L'Europe a besoin de la Russie. Laisser cette dernière se lier davantage à la Chine qu'à sa grande voisine occidentale serait une erreur stratégique majeure. Cet enjeu doit nous pousser à mettre fin rapidement à la stupide querelle ukrainienne.
Le lancement de la construction d'un gazoduc géant pour livrer en Chine le gaz sibérien devrait nous inciter à réfléchir : la Chine a besoin, comme l'Europe, des immensités territoriales et des ressources en matières premières et en énergie que contrôle la Russie. Elle ne fera pas, comme l'Europe, la fine bouche face à ce géant géographique à la population clairsemée. Allons-nous la laisser devenir le partenaire privilégié de cet empire parce que son tsar actuel donne des boutons à nos roitelets européens ?
Certes, l'Ukraine est sympathique, et elle aurait davantage sa place dans l'Union européenne, à terme, qu'un pays comme la Turquie, mais ce n'est pas une raison pour en faire un sujet de discorde avec la Russie. Bien au contraire, l'Ukraine devrait constituer un trait d'union entre l'Europe occidentale, déjà unie à l'Europe centrale, et l'Europe orientale avec son prolongement sibérien. Nous devrions donc jouer la carte ukrainienne dans le cadre d'une stratégie de rapprochement avec la Russie.
Une telle stratégie serait meilleure pour l'Ukraine que son écartèlement douloureux entre l'Europe et la Russie. L'Europe a contribué au malheur actuel en soutenant les manifestants hostiles à la Russie et en les appâtant avec un projet d'association à l'Union européenne signifiant un relâchement des liens de l'Ukraine avec la Russie. Elle ferait bien de réparer ses erreurs en contribuant à une solution pacifique du problème indépendantiste, acceptable tant par Kiev que par Moscou.
Une large autonomie des provinces russophones, dont l'appareil industriel est encore très lié à celui du voisin oriental, devrait constituer un compromis acceptable pour les deux parties. Si l'Europe conditionnait son aide à la mise en place d'une solution de ce genre, de grandes souffrances pourraient être évitées, et l'indispensable alliance de tous les peuples épris de liberté face aux menaces de totalitarisme islamique et d'impérialisme chinois pourrait se réaliser.
"Penser global pour agir local" reste une bonne règle de conduite. Actuellement, dans l'affaire ukrainienne, l'Europe pense local et commet une énorme erreur globale. Nous devons rattacher la Russie et l'Ukraine au camp de la liberté. Il est grand temps de mettre fin à une guerre économique ridicule, qui fait du mal à des peuples faits pour s'entendre, et de mettre toute notre énergie à trouver une voie de coexistence pacifique, en espérant "et plus si affinités"
Article initialement publié dans Les Echos et reproduit ici avec l'aimable autorisation de son auteur.