Comment expliquer l’explosion et la chute du cours de l’or ?

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Par Sylvain Fontan Publié le 9 octobre 2013 à 2h56

Après une très forte augmentation des cours de l'or en l'espace de 10 ans, atteignant ainsi un record historique, la tendance s'est interrompue avant de très fortement chuter depuis le début 2013. Les raisons de la chute sont essentiellement dues à l'absence d'inflation et à la recherche de rendement plus intéressant sur d'autres actifs.

Explication de la forte hausse des cours durant les années 2000

Tout d'abord, il convient de rappeler les trois fonctions d'une monnaie :

1) moyen de paiement (permettre les échanges);

2) unité de compte (permettre de mesurer les valeurs des différents biens et services),

3) réserve de valeur (permettre de conserver un instrument de paiement pour réaliser un achat au cours d'une période ultérieure. La monnaie permet alors de transférer le pouvoir d'achat d'une période à une autre).

Dans ce cadre, l'or ne présente pas toutes les caractéristiques d'une monnaie. En effet, l'or n'est pas utilisé comme unité de compte car tous les prix des biens, services et actifs financiers ne sont pas affichés en termes d'or. Egalement, l'or ne peut pas être utilisé comme moyen de paiement car il n'est pas possible de payer une baguette de pain avec par exemple. Par conséquent, la seule caractéristique monétaire de l'or est de pouvoir servir de valeur de réserve. A ce titre, c'est cette caractéristique qui explique l'envolée des cours de l'or durant la dernière décennie.

Il y a deux explications fondamentales à la hausse initiale des cours :

La première raison qui explique la hausse des cours de l'or jusqu'à l'explosion de la crise globale est l'évolution de l'inflation. En effet, traditionnellement, l'or réalise de fortes performances lorsque le risque d'inflation est élevé. Quand les taux d'intérêt réels (taux intérêts moins inflation) sont négatifs (autrement dit que l'inflation est supérieure aux taux d'intérêts), alors les placements financiers peuvent perdre de leur attrait car le rendement peut être inférieur à la dépréciation (perte de valeur) engendrée par l'inflation. Jusqu'à l'explosion de la crise financière, les taux d'inflations augmentaient régulièrement, diminuant ainsi de fait le rendement des placements financiers. Par conséquent, investir dans l'or permettait de prévenir contre ce risque en jouant le rôle de protection naturelle contre l'inflation dans les différents fonds de retraite ou portefeuille d'épargne.

La seconde raison de la hausse des cours de l'or est intervenue avec l'aggravation de la crise. En effet, l'or constitue la valeur refuge par excellence. Dans un contexte où les risques économiques, financiers et géopolitiques étaient importants, investir dans l'or traduisait essentiellement un climat de confiance très dégradé, où les anticipations des investisseurs étaient très mauvaises. En cela, l'évolution du cours de l'or en période de marasme économique constitue une mesure relativement pertinente de l'insécurité économique mondiale. D'ailleurs, à ce titre, l'or est souvent comparé à un "indice de la peur" car c'est un actif basé sur la confiance. En somme, en période de crise, les investisseurs aiment les vertus stabilisatrices de l'or qui est un actif décorrelé des principales classes d'actifs (actions et obligations).

Un décrochage soudain des cours

La publication de mauvais indicateurs à enclenché la chute des prix. En effet, les cours de l'or ont connu un des décrochages les plus violents qu'ait connu ce marché depuis très longtemps. Il intervient suite à la publication de mauvais indicateurs macroéconomiques, notamment aux Etats-Unis. A cela, il convient d'ajouter le risque qui existait en début d'année de voir plusieurs pays vendre leurs réserves d'or afin de faire face à leur dette publique, notamment Chypre qui détient 400 millions de dollars d'or et l'Italie avec des réserves supérieures à 130 milliards de dollars. La vente de ces réserves aurait mécaniquement entraîné une chute des cours. Les marchés ont anticipé cette possibilité et les cours ont chuté. Dès lors, l'ampleur de l'accélération baissière s'explique initialement par une surrection des marchés qui s'est traduite par le dénouement brutal de certaines positions spéculatives. Notons que dans la foulée de la chute du cours de l'or, d'autres métaux précieux ont également connu une chute de leurs prix (argent, platine, palladium) et les bourses ont connu une forte volatilité (tendance à s'écarter de manière aléatoire de la trajectoire moyenne, autrement dit forte instabilité des cours).

