leur indépendance financière et imposer leur propre vision des choses. En quelques années, le FAFCI a soutenu plus de 110 000 projets, ce qui a valu à la Première Dame ivoirienne d'être récompensée pour son engagement social par la Chambre de commerce américaine le 15 mars dernier. « Nous sommes venus pour féliciter Madame la Première Dame pour le grand travail qu'elle fait pour les femmes et les enfants » a ainsi expliqué Maryon Brillant, vice-président de la Chambre. « Le prix vise à reconnaitre [son] rôle dans le leadership entrepreneurial et en tant que femme, pour l'amélioration de la condition de vie des femmes et des enfants. »
Reste qu’aux contraintes externes vient souvent s'ajouter l'auto-censure. Pour Rapelang Rabana, les femmes africaines doivent apprendre à oser. « Les Africaines doivent être capables de se rendre compte de leur propre valeur, et se nourrir de leurs points forts pour exceller. Quand les femmes africaines réaliseront cela, nous découvrirons une force que le monde ignore encore. »