Je reviens sur la question de notre camarade contrarienne Joëlle et j’en profite pour lui donner une réponse « collective » dans la mesure où Joëlle a, je le trouve, très bien résumé dans son mail la pensée de beaucoup d’entre vous.
J’en profite également pour vous dire à nouveau que si je lis tous vos courriels, j’ai nettement plus de mal à y répondre et sachez que j’en suis très sincèrement navré mais cela pourrait m’occuper à plein temps. Alors je compte sur votre compréhension bienveillante. Dans tous les cas, n’hésitez pas à m’écrire, que ce soit pour vos commentaires toujours enrichissants ou encore pour me passer des infos importantes qui pourraient m’échapper. L’adresse est la suivante : [email protected].
Revenons-en à notre camarade Joëlle, voilà ce qu’elle nous écrit :
« Bonjour,
Depuis quelques mois, je vous lis chaque jour avec toujours autant de curiosité et d’intérêt. J’apprécie votre pragmatisme et votre humour, même si vous me paraissez un peu trop pessimiste. Et je suis d’accord sur vos conseils concernant le lopin de terre et les raviolis.
Mais j’attendais aussi que vous nous parliez d’immobilier (actif tangible, s’il en est !) et je ne vois rien venir !!
À titre personnel, j’ai fait ce choix depuis longtemps. Très proche de la retraite, j’ai désormais fini de payer ma maison et investi dans 3 appartements censés compléter cette dite retraite dont je ne sais combien de temps elle sera payée au niveau attendu.
Certes, l’immobilier ne va pas très bien en ce moment mais la baisse constatée n’est pas dramatique surtout si l’on n’a pas besoin de revendre, et les loyers se maintiennent, gardant à mon investissement tout le rendement prévu.
Pensez-vous (comme mon frère qui est encore plus pessimiste que vous et qui m’a orientée vers votre site) que les prix vont s’effondrer ?
Merci pour l’attention que vous porterez à mon message et bravo pour tout le reste. »
L’immobilier est un actif tangible… cyclique !
Oui l’immobilier est un actif tangible. Oui avoir de l’immobilier c’est une bonne idée, MAIS attention, pas n’importe quand ni n’importe comment. Je m’explique : vous avez 3 millions d’euros à la banque, vous achetez un bien à 1 million d’euro sans crédit acheté cash. Ce bien perd 50 % de sa valeur, soit 500 K€, il ne vous reste plus que 2 millions à la banque et un bien immobilier de 500 K€… Je ne vais pas pleurer pour vous, et vous devriez vous en remettre… donc dans ce cas, la baisse ou la hausse de l’immo est sans importance.
M. et Mme ont un fils… Ils se sont endettés sur 35 ans pour acheter un appartement à 200 000 euros sans apport en banlieue parisienne (très lointaine) du côté de Ponteau-Combault (je prends cet exemple volontairement dans cette ville ne valant pas un clou intrinsèquement parlant mais pourtant c’est encore trop cher). M. et Mme ne se supportent plus et souhaitent aller chacun se faire voir ailleurs, ce qui porte le doux nom de « divorce plus ou moins amiable »… Et généralement nettement moins amiable lorsqu’il faut se partager chien, chat, poisson-rouge, gamin et accessoirement les… dettes !
Comme ils ont acheté il n’y a que 4 ans, au plus haut de la bulle immobilière – car oui nous vivons l’explosion d’une bulle immobilière et je dirais même de la plus grosse bulle immobilière française de tous les temps –, ils n’ont payé que des intérêts et doivent non pas 200 000 euros à la banque mais… 185 000 euros… Manque de chance plus personne ne veut d’un appart pourri et sans charme dans une ville de merde de la banlieue parisienne méga lointaine nécessitant 5 heures de bouchons pour que les roues de votre bagnole hors d’âge à l’embrayage bientôt hors d’usage (à cause desdits bouchons) puissent atteindre ne serait-ce que le périphérique côté porte de Bercy… Bref, les prix à Ponteau-Combault ont baissé de 50 %… Mais un bon moins 70 % est parfaitement possible d’ici 10 ans !
Résultat, l’appart à 200 K€ de nos ex-futurs mariés prochainement divorcés ne vaut plus que 100 000 euros… Et encore en ne traînant pas parce que les prix baissent tous les mois comme, pendant 15 ans, ils ont monté tous les mois…
Il leur restera donc 85 000 euros à rembourser à la banque en plus du fait de se reloger chacun de leur côté alors qu’ils n’auront plus un kopeck en poche.
Je peux donc vous annoncer une baisse substantielle du nombre de divorces à Ponteau-Combault dans les années qui viennent !
Quelle est votre sensibilité à une baisse des prix ?
Évidemment, vous aurez compris, à travers ces deux exemples complètement caricaturaux, que tout dépend de votre sensibilité à la baisse des prix. En d’autres termes, tout dépend de votre apport personnel. Plus votre apport sera important, plus la baisse des prix éventuelle vous laissera insensible.
Une fois que l’on a dit ça, on a juste défini un critère vous permettant de savoir si vous pouvez ou pas acheter sereinement.
Après se pose le problème de savoir si l’immobilier sera un bon ou un mauvais placement.
