Nauru : quand un État vend sa nationalité pour sauver sa population

Nauru, île minuscule du Pacifique, est confrontée à un dilemme existentiel : disparaître sous les eaux ou déplacer ses habitants. Son gouvernement a opté pour une solution radicale : vendre sa nationalité à prix d’or. Un passeport à 100 000 euros pour garantir un avenir ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 27 février 2025 à 6h59
Si le projet fonctionne, Nauru pourrait obtenir des fonds pour déplacer sa population vers des zones plus sûres.
Si le projet fonctionne, Nauru pourrait obtenir des fonds pour déplacer sa population vers des zones plus sûres. - © Economie Matin
154,2 MILLIONS $Le PIB de Nauru était de 154,2 millions de dollars en 2023.

Le 26 février 2025, l’île-État de Nauru a officiellement lancé un programme inédit mais pas nouveau) de vente de sa nationalité. Confrontée à la montée des eaux et aux conséquences dramatiques du réchauffement climatique, cette nation insulaire cherche à financer l’évacuation progressive de sa population. Pour cela, elle propose aux étrangers un passeport doré pour la somme de 105 000 dollars (environ 100 000 euros), leur offrant un accès sans visa à près de 90 pays.

Nauru : une île vouée à disparaître ?

Avec une superficie de seulement 21 kilomètres carrés, Nauru fait partie des États insulaires les plus menacés par le réchauffement climatique. Selon les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la montée des eaux pourrait rendre inhabitable cette île ainsi que d’autres États voisins comme les Maldives, Tuvalu, Kiribati et les îles Marshall d’ici 2100.

Tableau comparatif des programmes de citoyenneté vendus par différents pays insulaires

Pays Prix du passeport Accès sans visa Risques et controverses
Nauru 105 000 dollars 90 pays Risque de dérives criminelles, problème de relocalisation
Vanuatu 130 000 dollars 100 pays Soupçons de blanchiment d’argent
Malte 750 000 euros UE et 184 pays Critiques sur l’accès à l’espace Schengen
Samoa 120 000 dollars 85 pays Programme peu attractif pour les investisseurs

Autrefois prospère grâce à ses gisements de phosphate, Nauru a connu une dégradation environnementale majeure. Aujourd’hui, 80 % du territoire est devenu inhabitable, conséquence d’une exploitation minière excessive. La population, estimée à 13 000 habitants, est désormais confrontée à une double menace, rappelle The Guardian : l’érosion côtière et l’épuisement des ressources.

Un passeport à 100 000 euros pour financer le déplacement des habitants

Face à l’urgence, le gouvernement de Nauru a choisi une méthode controversée pour financer le déménagement de sa population : vendre sa nationalité aux plus offrants. Le programme de citoyenneté pour la résilience économique et climatique, lancé en novembre 2024, vise à générer 5,7 millions de dollars dès la première année, avec un objectif de 43 millions de dollars à terme.

Ce passeport offre :

  • Un accès sans visa à 90 pays, dont le Royaume-Uni, l’Irlande et les Émirats arabes unis.
  • Une opportunité d’investissement sur un territoire en reconstruction.
  • Une alternative aux autres programmes de citoyenneté vendus par des pays comme le Vanuatu, les îles Samoa et Tonga.

Les risques d’un passeport vendu au plus offrant

Un précédent inquiétant : le scandale de 2003

Nauru n’en est pas à son premier essai en matière de vente de nationalité. En 2003, une tentative similaire avait conduit à un scandale retentissant : des passeports avaient été accordés à des membres d’Al-Qaïda, entraînant une crise diplomatique majeure. Aujourd’hui, le gouvernement assure avoir mis en place des contrôles stricts, promettant que seuls des investisseurs fiables pourront bénéficier de la citoyenneté nauruane.

Si le projet fonctionne, Nauru pourrait obtenir des fonds pour déplacer sa population vers des zones plus sûres. Mais la question demeure : où aller ? Avec des terres exploitables réduites et peu d’options de relocalisation, la viabilité de ce programme est incertaine.

Le programme de citoyenneté de Nauru illustre un dilemme brutal : comment survivre dans un monde où le climat condamne des nations entières ? Si l’initiative peut sembler désespérée, elle reflète la réalité des États insulaires en première ligne face au réchauffement climatique. Reste à savoir si la vente de passeports sera suffisante pour sauver cette petite nation du Pacifique.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Aucun commentaire à «Nauru : quand un État vend sa nationalité pour sauver sa population»

Laisser un commentaire

* Champs requis