Affaire Findus : ces trois choses qu’on a oublié de vous dire

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Par Jean-Marc Sylvestre Publié le 12 février 2013 à 16h26

C’est évidemment grave cette affaire de viande de cheval dans les plats cuisinés. Pas question de la minimiser. Mais comme dans toutes les affaires graves, où personne ne connait le dossier avec précision, on en arrive à dire n’importe quoi. On a d’ailleurs découvert à cette occasion qu’on avait un ministre de l’Agroalimentaire. Personne ne le connaissait Guillaume Garot, sauf sa famille sans doute, mais c’est un détail. Lui n’a pas encore dit grand-chose. Il a eu raison mais il y a pourtant deux ou trois petites choses incroyables dont on ne parle pas parce qu’elles sont politiquement incorrectes.

Trois remarques très politiquement incorrectes qu’il faut poser.

1ère remarque, il ne s’agit pas d’une crise sanitaire mais d’une crise alimentaire. Il n’y a en l’état actuel du dossier aucun accident dû à l’absorption des fameuses lasagnes à la viande de cheval. D’ailleurs, la viande de cheval n’est pas mauvaise en soi. Le problème, c’est que pour des raisons culturelles ou autres certains peuples se sont mis à refuser catégoriquement d’en manger. Les Français autrefois ont mangé beaucoup de viande de cheval. Il y a encore trente ans, il y avait presque autant de boucheries chevalines que de boucheries spécialisées dans le bœuf. Pour Balzac c’était d’ailleurs très chic de manger du cheval. Les médecins eux-mêmes conseillaient la consommation de cheval aux adolescents parce qu’elle contenait moins de cholestérol. Ma grand-mère qui mangeait de la viande de cheval une fois par semaine, ne doit rien y comprendre… D’ailleurs, la viande de cheval valait aussi cher que la viande de bœuf mais passons.

Manger du cheval n’est pas dangereux. Rien à voir avec la crise de la vache folle ou là, il y avait des risques d’empoisonnement. Le problème, c’est que le cheval est devenu au cours des 30 dernières années un animal sacré. La plus belle conquête de l’homme ne pouvait pas se retrouver dans son assiette ! Elle peut passer le reste de sa vie dans des manèges pourris à recevoir des coups de cravaches et à balader des touristes, ça ne gêne personne, mais nourrir des gens qui en auraient besoin, grand dieu non, ce n’est pas possible !

Du coup puisque on s’est mis à ne plus manger de cheval, le prix de la viande est devenu dérisoire. Le scandale aujourd’hui est de l’ordre de la tromperie, de l’escroquerie. Il faut dire que le consommateur des pays riches n’a pas fait preuve de beaucoup d’attention et d’exigence sur l’origine de la viande. Ce qui importe pour le consommateur, c’est le prix. Qu’il soit le plus faible possible. En économisant sur les lasagnes, on finance son iPhone. Il n’empêche, on nous a fourgué de la viande de cheval au prix de la viande de bœuf en nous faisant croire que c’était du bœuf. Problème d’information, de traçabilité, de voyou. Il y a une escroquerie quelque part et des escrocs qui s’en sont mis plein les poches en grugeant les consommateurs occidentaux. C’est évidemment inadmissible.

2ème remarque, la première victime c’est Findus. L’entreprise va payer très cher et les 500 salariés qui y travaillent aussi. L’entreprise est sans doute morte aujourd’hui. Elle ne peut plus rien vendre. Or, il est impossible qu’elle ait pu être au courant de cette escroquerie. Impossible qu’elle soit coupable ou complice. On lui a vendu de la viande de cheval à son insu. Des intermédiaires ont changé les étiquettes. Où, quand ? Quel trader ?, quel abattoir ? quel intermédiaire ? quel transformateur ?

Personne ne le sait et dans cette Europe technocrate où l’on a tellement de logiciels que le temps qu’on trouve lequel actionner pour découvrir la vérité, toutes les preuves auront été nettoyées. Findus a pris seul les responsabilités, c’est courageux. La seule responsabilité véritable de Findus étant de faire pression sur les prix ce qui oblige les fournisseurs à trouver tous les moyens de gagner leur vie. Y compris pour les moins honnêtes à trafiquer la marchandise.

Il va falloir sauver le soldat Findus. Et d’ailleurs si Mr Montebourg sauve PSA, pourquoi les syndicats de Findus ne réclameraient-ils pas de sauver leur entreprise ?

3ème remarque, et c’est sans doute la plus cocasse. S’est-on demandé pourquoi la Roumanie est devenue le plus gros fournisseur de viande de cheval en Europe, et cela en très peu de temps ? Et bien parce que la Roumanie est entrée dans l’Europe en 2007. Jusqu’à cette date le principal moyen de locomotion, c’était l’hippomobile : des charrettes tirées par des chevaux ! Dans l’agriculture roumaine, les travaux des champs étaient également faits par des engins tractés par des chevaux.

Cette situation fait qu’il y avait, en Roumanie, des millions de chevaux, presque autant que de roumains. Chaque roumain avait son cheval.

Au moment de l’entrée de la Roumanie dans l’Europe, il a fallu que Bucarest se conforme aux réglementations concernant le trainement des déchets animaux, la pollution. Les traitements des excréments de chevaux, leur nourriture étaient devenu un vrai casse tête chinois (ou roumain). Bref, on a commencé à limiter la circulation des hippomobiles puis on l’a interdite dans les villes, puis dans les villages. Résultat, les millions de chevaux se sont retrouvés au chômage sur le chemin de l’abattoir. La mutation a été d’autant plus rapide que les roumains ont découvert le rêve automobile grâce à la Logan, premier modèle de Dacia fabriqué par Renault pour le marché local.

Louis Schweitzer, le PDG de Renault, nous avait bien dit que la délocalisation des voitures lowcost n’était que pour les marchés locaux. Et bien les Roumains ont mis leurs chevaux au rencard pour circuler en voiture à essence. On s’est donc retrouvé avec des millions de carcasses et la viande de cheval, elle, s’est retrouvée dans les lasagnes. Mais rassurez-vous Louis Schweitzer et Renault, dont les voitures font un tabac en Europe de l’Est, n’y sont pour rien. Évidemment.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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