Mobilité durable : les collectivités face au défi de l’accélération

Malgré des discours ambitieux, et l’urgence climatique, la part de la mobilité durable n’a que peu progressé ces dernières années. Pourtant, de récents travaux montrent qu’en combinant différentes approches, il est possible de doubler cette part dans les zones urbaines d’ici 2040.

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Par Arsène Ruhlmann Publié le 27 février 2025 à 5h30
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32%En France, les transports représentent 32 % des émissions de CO2

+3°C en 2100 ? L’urgence de repenser nos mobilités

Les prévisions climatiques actuelles annoncent un réchauffement bien supérieur au seuil d’augmentation des températures inscrit dans les objectifs de la COP 21 (inférieur à 2°C et même de « tendre vers 1,5° »). Cette situation entraînera hélas une multiplication des événements météorologiques extrêmes, impactant directement les villes. Dès 2030, ces phénomènes deviendront la norme, les obligeant à une adaptation drastique. Parallèlement, l’utilisation de la voiture individuelle reste dominante dans les déplacements urbains, générant des problèmes de congestion, de sécurité ainsi que d’émissions de CO2. En France, les transports représentent 32 % des émissions de CO2 et sont le seul segment où les émissions continuent d’augmenter depuis 1990 (année de référence du Protocole de Kyoto). L’urgence est claire : il est impératif d’agir vite pour réduire cet impact !

Des résultats réels mais une vitesse du changement trop faible

Depuis 30 ans, diverses mesures de décarbonation axées sur les solutions technologiques ont été mises en œuvre avec succès : amélioration de l’efficience des moteurs, conversion à l’électrique…. Cependant, au rythme actuel de renouvellement du parc automobile (1,5 à 2 millions de véhicules neufs par an), une transformation complète prendrait plus de 20 ans. Or, la voiture qui reste prépondérante avec plus de 80 % des déplacements, génère en outre d’autres externalités négatives (congestion, accidents, pollution) auxquelles la seule électrification n’arrive pas à répondre.

La solution ne peut donc se limiter à la technologie. L’électrification des véhicules doit être complétée par des mesures incitatives visant à réduire la demande de transport (nombre de km parcourus par an) et encourager des modes de déplacements alternatifs. En ville, l’’enjeu est de rendre l’automobile moins compétitive ; c’est là où elle est plus aisément substituable. Parmi les leviers à explorer, la réduction de la vitesse, la tarification de l’infrastructure (péages), combinés à une amélioration parallèle de la compétitivité des transports en commun (améliorer la vitesse commerciale, baisser les temps d’attente moyens etc.) Certaines mesures peuvent avoir des effets rapides : l’exemple des JO de Paris 2024 montre que la communication dissuasive peut entraîner une réduction significative du trafic urbain. Le trafic a ainsi chuté de -5 % en passagers-km en juin-juillet 2024 par rapport à la même période de l’an dernier et même de -20 % dans Paris centre durant la Cérémonie d’ouverture1.

Bâtir un avenir (de mobilité) durable est possible

Doubler la part de la mobilité durable d’ici 2040 est une ambition réaliste mais qui nécessite d’agir avec un bouquet de solutions : baisse de la compétitivité de la voitue (notamment en terme de temps), développement important des réseaux de transports en commun, articulation des modes actifs pour les distances courtes et en commun pour les plus longues, utilisation des technologies comme l’IA pour optimiser les flux ou encore la maintenance, etc. Il n’existe cependant aucune mesure miracle à même transformer à elle seule le paysage des mobilités : les décideurs sont contraints de naviguer dans la complexité et de jouer sur la combinaison de plusieurs solutions. La voiture restera en outre un mode de transport important, et il est très improbable qu’elle capte à terme en dessous de 50% des km parcourus. Il s’agit donc plutôt de recentrer son usage sur des cas pertinents (distances longues en zones peu denses) et bien sûr de poursuivre l’électrification des flottes.

Enfin, un changement profond des comportements ne sera possible que si l’offre de transports en commun est suffisamment développée. Il reste nécessaire plus que jamais d’investir pour l’avenir, dans des infrastructures modernes autour des grandes villes (Grand Paris Express, SERM, etc.) et améliorer les services existants (augmentation de l’usage des bus et train, fréquences étendues etc.).

La transition vers une mobilité durable est un défi de taille pour les collectivités, mais elle est possible, et bien entendu souhaitable. En adoptant une vision systémique à long-terme et des actions coordonnées, les décideurs peuvent accélérer cette transformation. D’autant que la demande est là : entre 42 % et 72 % des habitants des grandes villes du monde (selon les endroits) se disent prêts à abandonner leur voiture si des alternatives adéquates leur sont proposées.

Par Arsène Ruhlmann, Manager et expert mobilité chez Arthur D. Little

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Manager et expert mobilité chez Arthur D. Little

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