A un mois de son départ du Secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie, Abdou Diouf livre quelques réflexions sur l’état de la démocratie en Afrique et dresse un premier bilan de son action à la tête de l’OIF. Des propos emprunts de sagesse, dans la droite ligne d’une vie placée sous le sceau du progrès et de la démocratie.
Alors que sa mission à la tête de la francophonie s’achève officiellement le 31 décembre prochain, Abdou Diouf, Premier ministre de l’illustre Léopold Sédar Senghor puis président du Sénégal jusqu’en 2000 souligne au détour d’une interview accordée au Monde que l’Afrique avance sur le chemin de la démocratie. Mal endémique, la modification pseudo démocratique de la Constitution pour cumuler les mandats ad vitam aeternam est une pratique dénoncée avec autorité par celui qui a quitté le pouvoir sans heurt après avoir perdu les élections face à Abdoulaye Wade.
Parti sur un bon bilan économique (croissance de 5 % en 2000), Abdou Diouf insiste sur le respect de la démocratie et voit la limitation à deux mandats comme la solution aux dérives enregistrées sur le continent africain. Le départ précipité de Blaise Compaoré du Burkina Faso en octobre dernier pourrait mettre en difficulté le discours d’un Diouf qui revendique toujours l’amitié de l’ancien président burkinabais. Abdou Diouf retient de Compaoré son engagement en faveur de la paix et de la stabilité de la région et la transition démocratique qui suit son cours depuis sa récente démission.
En tant que Secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf est très sensible à ces questions et met son expertise, ses réseaux et son énergie en faveur de la paix en Afrique. Les pays francophones ont des traits culturels communs et une même volonté politique qui se matérialise par la Déclaration de Bamako en 2000 qui associe de manière étroite francophonie et démocratie. Mais comme le soulignait déjà en 2013 le Secrétaire général de l’OIF, la force de cette Organisation est « d’être en mesure de proposer une expertise adaptée à chaque contexte particulier en tenant compte des réalités et spécificités historiques, culturelles et sociales de chaque pays ».
Si les conflits ne manquent pas et que de nombreuses régions francophones sont directement touchées par des groupes terroristo-mafieux, l’Afrique francophone peut être sûre de son fait. Les prochaines décennies ne se feront pas sans les pays africains et la vivacité de la langue française prendra son essor sur ce continent. Selon les projections 85 % des 715 millions de francophones seront Africains en 2050. L’OIF fait donc bien de s’intéresser avec sérieux à l’évolution de ce continent surtout que le volet économique n’est pas à minimiser.
Les pays francophones et francophiles représentent pas moins de 16 % du PIB mondial pour reprendre un rapport adressé par Jacques Attali à l’Elysée en août dernier. Les liens linguistiques et culturels sont des moteurs des échanges internationaux – ils contribuent à une augmentation de 65 % des échanges entre deux pays – et quand le poids de plus en plus important de l’Afrique dans l’économie francophone et mondiale est une révolution dont la France devra notamment cultiver les fruits.
Le prochain vote pour désigner le successeur d’Abdou Diouf marquera peut-être cette compréhension de l’avenir. Pour ce qui est du passé, il sera bientôt l’heure de dresser un bilan complet de l’action de Diouf à la tête de l’OIF, mais il ne fait guère de doute que la dernière décennie constituera un socle solide pour l’avenir de l’Organisation et pour la francophonie de manière générale.