Napster renaît de ses cendres et tente l’expérience Multivers

Le 25 mars 2025, le nom « Napster » a ressurgi dans l’actualité mondiale. Et ça ne doit rien au hasard : la plateforme emblématique du partage musical illégal, jadis honnie par l’industrie du disque, vient d’être rachetée pour 207 millions de dollars (environ 191 millions d’euros) par Infinite Reality, une licorne du métavers. Derrière cette acquisition, c’est tout un pan de l’histoire d’internet qui revient hanter les serveurs de l’économie numérique.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 26 mars 2025 à 7h00
Napster renaît de ses cendres et tente l’expérience Multivers
Napster renaît de ses cendres et tente l’expérience Multivers - © Economie Matin
54%54% des Français ont au moins un abonnement à un service de streaming.

Napster : du chaos du piratage MP3 au culte numérique

Avant de devenir une plateforme de streaming secondaire dans un marché dominé par Spotify et Apple Music, Napster fut la mèche qui fit exploser l’industrie musicale. En 1999, deux étudiants – Shawn Fanning et Sean Parker – libèrent les MP3 sur la toile via un protocole pair-à-pair. Résultat : une génération entière découvre l’anarchie sonore, télécharge à tout-va, et ignore superbement les majors.

Cette désinvolture juridique conduit à un feu nourri de procès. En 2000, Metallica dégaine la première plainte. En 2001, Napster s'effondre, miné par les décisions judiciaires et des frais d’exploitation vertigineux. Et pourtant, impossible de tuer le spectre du téléchargement sauvage. Le nom subsiste. Rhapsody le récupère, le rhabille légalement, puis le rebaptise Napster, en 2011. Depuis, la plateforme végète dans l’ombre. Jusqu’à ce mois de mars 2025.

Le rachat de Napster : un pari à 207 millions d’euros sur une nostalgie monétisable

« La longévité de la marque Napster témoigne de sa résilience. » La phrase d’Amish Shah, Chief Business Officer d’Infinite Reality relayé par Ars Technica, sonne comme une profession de foi. Car il faut y croire, pour injecter près de 191 millions d’euros dans un dinosaure numérique.

Derrière cette opération, Infinite Reality : une société américaine spécialisée dans la réalité étendue (XR), l’intelligence artificielle appliquée et les services immersifs. Valorisation actuelle ? 12,25 milliards de dollars, après une levée de 3 milliards en janvier. Ses ambitions ? Rien de moins que fusionner e-commerce, musique et métavers.

Dans un communiqué officiel du 25 mars publié sur le site d’Infinite Reality, John Acunto, cofondateur et PDG, annonce : « Je crois fermement que la relation entre les artistes et les fans évolue, les fans recherchant un accès hyper-personnalisé et intime à leurs artistes préférés […]. Nous créons la plateforme musicale ultime où les artistes pourront prospérer dans la prochaine vague de disruption numérique. »

L'idée : un Napster version 3.0, fondé sur l’expérience immersive, avec avatars 3D, concerts virtuels et boutiques intégrées. Objectif : faire de la musique non plus un contenu à consommer, mais un univers à explorer.

Napster veut changer la monétisation de la musique

Ce « nouveau Napster » promet d'offrir aux artistes des outils de monétisation directe :

  • création d’espaces virtuels 3D personnalisés pour événements live ou rencontres fans,
  • vente de contenus exclusifs, produits physiques et numériques,
  • recours à des agents conversationnels IA pour le service client ou l’animation de communauté,
  • exploitation poussée des données comportementales via des tableaux de bord analytiques.

Jon Vlassopulos, actuel PDG de Napster, reste à la barre. Son expérience chez Roblox – où il a orchestré des concerts virtuels géants – en fait l’homme-clé du chantier. Il explique dans AP News : « Internet est passé de l’ordinateur de bureau au mobile, puis du mobile au social, et maintenant nous entrons dans l’ère immersive. Pourtant, le streaming musical est resté en grande partie identique. Il est temps de réimaginer ce qui est possible. »

Toutefois, Napster n’est plus qu’un acteur mineur du streaming, avec un abonnement à 11 dollars par mois et un catalogue certes large (110 millions de titres), mais sans visibilité face aux mastodontes du secteur. Jon Vlassopulos veut croire à un nouvel âge d’or : « Imaginez entrer dans un lieu virtuel pour assister à un concert exclusif entre amis, discuter avec votre artiste préféré dans son propre espace virtuel pendant qu’il dévoile son nouveau single, et pouvoir acheter directement ses produits dérivés numériques et physiques exclusifs. […] Ce n’est pas seulement un nouveau chapitre pour Napster, c’est le début d’une expérience musicale plus interactive et sociale pour la prochaine ère d’internet.  »

Quand la nostalgie devient monnaie

Ce rachat, au-delà de sa dimension stratégique, interroge l’économie actuelle des marques disparues : Napster est-il encore une plateforme ou n’est-il plus qu’un label affectif, monnayé pour sa puissance mémorielle ? Le marché semble répondre : les deux.

Au fond, Napster n’a jamais cessé d’exister : il a muté, changé de peau, d’ambition, de propriétaire. Aujourd’hui, il entre dans l’ère du marketing immersif, comme une relique remixée pour la génération Z.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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