Et la blockchain disrupta Andy Warhol…

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Par Pascal Robaglia Modifié le 3 août 2018 à 8h22
Andy Warhol
cc/pixabay - © Economie Matin
5 millions de dollars14 petites chaises électriques d'Andy Warhol d'une valeur de plus de 5 millions de dollars ont été récemment mis en vente en bitcoins.

Le marché a connu une révolution feutrée le 25 juillet dernier. Pour la première fois, une œuvre de plusieurs millions d’euros était acquise en cryptomonnaie et de manière collective. Une bonne affaire. Mais pour qui ?

Andy Warhol prophétisait-il la vente de ses toiles en monnaie virtuelle en disant « tout est plus ou moins artificiel. Je ne sais pas où s’arrête l’artificiel et où commence le réel » ? A n’en pas douter ! Alors que le monde de la finance n'a pas encore fini son projet de transformer les chefs-d'œuvre artistiques en valeurs mobilières négociables, les grand-maîtres sont aujourd’hui devenus de vulgaires valeurs. Il y a dix ans, il s'agissait de fonds spéculatifs de banquiers vendant de petites actions dans des œuvres d’art de forte notoriété comme opportunités d'investissement. Aujourd'hui, la foule des crypto-monnaies s’empare de l’art ! La nouvelle inclination du commerce de l'art est autant un retour à l'ingénierie financière d'avant la crise qu'une question de crypto-futurisme.

Quand la monnaie des écrans s’affiche

Une aubaine pour les milliardaires du Bitcoin qui transforment aussi le virtuel en authentique. A Londres, une plateforme d’achat d’objets de luxe en cryptomonnaies nommée Dadiani Fine Art incarne ces marchands d’avant-garde. C’est à Mayfair, l’un des quartiers les plus cossus de Londres, que ce florissant commerce ouvert à tous les coins (bitcoin, Ethereum, Ethereum Classic, Litecoin, Ripple, Dash et NEM) a commencé son activité. L'art n'est qu'une petite section d'un catalogue immense du courtier en crypto - la première au Royaume-Uni - qu'elle a créé l'an dernier pour permettre aux acheteurs d'échanger leur richesse numérique contre des actifs réels tels que des voitures rares, des stocks de sang, des pierres précieuses, des lingots, des jets privés et des yachts. Un client chinois a récemment acheté quatre voitures de Formule 1, d'une valeur totale de 4 millions de livres britanniques chez elle... en cryptomonnaie.

La dernière initiative de Dadiani a été de démocratiser quelque peu son offre artistique. Pour cela, elle s'est associée à Maecenas Fine Art, une plateforme utilisant la blockchain pour permettre aux investisseurs d'acheter des participations fractionnaires dans des œuvres d'art de grande valeur. En d'autres termes, n'importe quel possesseur de cryptomonnaie pourra posséder des actions dans certaines des plus grandes œuvres d'art du monde. Ainsi, il y a quelques jours, 49% des 14 petites chaises électriques d'Andy Warhol, d'une valeur de plus de 5 millions de dollars (soit 850 Bitcoin), ont été mises en vente sous forme de certificats numériques qui pouvaient être achetés en utilisant le bitcoin, l’Ethereum ou ART token, la cryptomonnaie de la plateforme.

Démocratise-t-on pour autant l’art ? Non. Malgré toutes les discussions sur la démocratisation de la propriété artistique et en dépit de la perturbation apparente du monde doré des maisons de vente aux enchères et des marchands, ce n'est pas vraiment le cas. Nul propriétaire d’une action d’un Warhol n’emportera la toile à la maison. L’œuvre est enfermée dans une zone franche quelque part. Seule demeure une participation dans la structure d'accueil qui la détient.

Toile de banque

En revanche, pour le galeriste c'est sans doute une merveilleuse façon de faire de l'argent à partir d'une œuvre d'art sans la sortir de l’entrepôt ou d’en céder le contrôle. Mais vous ne créerez jamais une collection à exposer… Quant à l'idée qu'il s'agit d'un pari intelligent sur la valeur future d'une œuvre d'art, rappelons que, hélas, ces actifs sont aussi risqués que n'importe quel autre. Le marché de l'art n’est pas liquide. Mais il peut être volatile. Les artistes de premier ordre ne sont pas une protection contre un krach boursier. Même des Warhol ont été vendus à perte pendant la crise financière. Les parieurs connaissent-ils la différence entre cette toile "chaises électriques", dont la galerie dit qu'elle a été évaluée à 4,2 millions de livres (5,6 millions de dollars), et d'autres par le même artiste ?

La croissance des ventes sur le marché mondial de l'art a tendance à fluctuer.

Imaginez ce que la volatilité combinée des marchés de cryptomonnaies et du marché de l'art pourrait créer en période de stress. La liquidité s'évaporerait. Ces frais d'entrée initiaux de 2 % ne semblent pas si bon marché finalement.

Warhol lui-même aurait peut-être aimé l'idée d'échanger et de posséder des œuvres d'art sans jamais les voir. Et il y a au moins une chose tangible à offrir : les responsables de la vente aux enchères disent que les acheteurs peuvent choisir de recevoir une copie scannée spéciale de l'œuvre en question, qui, à l'œil nu, est aussi belle que l'original. Comme David Bowie l'a chanté dans une chanson sur Warhol : « Je ne peux pas les distinguer du tout ». Si les gens parviennent à faire de l'argent avec des copies, alors la finance aura vraiment atteint son apothéose post-moderne.

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Pascal Robaglia est le directeur de la galerie Gilbert Bard. Après une carrière dans le marketing chez L’Oréal, ce Parisien a lancé le concept de maison galerie où les œuvres sont exposées in situ. Il est spécialiste de street art. De Basquiat en particulier.

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