Monnaies numériques (MNBC) : le cash va-t’il disparaître ?

La Banque Centrale Européenne (BCE) est l’institution financière qui a le pouvoir de création monétaire pour l’euro papier, accompagnée par les banques nationales de la zone euro comme la Banque de France. Dans un souhait de contrer le pouvoir des monnaies scripturales créées par les banques (argent créé par les banques dans les comptes bancaires et servant au paiement par carte, virement et crédit), représentant environ 90% de la masse monétaire en circulation, la numérisation des paiements et le développement des crypto-monnaies, la BCE a lancé fin 2020 un plan de recherche sur la création d’un euro numérique.

Théo Corbonnois
Par Théo Corbonnois Publié le 12 septembre 2024 à 5h30
Certaines pensions de retraite vont augmenter de 700 euros en septembre prochain. Unsplash
Certaines pensions de retraite vont augmenter de 700 euros en septembre prochain. Unsplash - © Economie Matin
1400 MILLIARDS €Il y plus de 1400 milliards d'euros en billets en circulation dans la zone euro.

La Commission européenne s’est ensuite penchée sur la réglementation en février 2022 avec des propositions de lois. Une phase de test a débuté fin 2023, incluant les banques et les prestataires de paiement, et qui devrait durer deux à trois ans.

Surnommé la « cash numérique », l’euro numérique interroge sur son utilisation, sa place dans l’économie et notamment les conséquences sur le cash (en complément ou suppression totale ?) ou encore sur la gouvernance de celui-ci. Zoom sur les monnaies numériques de banque centrale (MNBC), dont l’intérêt est de digitaliser les monnaies fiduciaires comme l’euro ou le dollar.

Comment les MNBC seront-elles émises et distribuées ?

A l’heure actuelle, il y a très peu de MNBC déjà lancée et très peu d’informations circulent sur le fonctionnement technique de celle-ci. Le Nigeria et les Bahamas ont lancé récemment leur MNBC et la Chine est très avancée dans le développement de son yuan numérique mais nous avons peu d’informations à ce sujet, notamment sur la technologie utilisée. Il semblerait néanmoins que beaucoup de Banques Centrales s’appuient sur la technologie blockchain. Pour rappel, la blockchain est une base de données sécurisée et transparente qui permet de répertorier toutes les transactions de façon immuable. Elle permet les transactions de pair à pair, ce qui est pertinent dans le cadre d’un « cash numérique ».

En associant le terme blockchain et monnaie, on pourrait penser que les MNBC sont des crypto-monnaies. En effet, ces dernières utilisent bien la technologie blockchain et permettent des transactions financières, seulement les banques centrales n’ont aucun contrôle sur celles-ci, car elles fonctionnent sur des systèmes décentralisés. Ainsi, les MNBC apparaissent pour les banques centrales comme un moyen de reprendre le contrôle et d’offrir une alternative plus sécurisée et régulée. La principale différence va donc résider dans la gouvernance : les MNBC sont centralisés car émises et contrôlées par une institution financière, au contraire des crypto-monnaies.

Ensuite, pour l’émission et la distribution, il faut d’abord distinguer les MNBC de détails et les MNBC interbancaires. Les MNBC de détails seront utilisés pour les paiements entre particuliers, à l’instar des billets et pièces, tandis que les MNBC interbancaires seront utilisés par les banques commerciales et institutions financières, servant notamment pour des transactions d’actifs financiers. C’est dans le premier cas qu’on parle principalement « d’euro numérique » ou de « cash numérique » et offrant une alternative de moyen de paiement pour les particuliers. Chacun serait détenteur de son portefeuille numérique et pourrait payer n’importe où et n’importe quand, sans frais et avec des fonds garantis par la BCE et non par une banque privée. Le deuxième cas sera très intéressant pour les banques commerciales qui pourront améliorer leurs services et fonctionnement, notamment sur l’intégration des registres distribués et l’essor des actifs « tokenisés ». Elles ne vont donc pas directement émettre et distribuer ces monnaies, mais de nombreux cas d’usages seront pertinents dans le cadre de leurs activités et les banques commerciales ont alors tout intérêt à s’approprier cette nouvelle forme de monnaie.

Quels sont les défis et les risques associés à la mise en service des MNBC ?

Même si beaucoup de MNBC sont encore à l’état de phase de recherche et que la technologie utilisée n’est pas encore claire, leurs arrivées semblent inévitables. Elles permettent aux banques centrales de reprendre un peu plus de contrôle sur la masse monétaire qui circulent, notamment face aux banques commerciales, mais aussi sur les transactions financières des populations. Ces banques centrales promettent une rapidité des transactions et à moindre coût, facilitant les échanges commerciaux. Par ailleurs, la sécurité est également mise en avant, comme la lutte contre les fraudes et le blanchiment d’argent.

Cependant, beaucoup voient l’arrivée des MNBC comme un nouveau moyen pour les gouvernements de contrôler les transactions entre particuliers. Cela pourrait conduire à un non-respect des libertés individuelles et de la vie privée. C’est un enjeu primordial auquel les banques centrales vont devoir prêter attention.

Sur l’aspect technologique, plusieurs vigilances sont à prendre en compte. Dans un premier temps, l’inclusion technologique, puisque chacun n’a pas les mêmes facilités, notamment pour les populations plus âgées. De même, on peut se poser la question de l’intérêt de ces MNBC, à l’aire des virements instantanés ou paiement mobile. Beaucoup de solutions déjà existantes semblent répondre aux besoins actuels, notamment les crypto-monnaies en ce qui concerne les solutions de paiement entre particuliers sans intermédiaire. On peut également citer les « stablecoins », des crypto-monnaies adossées à des monnaies fiduciaires comme l’euro ou le dollar, qui permettent des transferts d’argent sans se soucier de la volatilité puisque suivant le cours de la monnaie adossée.

Conclusion

Si la suppression du cash semble infaisable, la création d’une MNBC européenne semble quant à elle plutôt probable (mais pas encore confirmée officiellement). L’enjeu est très important pour les banques centrales mais plusieurs points de vigilance ressortent sur la place et l’utilisation de ces monnaies numériques. De nombreuses informations sont attendues dans les prochains mois, notamment sur la régulation, en attendant la fin de la phase de préparation qui se terminera en 2026. Pour suivre l’évolution des différentes MNBC, et notamment l’euro numérique, vous pouvez trouver ici une cartographie mondiale sur l’état des projets des banques centrales sur ce sujet.

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Théo Corbonnois

Diplômé de la filière Ingénierie Mathématique et Data Science de Polytech Clermont, Théo a rejoint mc2i en septembre 2023. Aujourd'hui il occupe le poste de Consultant AMOA en Transformation Digitale au sein du cabinet. Il a pu auparavant travailler au sein d'organisations telles que Michelin.

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