Quelle leçon tirer de l’affaire Madoff ?

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Par Jacques Bichot Modifié le 15 avril 2021 à 6h00
France Retraite Repartition Ponzi Pyramide
@shutter - © Economie Matin
60 MILLIARDS $Le système de Ponzi mis en place par Bernard Madoff portait sur près de 60 milliards de dollars.

Le décès de Bernard Madoff est survenu en prison, puisque la peine que la justice américaine lui avait infligée s’élevait à 150 ans de privation de liberté, ce qui signifie jusqu’au décès. Qu’avait-il donc fait ?

Une arnaque, ou plus exactement des arnaques formant un ensemble très conséquent, au détriment d’épargnants trop crédules. Il n’avait pas inventé le procédé, employé des décennies plus tôt par Charles Ponzi, également aux Etats-Unis. Ces « pyramides de Ponzi » consistent à faire croire à des épargnants qu’ils peuvent bénéficier de rendements hors du commun en investissant dans des produits financiers très peu connus, mais merveilleusement rentables. Pour apporter la « preuve » de cette forte rentabilité, Ponzi, Madoff et leurs émules – on en découvre chaque année, les hommes ayant tendance à croire au Père Noël – l’arnaqueur paye rubis sur l’ombre des intérêts ou dividendes très confortables, en utilisant pour cela une partie de l’argent provenant des souscriptions.

Conformément au proverbe « on ne prête qu’aux riches », le créateur d’une pyramide de Ponzi mène grand train, à la fois pour son plaisir et pour entretenir la confiance mise par des gogos dans ses merveilleuses capacités à faire d’excellentes affaires. Si ses comptes ne sont pas vérifiés par un expert-comptable consciencieux et intelligent, l’arnaqueur peut faire illusion pendant des mois ou des années, jusqu’à ce qu’il disparaisse sans laisser d’adresse, avec un pactole représentant une fraction importante de l’argent qui lui a été confié.

Les retraites par répartition, forme prédominante des systèmes de Ponzi-Madoff

Parallèlement à ces systèmes privés, qui tombent sous le coup de la loi, des systèmes de Ponzi-Madoff publics ont été érigés par les législateurs eux-mêmes, ce qui évite à leurs inventeurs et gérants de subir le sort de Bernard Madoff. Il s’agit des retraites dites par répartition, en usage sur une très grande partie de notre planète. Les cotisants obtiennent en effet la promesse de versements ultérieurs, alors même que leurs cotisations ont été utilisées en pay-as-you-go (au fur et à mesure de leur versement) pour verser des pensions aux anciens cotisants devenus retraités.

Dans les deux cas, le Ponzi privé et le Ponzi public, les apports réputés donner droit ultérieurement à des intérêts, dividendes, remboursements ou rentes viagères sont utilisés pour tenir les promesses faites aux cotisants. Il existe cependant une différence, et elle est d’importance : Ponzi, Madoff et leurs semblables ne disposent pas de l’appui des pouvoirs publics, d’une impunité accordée par le législateur, alors que les caisses de retraite par répartition fonctionnent avec la protection de la loi. Grâce à cela, les actifs sont obligés de cotiser, ce qui fait que les retraités touchent effectivement des pensions.

L’appui fourni par le législateur est déterminant : non seulement il oblige les actifs à cotiser, mais il dispose aussi du pouvoir d’augmenter le taux de cotisation. Les actifs sont donc souvent conduits à verser aux retraités une partie de leurs gains de plus en plus importante au fil des ans : c’est ce qui a par exemple permis à François Mitterrand d’abaisser démagogiquement l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans, au bénéfice de sa popularité.

Nous devons éradiquer les systèmes Madoff, et donc effectuer une réforme en profondeur de nos retraites par répartition

La punition infligée à Bernard Madoff n’est pas injuste : les arnaques ne sont pas tolérables. Mais il ne s’agit là que d’une arnaque modeste en comparaison de la couleuvre que nos législateurs nous font avaler en faisant des cotisations de retraite l’origine légale des droits à pension. Certes, le législateur ne sera pas puni, car il ne semble pas exister d’autorité ayant le pouvoir de sanctionner les erreurs qu’il commet, fussent-elles énormes. A moins que ? A moins que les électeurs décident d’élire en lieu et place des ignorants qui siègent dans les palais nationaux des personnes qui connaissent le fonctionnement réel des retraites par répartition.

Ce fonctionnement est très simple dans son principe : les adultes mettent au monde des enfants, les entretiennent, les instruisent, les soignent, et les aiment, moyennant quoi, quelques décennies plus tard, il existe des travailleurs efficaces qui consacreront une partie de leurs ressources à faire vivre correctement ceux qui ont investi en eux.

Cet échange entre générations successives est l’essence même des retraites par répartition. Le législateur ne l’a pas encore compris : mais qu’il fasse un petit effort pour s’occuper d’autre chose que d’amendements insignifiants à des textes préparés par les services du pouvoir exécutif, et l’absurdité de l’actuelle législation des retraites lui apparaîtra. Il sera dès lors en mesure de faire enfin une réforme vraiment importante : attribuer les droits à pension au prorata des investissements réalisés dans la jeunesse, que ce soit en élevant ses propres enfants ou en finançant la formation de l’ensemble de la nouvelle génération.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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