Question difficile car l’immobilier en ville n’a rien à voir avec celui de la campagne, le marché des résidences secondaires pas plus, ou encore Paris et sa banlieue qui restent un très grand cas à part, sans oublier le Grand Ouest qui gagne de la population alors que plein d’autres régions en perdent. Bref, il n’y a pas UN marché immobilier mais des marchés immobiliers, cela n’empêche pas évidemment de définir une grande tendance et la grande tendance est sans conteste baissière. Pourquoi ?
Les facteurs de baisse sont structuraux, nombreux et vont durer !
Aujourd’hui l’immobilier est détenu par nos plus ou moins jeunes seniors qui y ont tous vu à partir du début des années 2000 le moyen, alors que l’immobilier était bradé et sortait d’un terrible cycle baissier (la crise des années 92 et la faillite du Crédit Lyonnais), le moyen à juste titre de préparer leur retraite et d’obtenir du rendement à travers les loyers. Super idée. Sauf qu’évidemment tout le monde l’a eu en même temps. C’est la raison pour laquelle les prix se sont envolés mais pas uniquement. En mars 2000 éclate la bulle Internet ! Les banques centrales baissent les taux. L’immobilier accélère sa hausse. Le 11 septembre 2001 quelques abrutis enturbannés balancent des avions dans des tours. Bilan ? Une guerre mondiale contre le terrorisme mais avant tout une grosse crise économique à combattre. Les banques centrales baissent encore leurs taux… et cahin-caha, ce début du siècle va être marqué par des taux d’intérêt très bas, tellement bas que maintenant ils sont presque négatifs… Et malgré le fait qu’ils soient aussi proches de zéro que possible, l’immobilier baisse en France.
C’est un très mauvais signe, car au premier signe de remontée des taux, ce sera un carnage sur le marché immobilier et la raison est simple. En 15 ans, les prix n’ont pas doublé ! Ils valent presque en euro ce qu’ils valaient en francs à la fin des années 90. Les prix en réalité dans les endroits les plus dynamiques ont été multipliés presque par 6,55957 (fois plus de poules, ce qui était le slogan de la Française des jeux à l’époque de l’euro). Bref, pas tout à fait par 6 donc mais en réalité par 4 ou 5. Sauf que dans le même temps, les salaires n’ont pas suivi mais alors pas du tout la même pente. Il y a donc un problème énorme de solvabilité des acquéreurs.
Or, le marché immobilier a besoin de primo-accédants donc de jeunes capables d’acheter un studio ou un T2 à un couple moins jeune qui va, lui, acheter un T3 ou un T4 à un couple plus vieux qui veut peut-être, lui, partir prendre sa retraite sur la Côte d’Azur… Sans primo-accédant au départ, c’est toute la chaîne alimentaire de l’immobilier qui se grippe et aujourd’hui, le jeune couple est au mieux fauché, plus logiquement sans-emploi et majoritairement dans la merde économiquement parlant… crise oblige !
Enfin, pour des raisons démographiques qu’il faut impérativement comprendre, ce sont nos seniors qui ont l’immobilier, mais les jeunes générations n’ont ni argent ni espérance d’en avoir… Résultat, c’est bien d’avoir de l’immobilier mais il ne vaut et ne vaudra que ce que des acheteurs potentiels seront capables de le racheter… Et pour les générations suivantes, c’est plutôt la « cata » financière… les prix ne peuvent donc que structurellement être baissiers.
Alors faut-il acheter ? NON mais…
Généralement non, surtout pas, et encore moins si vous êtes fragile financièrement ou en terme d’emploi. Oui si vous pouvez avoir votre résidence principale avec 50 % d’apport… sinon hésitez !
De l’immobilier de rendement ? Éventuellement si vous achetez sans crédit cash à 100 %, sinon vous n’aurez aucun rendement malgré des taux bas. Les charges de copropriété explosent et en plus il va falloir isoler des immeubles entiers par la façade pour économiser du gaz… Cela va coûter quelques années de rendement, plus l’État qui n’oublie pas de se servir en taxes et impôts divers. Enfin, les locataires assez souvent pas très délicats oublient de payer le propriétaire et s’en sortent généralement bien au bout de deux ans… Ce qui est nettement moins le cas du proprio… Donc le locatif oubliez… sauf éventuellement en meublé…
Non, en fait, ce qu’il faut c’est avoir un patrimoine diversifié. Le problème c’est que le patrimoine des Français est composé à 80 % d’immobilier. Logique si vous n’avez que votre maison et 50 000 euros d’épargne durement acquise… Mais si vous avez 10 millions d’euros dont 80 % en immobilier, ce n’est pas le moment d’en reprendre à défaut de le revendre !
Il faut donc diversifier, et diversifier c’est avoir du cash, des actions, de l’or et de l’immobilier : il ne faut donc pas jurer que par l’immobilier !! Le seul placement à éviter à tout prix c’est l’obligataire. Néanmoins, pour le reste, répartissez et diversifiez votre patrimoine. Ce que vous perdrez d’un côté vous devriez le récupérer de l’autre.
En tout état de cause, si l’immobilier a monté ces 15 dernières années… il pourrait bien baisser les 15 prochaines années et la baisse sera aussi irrationnelle que la hausse que nous venons de vivre, aussi irrationnelle et aussi excessive car ainsi va la nature humaine.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.