Comment réduire de 45% les émissions dans le secteur de la mode ?

En 2015, l’Accord de Paris sur le climat a fixé des objectifs aussi ambitieux qu’essentiels, afin de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C, avec une réduction des émissions de 45% d’ici à 2030, en vue d’atteindre l’objectif Net Zéro d’ici 2050. Étant donné que 20 % des émissions de carbone sont issues des biens de consommation et de leurs chaînes d’approvisionnement, l’industrie de la mode et de l’habillement doit être visionnaire et se fixer des objectifs ambitieux, tout en relevant les défis des gaz à effet de serre (GES) auxquels elle est actuellement confrontée.

James Schaffer Chief Strategy Officer
Par James Schaffer Publié le 14 août 2023 à 10h30
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Comment réduire de 45% les émissions dans le secteur de la mode ? - © Economie Matin
96%96% de l'empreinte d'une marque de mode est issue de sa chaîne d'approvisionnement

Cette évolution rapide et en temps réel, dans un contexte de prise de conscience croissante de l’urgence climatique, change la donne pour le secteur. Les marques et les fabricants doivent en effet apporter des « preuves » de leurs efforts ou justifier des progrès accomplis au regard de leurs objectifs. Ils doivent pour cela s’appuyer sur des données et des informations exploitables, tout en se conformant à une règlementation environnementale exponentielle.

 Malgré des années passées à développer des programmes de collaboration et de gestion des ressources, le curseur n'a pas vraiment bougé. Selon les dernières mises à jour du rapport "Roadmap to net zero" du World Resources Institute (WRI), il semble même que nous approchions du seuil de 1,5 degré plusieurs années avant les prévisions. Dans ce contexte, les consommateurs attendent des marques qu’elles prennent leurs responsabilités en analysant leurs propres émissions et en identifiant des leviers d’amélioration. Ce phénomène est un catalyseur essentiel face à la crise climatique, tant en termes de réduction de l'impact, que de conformité et de communication. En effet, tout porte à croire que la pression du marché et de la réglementation continuera de pousser le secteur vers plus de transparence et de fiabilité. Partout dans le monde, les entreprises doivent se préparer à des évolutions réglementations plus exigeantes, telles que la loi américaine sur la publication des données climatiques (SEC Climate Disclosure Act), la législation en cours en Californie et à New York, et la directive CSRD de l'UE sur les rapports de durabilité des entreprises.

 Cependant, afin de mesurer les progrès à accomplir pour réduire leurs émissions, les entreprises ont besoin d’avoir une idée précise de leur impact actuel avec des outils de mesure dédiés. Or, l'industrie de la mode et de l'habillement souffre aujourd'hui d'un énorme manque de données. La première étape vers des pratiques plus vertueuses pour lutter contre le changement climatique consiste donc à être en mesure de recueillir ces informations. La collecte de données primaires de haute qualité de niveaux 1 à 3 et plus, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, fréquemment et à grande échelle, est essentielle pour permettre aux entreprises de prendre des décisions en temps réel. Cela leur permet également de définir leur référentiel, de mesurer et de rendre compte des progrès accomplis en vue des objectifs de 2030 et au-delà. Elles disposeront ainsi d’une vision claire des marges de manœuvre possibles, d'une année à l'autre, afin de répondre aux attentes de leurs différentes parties prenantes.

Par ailleurs, selon le WRI, 96% de l'empreinte d'une marque de mode est issue de sa chaîne d'approvisionnement, et un rapport de McKinsey a révélé que plus de 70% des émissions de GES de l'industrie de la mode proviennent d'activités en amont, telles que la production, la préparation et la transformation de matières premières à forte consommation d'énergie. Bien que ces émissions de type 3 représentent la grande majorité de celle des marques et des détaillants, les entreprises utilisent généralement un mélange de données primaires et secondaires pour calculer leur empreinte GES. Pour pouvoir agir et contribuer à transformer le secteur à grande échelle, il est donc urgent de se concentrer sur les domaines à fort impact, à tous les niveaux de la chaîne de valeur, tels que les émissions de carbone, la gestion de l'eau, des déchets, d'énergie et les droits de l'homme.

Pour aller plus loin, des investissements importants dans la chaîne d'approvisionnement sont et seront nécessaires pour réduire les émissions. Les entreprises pourront, par exemple, passer aux énergies renouvelables, remplacer les anciens équipements par des systèmes plus efficaces ou encore adopter une approche de design circulaire, dès la conception, en prenant en compte dès le départ la fin de vie, la réutilisation et le recyclage des produits. Pour y parvenir, des données plus exhaustives, fiables et exploitables sont nécessaires afin d'identifier clairement les axes d'amélioration et de motiver les décisions d'investissement. Par extension, les marchés financiers récompenseront les entreprises qui réduiront les risques liés à leurs chaînes d'approvisionnement, de même que les employés choisiront de travailler dans des entreprises qui placent le sens et l’engagement au cœur de leurs valeurs.

 Au-delà des exigences réglementaires et de conformité, les marques et les fabricants doivent travailler ensemble pour atteindre ces objectifs de réduction des émissions. Ils peuvent inciter mutuellement leurs partenaires commerciaux à mettre en œuvre des stratégies de réduction des GES et optimiser l'accès et le partage des données, afin de promouvoir la transparence interentreprises et l'établissement de rapports précis. Dans cette optique, les marques qui demandent à leurs fabricants de partager leurs données avec elles devraient en faire de même en retour, afin de favoriser une plus grande confiance et une plus grande transparence dans le secteur. Aujourd'hui, 90% des émissions carbone pourraient être réduites grâce à des améliorations qui nécessiteraient des investissements à 7 ou 8 chiffres. On ne peut attendre des fabricants qu'ils assument à eux seuls l'entière responsabilité de ces transformations.

La transparence est un levier essentiel pour relever les défis du changement climatique auxquels l'industrie de la mode et de l'habillement est confrontée. Seule une vision holistique des données, prenant en compte l’ensemble de la chaîne de valeur d'un produit, procurera aux entreprises les informations nécessaires à la définition de priorités et à la prise de décision, afin de réduire leur impact environnement à grande échelle. Un aspect essentiel de ce processus consiste à inciter davantage de structures à fournir leurs données afin de les rendre plus précises, plus accessibles et plus exploitables. En développant cette démarche de collecte et de partage, y compris pour les données de niveau 3, les entreprises seront mieux préparées à répondre aux attentes des clients et des investisseurs, et à faire face à la myriade de législations qui se profilent. Finalement, à mesure que la science et la technologie évolueront et que les systèmes deviendront plus sophistiqués, les données seront encore plus nuancées, granulaires et exploitables.

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James Schaffer Chief Strategy Officer

Chief Strategy Officer chez Worldly

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