Mutuelles : vous devrez attendre trois ans pour changer de lunettes

Les mutuelles envisagent une réforme sensible de leur politique de remboursement, notamment pour les lunettes et les audioprothèses. Ce projet, présenté comme une mesure de maîtrise des dépenses de santé, soulève déjà de nombreuses interrogations.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 14 avril 2025 9h18
mutuelles-attendre-trois-ans-changer-lunettes
mutuelles-attendre-trois-ans-changer-lunettes - © Economie Matin
20 %Entre 2019 et 2023, les dépenses de santé ont bondi de 20 %.

Le 11 avril 2025, Éric Chenut, président de la Mutualité Française, a annoncé dans un entretien aux "Echos" vouloir revoir en profondeur le système de remboursement (mutuelles) de certaines prestations, dont les lunettes et les audioprothèses. Cette initiative, qui survient dans un contexte de déficit abyssal de l’Assurance Maladie, estimé à 15 milliards d’euros pour 2025, vise à contenir une inflation des dépenses de santé devenue, selon ses promoteurs, insoutenable pour les mutuelles.

Vers un renouvellement plus espacé des lunettes : la nouvelle stratégie des mutuelles

Le cœur de la réforme repose sur une mesure phare : allonger le délai de remboursement pour les lunettes de deux à trois ans. Actuellement, les assurés peuvent bénéficier d’une nouvelle paire tous les 24 mois. Si la vue évolue lentement, tant pis : il faudra attendre.

Ce resserrement toucherait également les audioprothèses, avec un remboursement tous les cinq ans au lieu de quatre. Cette mesure, bien que technique, pourrait avoir un effet immédiat sur les budgets des familles, notamment celles ayant des enfants ou des personnes âgées à charge.

Éric Chenut n’a pas mâché ses mots : « On est dans une pseudo-gratuité où les gens ne se rendent plus compte de combien cela coûte ». Le message est clair : pour que le système survive, il faut que chacun en voie le prix.

Pourquoi les mutuelles veulent réduire la voilure : une équation économique intenable

Les mutuelles sont prises en étau entre la hausse continue des dépenses et l’explosion des attentes. Entre 2019 et 2023, les dépenses de santé ont bondi de 20 %, passant de 11,2 % à 11,5 % du PIB, selon les derniers chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).

Résultat : les mutuelles, comme la Mutualité Française, cherchent des solutions pour éviter l’asphyxie. Leur réponse ? Réduire la prise en charge de certains dispositifs, tout en concentrant les garanties sur un « socle de soins essentiels ». Un recentrage que certains qualifient déjà de recul social.

Mais cette stratégie cache aussi une promesse : réduire les cotisations jusqu’à 25 %, selon les estimations de la Mutualité elle-même.

Contrat responsable : quand la solidarité devient une variable d’ajustement

L'autre cible dans le viseur des mutuelles : le « contrat responsable et solidaire », ce contrat-type fiscalement avantageux qui impose un certain niveau de remboursement. Désormais, la Mutualité souhaiterait qu’il ne couvre plus que l’essentiel : finis les 100 euros pour des montures de lunettes, place à un plafond de 30 euros.

Le mouvement est soutenu par les assureurs privés, qui pèsent près d’un tiers du marché, et qui, selon 20 Minutes, devraient s’associer à la Mutualité Française pour soumettre une proposition commune à l’exécutif « dans les prochains jours ».

Mais cette convergence entre mutualistes et assureurs n’est pas sans soulever une question dérangeante : où s’arrête la solidarité, et où commence la logique assurantielle ?

Des conséquences concrètes pour les Français : opticiens, assurés, jeunes, retraités...

Les effets collatéraux de cette réforme pourraient être nombreux. Pour les opticiens, c’est déjà l’heure des comptes : « Une baisse de 30 % de mes ventes », anticipe Mickael Zbili, opticien à Paris (France Info, 12 avril 2025). Un chiffre d’affaires amputé qui menace directement l’emploi dans le secteur.

Pour les assurés, le choc pourrait être encore plus frontal. Une trentenaire myope confiait à France 2 : « J'ai la vue qui baisse tous les un an et demi. Pas énormément, mais elle baisse. » (France Info, 12 avril 2025). Et avec un remboursement tous les trois ans, ce type de profil n’aurait plus le choix : soit payer de sa poche, soit continuer à voir flou.

Ces annonces interviennent dans un moment charnière, alors que le gouvernement cherche à freiner la spirale déficitaire de la Sécurité sociale. Si la réforme des remboursements est actée, elle pourrait redéfinir en profondeur le rôle des mutuelles dans le système de santé français.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

No comment on «Mutuelles : vous devrez attendre trois ans pour changer de lunettes»

Leave a comment

* Required fields