Les raisons de la persistance de la chute des cours de l'or

Au-delà du décrochage initial des cours, plusieurs raisons fondamentales viennent expliquer pourquoi ce décrochage persiste :

L'agressivité des politiques monétaires des grandes banques centrales. En effet, le pilotage monétaire de la banque centrale américaine et japonaise (notamment) a entraîné un doublement, voire même un triplement, de l'offre de monnaie dans l'essentiel des pays développés. Malgré cela, le risque global d'inflation demeure très faible à court et moyen terme, il pourrait même encore diminué. Dès lors, investir dans l'or pour prévenir contre le risque de perte de valeur n'est plus vraiment justifié.

De plus, dans ce cadre, les taux d'intérêts réels (taux d'intérêts moins inflation) auront plutôt tendance à augmenter qu'à diminuer. A fortiori avec la sortie graduelle prévue du Quantitative Easing aux Etats-Unis.

Ensuite, le risque existe toujours que des pays vendent une grande partie de leurs stocks d'or, ce que certains ont d'ailleurs déjà commencé à faire.
Enfin, la combinaison de toutes ces raisons font que de plus en plus, les autres actifs, notamment les actions, proposent un meilleur rendement que par le passé. Dès lors, les investisseurs se délaissent de leurs positions en or pour se positionner de manière plus marquée sur les actifs boursiers traditionnels.

A toutes ces raisons il convient finalement d'ajouter des éléments pratiques :

1) En effet, l'or ne produit aucun rendement. Alors que les actions produisent des dividendes, que les fonds, les obligations et les assurances-vie produisent des intérêts, et enfin que les divers placements immobiliers produisent un loyer, la seule valeur ajoutée de l'or tient à la hausse du cours (qui peut ne pas avoir lieu) et il est nécessaire de vendre ses positions pour recevoir un rendement.

2) Ensuite, le marché de l'or est hautement spéculatif, comme pour tous les marchés traitant d'un bien dont les quantités sont finies. Dès lors, adopter un comportement d'investisseur sur un marché spéculatif est relativement dangereux.

3) Enfin, l'or est très largement inutile. En effet, il est dur à modeler, il est lourd et ne peut pas servir d'outils ou de matériaux de construction, il ne se multiplie pas et ne produit rien. Il a uniquement de rares utilités dans l'électronique. De plus, en cas d'investissement dans l'immobilier et si ce marché s'effondre, il restera toujours à son acquéreur la possibilité d'avoir un toit alors que l'or n'a pas cette caractéristique. En outre, pour les particuliers qui acquièrent de l'or physique, se pose la question de sa conservation. Conserver de l'or physique chez soi est dangereux en cas de vol et le conserver à la banque induit des coûts.

La hausse récente des cours ne devrait être que conjoncturelle. En effet, si les cours de l'or ont bien augmenté de +15% durant l'été, cette hausse s'explique avant tout par des mouvements spéculatifs de court terme. A cela, il convient d'ajouter les événements en Syrie et la crainte d'une intervention militaire qui pousse les cours à la hausse. Enfin, viennent s'ajouter à ces mouvements la demande d'or physique des indiens qui redoutent l'inflation et des chinois qui craignent une crise du crédit reste élevée. Toutefois, et sauf à envisager un enlisement des événements syriens, cette hausse devrait restée contenue et ne devrait pas se prolonger.

Retrouvez plus de décryptages économiques écrits par Sylvain Fontan sur son site www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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