Motion de censure : retour sur l’unique renversement d’un gouvernement

Le 4 octobre 1962, une page historique s’écrivait dans l’hémicycle français. Le gouvernement de Georges Pompidou, sous la présidence de Charles de Gaulle, devenait la seule victime d’une motion de censure adoptée sous la Ve République. Cet événement, qui reste unique dans l’histoire politique française, s’inscrivait dans un contexte marqué par des tensions institutionnelles et politiques majeures.

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Par Nicolas Egon Publié le 3 décembre 2024 à 15h34
Motion de censure : retour sur l’unique renversement d’un gouvernement
Motion de censure : retour sur l’unique renversement d’un gouvernement - © Economie Matin

Une réforme constitutionnelle contestée

En septembre 1962, Charles de Gaulle propose une réforme d’envergure : l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Jusque-là, ce rôle était confié à un collège électoral composé de parlementaires et de grands électeurs. L’annonce de cette réforme via référendum, sans passer par le Parlement conformément à l’article 89 de la Constitution, provoque une levée de boucliers au sein des assemblées.

Les parlementaires, furieux de ce qu’ils perçoivent comme un contournement des institutions, réagissent vivement. Les partis d’opposition, réunissant la gauche et une partie des centristes, décident de riposter par une motion de censure, déposée le 4 octobre 1962.

Le déroulement des événements

La motion de censure est adoptée le lendemain, à une majorité de 280 voix contre 480. Ce vote marque la chute officielle du gouvernement dirigé par Georges Pompidou, en poste depuis 1959. Toutefois, cette victoire parlementaire est de courte durée. En réponse, Charles de Gaulle dissout l’Assemblée nationale, conformément à ses pouvoirs présidentiels.

Dans les semaines qui suivent, les élections législatives anticipées donnent raison au chef de l’État. Les gaullistes remportent une large majorité, avec plus de 40 % des voix, confirmant leur domination politique. En parallèle, le référendum sur l’élection présidentielle au suffrage universel direct obtient un soutien massif, avec 62,2 % de votes favorables.

Une crise maîtrisée par de Gaulle

Le succès de la motion de censure ne conduit pas à un véritable renversement du pouvoir exécutif. Bien que Georges Pompidou présente sa démission, Charles de Gaulle le maintient à son poste après les élections, illustrant sa maîtrise de la situation politique. Cet épisode consolide paradoxalement l’autorité présidentielle, mettant en lumière la fragilité des institutions parlementaires face à un exécutif renforcé. Cette manœuvre politique souligne l’habileté stratégique de Charles de Gaulle, qui transforme une crise potentielle en une opportunité de renforcer sa légitimité et celle de son gouvernement. Georges Pompidou, quant à lui, reste Premier ministre jusqu’en 1968, devenant un acteur clé de la consolidation du gaullisme.

Plus de soixante ans après, cet épisode résonne avec les crises politiques actuelles. En décembre 2024, le gouvernement de Michel Barnier se retrouve lui aussi sous la menace d’une motion de censure. Les parallèles sont nombreux : tensions entre l’exécutif et le Parlement, contexte de réformes contestées, et montée des oppositions. Si Barnier venait à tomber, il serait le premier Premier ministre censuré depuis Georges Pompidou. Cependant, les enjeux d’aujourd’hui diffèrent sensiblement. Alors que la motion de 1962 reflétait une contestation institutionnelle autour de la révision constitutionnelle, les motions actuelles s’inscrivent davantage dans des débats budgétaires et sociaux, notamment sur la réforme des retraites et le financement de la Sécurité sociale.

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