« Jour de Colère » le 26 janvier : un mouvement né des réseaux sociaux peut-il mobiliser les foules ?

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Par Michel Olivier Modifié le 17 janvier 2014 à 13h07

Une « plateforme logistique » s’est constituée sur Facebook et sur internet en novembre 2013 pour appeler à une manifestation le 26 janvier à Paris sous l’intitulé « Jour de Colère ». Un collectif citoyen qui veut pointer et rassembler autour de  l’incompétence de François Hollande, au-delà des divergences politiques.

 

A la différence d’autres mouvements de protestation plus ou moins populistes, Jour De Colère est une initiative originale à la fois par sa sociologie et son mode opératoire.

Passant par-dessus les représentations instituées, des citoyens issus des classes responsables et laborieuses sonnent un signal d’alarme. Ils choisissent de le faire à rebours des mécanismes institutionnels, en s’adressant non pas aux décideurs politiques par la voie des partis, mais par un appel au peuple. En cela, le Jour de Colère n’est pas populiste mais profondément citoyen.

Il dit, en d’autres termes, ce que les sondages font dire aux français lorsqu’ils les interrogent : qu’il y a à peine 20 % des citoyens qui soutiennent encore la politique actuelle, et guère plus qui fassent confiance aux élus.

Le Jour de Colère, qui n’émane ni d’un parti ni d’un syndicat, se présente comme l’argument ultime du citoyen qui revendique d’être reconnu comme cette part minoritaire du « tout » qui constitue, en démocratie, la volonté générale. Il est une forme d’expression de la minorité qui réclame à la fois le respect de sa voix dans le pacte social, et de son désaccord avec les orientations majoritaires. En démocratie, la minorité la plus radicale, c’est le citoyen pris individuellement. Lorsqu’il agrège avec d’autres citoyens ses sujets de désaccord, cela donne le Jour de Colère.

 

Le Jour de Colère ne met pas en avant ses chefs mais ses thèmes : c’est sa deuxième originalité. 

Il expose des sujets d’insatisfaction variés : fiscale, bien sûr, mais aussi éducative, sécuritaire, économique, touchant au monde rural ou à celui de la santé, aux questions du chômage, de la famille ou de l’identité française. Face à un chef de l’Etat qui avoue avoir lui-même sous-estimé la crise, le Jour de Colère exprime la révolte du réel contre les technocrates. Ce qu’il suggère, c’est que les acteurs publics sont incapables de traiter des vrais sujets, de la vie et de ses difficultés. Alors que le microcosme politico-médiatique bruisse de sujets futiles, les Français ont conscience d’autres urgences. Ce décalage entre le discours et les actes publics, entre les programmes et les priorités, est ainsi perçu comme un découplage entre la réalité et sa traduction politique.

Les citoyens rassemblés par le Jour de Colère veulent donc imposer leurs thèmes politiques, économiques, sociaux, culturels, à leurs yeux trop longtemps négligés. Il serait dangereux de les conforter dans cette opinion en traitant cette impatience par le mépris, en refusant de considérer leur agenda politique au motif qu’il s’exprime dans la rue. Le débouché de ce mouvement est certes entre les mains de la classe politique, mais il risque bien de lui brûler les doigts.

 

La dernière, et non la moindre, caractéristique du Jour de Colère est qu’il s’adresse directement au Chef de l’Etat.

Aujourd’hui, celui qui symbolise tous les sujets de colère est le Président de la République, devenu lui-même un symbole à abattre. L’objet de la colère s’est transféré sur un individu, désigné comme une cible. 

Il s’installe donc une dialectique des symboles contraires : alors que pour les manifestants, c’est le Président qui concentre sur lui la critique, pour le gouvernement, c’est un humoriste polémique qui représente toutes les forces à combattre.

Or le rabais du Chef de l’Etat au rang de coupable à châtier n’est pas une simple dévalorisation de la fonction présidentielle. Il s’agit d’une réaction profonde du corps social, révélatrice d’un changement de paradigme politique : en cas de crise profonde, les citoyens réclament le droit de sanctionner le Président de la République comme des actionnaires qui réclament la tête d’un PDG défaillant.

 

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Diplômé de sociologie de l'Université de Mongton (Canada), Michel Olivier travaille sur les problèmes contemporains du travail. Il collabore au Laboratoire d'Innovation Sociale et au Réseau recherche-action. Il intervient en entreprise et auprès des collectivités sur des problématiques de régulation des conflits.

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