Les branches professionnelles, que tout le monde (même le paraît-il libéral Macron) évoque comme le recours magique pour réformer le droit du travail, protègent-elles les plus petites entreprises, ou bien pour les éreinter? Comme personne n’évoque ce sujet, s’est installé le mythe d’une concurrence terrible pour les petites entreprises, que seul un recours à la branche permet de tempérer. Ces grands enfants que sont les petits entrepreneurs auraient besoin d’une sorte de maman protectrice appelée la branche professionnelle pour éviter les désastres du capitalisme.
Qu’est-ce qu’une branche?
Cette opinion est largement répandue et colportée par les organisations syndicales qui laissent croire que la branche est un garde-fou au service des petits contre les gros. Bien entendu, personne n’a le souci de vérifier la véracité de cette affirmation qui défie l’entendement.
Qu’est-ce qu’une branche, en effet, et qui y siège? Du côté des salariés, le partage est assez simple: sont représentatives dans les branches les organisations qui représentent plus de 8% des salariés aux élections professionnelles dans les entreprises. Du côté patronal, en revanche, dans l’attente de la réforme en cours, la branche reste un maquis où négocient et signent des organisations qui ne représentent qu’elles-mêmes.
Dans le cas de la boulangerie, la Confédération, qui refuse de publier ses comptes, ne grouperait que 10% des entreprises du secteur. C’est bien peu pour imposer des normes contraignantes à toute une profession.
Branche et corporation
Les branches sont en réalité une espèce de bureaucratie où siègent physiquement des gens que personne ne connaît, et qui sont désignés selon des modalités très floues et très changeantes. Leur fonction est d’administrer la vie d’une profession à la manière des corporations d’Ancien Régime (ou du régime de Vichy, c’est selon). Pour se financer, les branches mettent en place des tas de bastringues qui deviennent autant de facteurs de blocage et de frein dans la « démocratie sociale » auto-proclamée.
La boulangerie, exemple de « démocratie sociale »
De tous ces maux et vices, la branche de la boulangerie offre la plus pure des quintessences.
Pour se financer, les partenaires sociaux de la boulangerie ont en effet, en 2006, désigné AG2R comme assureur santé et prévoyance unique de la branche. Les partenaires sociaux sont commissionnés sur le contrat, comme le démontrent les comptes de la Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB).
Ces choix ont été imposés aux petits artisans de la branche au mépris total des principes démocratiques. Il faut suivre le combat du boulanger Beaudout pour le comprendre:
La branche, où le triomphe du conflit d’intérêts
Derrière toute cette affaire, ce qui apparaît clairement, c’est la manie du conflit d’intérêt. Le président de la confédération de la boulangerie oublie de dire à ses adhérents qu’il est administrateur d’AG2R, à qui il offre sur un plateau d’argent un contrat de plus de 100.000 têtes. Lorsque les petits artisans posent des questions sur le pourquoi du comment, ils reçoivent des menaces et des fins de non-recevoir.
C’est beau, la démocratie sociale dans les branches.
Non, les branches ne protègent pas les petites entreprises
De l’affaire Beaudout, une seule leçon est à tirer: non, les branches ne protègent pas les petites entreprises. En réalité, les branches sont des instruments au service d’une bureaucratie pour imposer des règles qui favorisent arbitrairement certains, et pénalisent d’autres.
Et l’expérience montre que les règles, dans les branches, servent beaucoup plus à protéger les gros que les petits. La boulangerie en est la preuve.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog