La supériorité des bourses américaines par rapport aux principaux indices européens n'a fait que s'accroître ces dernières années. Alors qu’au cours des vingt années précédentes les forces de rappel étaient puissantes entre le S&P 500 et l'eurostoxx 50, l'écart entre ces deux indices a explosé depuis mars 2009. Depuis les points bas atteints en 2009, le S&P a presque triplé, contre une progression de « seulement » 65% pour l'indice eurostoxx50.
Il est vrai que durant cette période, la zone euro a connu de graves difficultés et que le volontarisme politique s’est manifesté avec bien plus de vigueur aux Etats-Unis. Mais l'année 2013 aurait en principe dû être favorable à un rattrapage, puisque l'un des thèmes principaux aura été la réduction des risques liés à la construction européenne. La hausse de l'Euro, la baisse des taux d'intérêt dans les pays du sud de l'Europe et la baisse de l'aversion au risque (volatilité, spreads de crédit, métaux précieux) auraient été cohérentes avec une surperformance des indices de la zone Euro. Il n'en a rien été !
La santé économique de la zone Euro a beaucoup à envier à la situation outre Atlantique, où la reprise de la croissance est en bonne voie et le chômage est revenu à 7%. De plus, les résultats des entreprises ont agréablement surpris aux Etats-Unis, où le secteur technologique est fortement représenté, alors que les grands exportateurs européens ont eu une année difficile, pénalisés par la baisse des devises asiatiques et le ralentissement chinois. Mais dans une configuration où les marchés sont essentiellement guidés par les politiques monétaires, les mouvements récents sont des plus intéressants.
Une asymétrie des politiques monétaires commence à se manifester de part et d’autre de l’Atlantique, avec d’un côté la Réserve Fédérale américaine qui envisage sérieusement le début d’un resserrement monétaire, après cinq années de soutien inconditionnel aux marchés, et de l’autre, la Banque Centrale Européenne qui réitère au contraire sa volonté de garder les taux à des niveaux bas pour longtemps. Alors que cette double inflexion devrait ralentir la progression des actions américaines et insuffler un regain haussier pour les actions européennes, l’écart de performance entre les deux zones continue de se creuser. Le début du mois de décembre est assez symptomatique de cette faiblesse : les bonnes nouvelles macro-économiques aux Etats-Unis ont provoqué des craintes de « tapering » imminent. Pourtant, au 6 décembre, l’eurostoxx a cédé 3.5% ce mois-ci, alors que le S&P est encore en territoire positif. Et, dans le même temps, l’Euro s’est de nouveau apprécié.
Cette divergence sensible du comportement des marchés boursiers peut s’expliquer par deux grilles de lecture bien distinctes. Alors que les investisseurs utilisent les fondamentaux économiques pour valoriser les actions, il semble que seules les politiques monétaires soient prises en compte pour déterminer l’allocation d’actifs et évaluer l’orientation des devises ou des métaux précieux. Il n’en reste pas moins que l’asymétrie des politiques monétaires vers laquelle nous nous dirigeons ouvre la voie à deux scenarii.
Soit les investisseurs prennent acte de la différence fondamentale qui existe entre les deux zones géographiques, en termes de santé économique. Dans ce cas le dollar doit se renforcer, ce qui placera les entreprises européennes en meilleure position relative, avec un regain de compétitivité à l’export. Soit le marché s’en tient à des considérations purement monétaires, auquel cas il devra reconnaître qu’avec une banque centrale américaine en avance sur le processus de resserrement monétaire par rapport à la BCE, l’afflux des liquidités doit commencer à jouer en faveur des grandes valeurs européennes.
Dans les deux cas, il semble judicieux de jouer le resserrement monétaire américain, en « achetant » par exemple des indices tels que le CAC ou le MIB (Italie), moins risqués que l’Ibex. Tout en couvrant les risques d’un nouveau stress sur la zone Euro, par une position longue en dollar, et, profitant du faible niveau de volatilité, par l’achat d’options à la baisse sur l’indice S&P 500.