Dette : Mur de refinancement en Europe, réalité ou utopie ?

Face à la fin du quantitative easing en Europe et la hausse des taux d’intérêt, la perspective d’un « mur de refinancement » pour de nombreuses entreprises semblait inévitable. Cependant, grâce à des liquidités accumulées et une gestion proactive, ce mur se révèle moins infranchissable qu’anticipé, redirigeant ainsi le marché du crédit vers une analyse plus fine et technique des structures financières des entreprises.

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Par Adil Amor Modifié le 19 juillet 2024 à 5h38
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3%Le taux d'intérêt des OAT à 10 ans à dépassé les 3%.

La fin du quantitative easing en Europe et le retrait de la Banque Centrale Européenne du marché obligataire européen a constitué un catalyseur fort de la hausse des taux depuis plus de deux années. Le spectre inflationniste qui conditionne l’évolution des taux ainsi que la dynamique de croissance, a sans nul doute, marqué un tournant dans les capacités de financement et de refinancement des entreprises en Europe. En effet, certaines d’entre elles ont dû faire face à un changement drastique dans la gestion de leur portefeuille de financement, puisque l’environnement de marché est passé d’une ère où les taux sans risque étaient nuls vers un monde où l’OAT 10 ans dépasse les 3%.

Dès le début de quatrième trimestre 2023, de nombreux opérateurs de marché ont intégré un scénario où bon nombre d’entreprises du segment « Haut Rendement » notamment, allaient connaitre un mur de refinancement, c’est-à-dire une situation où une tombée de dette ne pourrait pas être reconduite par les marchés. Le chiffre évoqué dépassait la soixantaine de milliards de tombées. Force est de constater que les refinancements se réalisent dans la majorité des cas de façon satisfaisante, du fait notamment d’un « trésor de guerre » de liquidités constitué pendant la période du Covid et des résultats opérationnels qui demeurent correctement orientés.

Dans un nouveau paradigme de marché où le coût de l’argent a augmenté, les refinancements deviennent moins aisés qu’il y a quelques années. Néanmoins , il est à noter que la répartition des refinancements sur les cinq prochaines années, ne présente pas une structure différente de celle qui existait dans le passé, le facteur clé qui a été intégré par un certain nombre d’acteurs du marché, repose sur la capacité ou non de ces entreprises à trouver des pourvoyeurs de fonds capables de les refinancer. Nous revenons ainsi à la notion fondamentale de l’offre et la demande sur le marché du crédit. Un point nouveau à intégrer dans la physionomie actuelle concerne l’entrée des acteurs du non côté. Ces derniers viennent ainsi refinancer des entreprises au travers de documentations spécifiques, il s’agit donc d’un flux entrant positif qui réduit mécaniquement la pression de refinancement. Les deux points centraux sur lesquels l’attention est focalisée concernent la génération de résultat par les entreprises d’une part et la structure du bilancielle d’autre part. Les entreprises présentant des déséquilibres bilanciels significatifs, c’est-à-dire un niveau de fonds propre trop faible comparativement à la dette bilancielle, auront mécaniquement plus de mal à placer leur dette, chose qui était plus aisée durant la période de taux bas. Les dossiers de restructuration français des derniers trimestres sont clairement dans ce cas de figure puisque l’exploitation en tant que telle générait du résultat mais la dette embarquée dans les bilans était colossale. En synthèse, il y a effectivement quelques sujets idiosyncratiques identifiés mais cela ne reflète pas la physionomie globale du marché. Notons également que beaucoup d’entreprises prennent les devants aujourd’hui pour négocier avec leurs créanciers, non pas pour des raisons opérationnelles liées à leur activité, mais plutôt pour alléger leur structure de capital, ceci afin d’éviter toute situation de défaut. Cela aboutit en général à des opérations dites d’extension où la dette est en partie ou en totalité reconduite avec un package de sureté différent, une rémunération différente et une échéance plus longue.

Le marché du crédit revient donc à ses fondamentaux, avec un coût du capital qui a augmenté. Il est indispensable d’être encore plus fin qu’auparavant dans l’analyse des profils opérationnels des entreprises et dans l’appréciation de leur structure de capital. La vue macroéconomique est essentielle pour anticiper les évolutions moyennes mais l’étude fine et très spécifique de chaque situation est encore plus fondamentale.

Cette classe d’actifs a donc retrouvé son essence avec une hausse des rendements et de la dispersion en lien avec les particularités de chaque société. Malgré des marges de crédit qui sont dans le bas de fourchette, il y a beaucoup de variabilité entre les secteurs et à l’intérieur de chaque secteur, c’est cette variabilité qui recèle le plus de valeur au côté d’une potentielle prime de complexité qui vient accroitre la rémunération qui peut être exigée.

En somme, le mur de refinancement semble sous contrôle grâce aux flux et à la résilience de bon nombre d’entreprises, néanmoins le marché requiert plus d’analyse, de technicité tout en offrant du rendement et un potentiel d’appréciation au fil du temps, en fonction de l’adhésion du consensus à la situation de chaque entreprise.

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directeur général de Schelcher Prince Gestion

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