Chevalgate : c’est l’administration et son système de contrôle centralisé qui sont les plus coupables

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Par Ludovic Grangeon Modifié le 18 février 2013 à 0h23

Il ne se passe plus un mois sans qu’un « scandale » agroalimentaire ne secoue l’opinion. Une cantine scolaire intoxique tous les élèves avec une bactérie dans les plats préparés. Un hypermarché rappelle des steaks hachés périmés ou infectés et se vante d’être « réactif ». Des pizzas sont déclarées impropres à la consommation après être vendues en épicerie… Qui se souvient encore de la crise pourtant récente du « concombre tueur » allemand, puis espagnol, et enfin de nulle part ? Le remarquable film « bullhead » rappelait récemment l’histoire vraie de l’assassinat d’un vétérinaire belge qui avait découvert que plus de la moitié du cheptel national était traité aux hormones. À présent, c’est la viande de cheval dans les surgelés qui est utilisée en remplacement du bœuf.

La liste pourrait s’allonger à l’infini. Ces évènements cachent pourtant un phénomène structurel que les entreprises connaissent bien, mais souvent ignoré par le public. Sous le diktat de multinationales anonymes, le marché des analyses s’est peu à peu concentré et regroupé en visant des « économies de structures ». Depuis dix ans, les laboratoires de proximité ont peu à peu disparu au profit de quelques unités automatisées et robotisées généralement implantées par facilité en région parisienne ou dans des lieux déjà existants. Ce qui avait été présenté avec facilité comme un avantage de puissance et de « fiabilité » s’avère au contraire un véritable désastre technocratique.

Cette fausse standardisation du service des examens et contrôles sanitaires a au contraire abouti à profondément dégrader la sécurité alimentaire du consommateur.

Un chef d’entreprise de l’agroalimentaire, à la tête d’une entreprise réputée pour sa réelle qualité de produits, déclarait récemment : « quand je reçois les examens obligatoires de mes produits, ils sont mangés depuis deux jours, ou ils sont périmés ». Il est obligé de mettre en place un double contrôle pour prévenir ce problème. Tous ne le font pas. C’est bien entendu pour cette raison que les distributeurs habillent sous le déguisement de « réactivité » ce phénomène bien connu. Ils savent tous qu’il existe quotidiennement le risque de recevoir trop tard les examens révélant qu’un lot alimentaire a un problème. Chaque article en rayon est une loterie.

Sous la dictature de la technocratie, l’important n’est pas de protéger le consommateur, mais l’administration, en produisant un certificat d’analyse. Le résultat de cette analyse, bonne ou mauvaise, n’intéresse personne… sauf nous tous, pauvres consommateurs !... Voici quelques années, quand un produit sortait d’usine, les laboratoires de proximité étaient capables de donner les résultats dans la journée, et même de venir contrôler sur place. Ce qui est troublant, c’est que ce service sur mesure coûtait bien moins cher que les services actuels « rationalisés », alors qu’on nous prétend l’inverse. Cette concentration a appauvri les services administratifs régionaux de contrôle, alors pourtant que ce sont eux qui connaissent le mieux les industriels sur place. Aujourd’hui, l’échantillon d’analyse est prélevé, stocké, expédié dans le meilleur des cas le soir ou le lendemain, reçu et traité 24 heures plus tard, et son résultat n’est connu au mieux que deux à quatre jours plus tard, bien trop tard.

Ces intoxications à répétition, cette soi-disant traçabilité, révèlent en fait un malaise économique plus profond sur les pseudo-rentabilisations obtenues par la concentration. Cette nouvelle manie part du principe qu’on fait des économies en centralisant et en regroupant. Elle procède de théories de l’organisation qui doivent dater au moins d’un siècle, à l’époque du cheval (pas le même), et du télégraphe à sémaphore.

On en voit les dégâts tous les jours dans le regroupement des hôpitaux, des administrations, des services de proximité, des cartes scolaires, de la distribution d’énergie, les laboratoires d’analyse médicale, les maternités, et bien sûr des sièges sociaux des entreprises, presque tous regroupés dans les lieux les plus chers et les plus coûteux en charges. Un emploi dans un immeuble de grande hauteur à La Défense représente trois fois plus de charges de gestion en frais généraux que dans une métropole régionale.

On savait que la centralisation coûtait cher. À présent on sait qu’elle est hors de prix… à nos dépens.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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