Dans les tribus des tropiques, le rite initiatique des adolescents est toujours un moment important et solennel de leur vie, le franchissement soudain d’un mur entre le monde des enfants et celui des adultes.
1,350 milliard de téléphones vendus par an dans le monde
Dans nos sociétés « urbaines », la possession d’un téléphone portable est devenue ce rite essentiel pour une grande partie de la population. A l’école, en famille, en loisirs, un adolescent n’existe plus sans téléphone portable. Cet instrument est devenu à la fois une condition essentielle d’accès à la vie sociale, une prothèse de vie, une addiction dont on connait encore mal les conséquences.
65 millions de téléphones portables en service en France
La possession de soi et la liberté sont profondément remises en cause par ce nouvel appareillage permanent de la personne. L’anxiété du milieu, des parents, de l’entourage, est exacerbée par ce besoin permanent et addictif de communiquer.
De plus, l’utilisation généralisée de ces prothèses techno sociales continue de vérifier deux lois économiques fondamentales de l’économie, tant de fois raillées, mais toujours vraies. D’une part, la loi de Moore, prédisant la croissance exponentielle des capacités informatiques par périodes bisannuelles, est encore amplifiée par les multiples échanges de données. Il faut entre 35 et 45 zéros pour décrire les volumes de données aujourd’hui…Jusqu’où pourrons-nous stocker sans engorgement ? Certains ne donnent plus que 7 ans avant l’implosion d’Internet.
D’autre part, le paradoxe de Solow est également vérifié. Les nombreuses « facilités » informatiques offertes en mode résidentiel ou en mode nomade, consomment énormément de temps connexes par rapport à l’essentiel. Bien pire, les utilisateurs n’en sont pas conscients, et ne se rendent donc pas compte de leur baisse de temps disponible, de leur baisse de libre arbitre, de leur baisse de productivité.
Le sentiment social apparent acquis par les assistants informatiques personnels est effacé et même empiré par les postures personnelles. Il suffit d’observer les groupes de jeunes pour se rendre compte que la plupart sont vissés à leur appareil, dans les transports, en groupe, en attente, en repos. Une tendance générale à l'autisme, à l’isolement est constatée au niveau physique. Quand on sait que nous communiquons au moins autant par signaux non verbaux, la communication entre personnes est en fait largement appauvrie.
Que dire enfin de l’acquisition culturelle personnelle d’une population qui ne sait plus s’orienter sans GPS, qui écoute la musique qu’on lui dit d’écouter, qui dépend d’un serveur inconnu pour posséder ses souvenirs, et dont les moindres recoins intimes sont connus pour conditionner ses achats ?