Minerai : l’Union européenne rallume ses machines à creuser

Le 25 mars 2025, la Commission européenne a dévoilé sa liste de quarante-sept projets stratégiques miniers dans l’Union, relançant l’exploitation des minerais critiques au nom de la souveraineté économique. Cette manœuvre, inédite depuis des décennies, marque un tournant décisif dans la stratégie industrielle du continent. Alors que la Chine règne en maître sur la chaîne de valeur des matières premières, l’Europe tente une reconquête à coups de pelleteuses, de milliards et de procédures express.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 26 mars 2025 à 6h30
Extraction Minerai Metaux Industrie Yergin
Minerai : l’Union européenne rallume ses machines à creuser - © Economie Matin
10%L’objectif est de parvenir à 10 % de matières premières extraites dans l’UE

Bruxelles mise sur le minerai pour redorer son indépendance

Sous couvert de transition énergétique, l’Union européenne a mis en branle une stratégie offensive d’extraction interne. L’ambition ? Diminuer drastiquement la dépendance aux importations chinoises, jugée désormais insoutenable sur le plan industriel comme diplomatique. Comme l’a lancé le commissaire européen à l’Industrie Stéphane Séjourné, relayé par TF1 : « Le lithium chinois ne sera pas le gaz russe ».

À travers ce projet, Bruxelles entend exploiter 14 des 17 matières stratégiques identifiées dans la loi sur les matières premières critiques adoptée en mai 2024. Lithium, nickel, graphite, gallium ou encore manganèse : ces composants sont devenus vitaux pour les batteries, les semi-conducteurs et l'industrie de défense.

Sur les 170 candidatures reçues, 47 projets ont été retenus. Ils se répartissent dans treize États membres et concernent à la fois des mines (25), des unités de transformation (20) et des centres de recyclage (2). Le tout bénéficie d’un régime exceptionnel : « Ces projets auront un permis d’extraction délivré en 27 mois maximum, contre 10 ans auparavant ».

Extraction minière en Europe : une carte redessinée

Les nouveaux chantiers s’éparpillent sur le continent, redessinant la géographie minérale de l’Europe. La France se distingue avec deux projets majeurs autour du lithium : Imerys dans l’Allier et Eramet en Alsace. Le premier vise à équiper 700 000 voitures électriques par an dès 2028. Le second, alimenté par géothermie, pourrait entrer en service dès 2027.

En Espagne, Finlande, Roumanie et Portugal, les mines de graphite, nickel et cobalt doivent aussi voir le jour. Le plan prévoit également des unités de transformation pour éviter que les matériaux extraits ne soient raffinés en Chine, comme c’est encore massivement le cas.

L’objectif est de parvenir à 10 % de matières premières extraites dans l’UE, 40 % transformées localement, et 25 % recyclées d’ici 2030. Une limite a aussi été posée : aucune matière stratégique ne pourra dépendre à plus de 65 % d’un seul pays tiers, explique France24.

Vers une menace pour l’environnement européen ?

Derrière les chiffres et les ambitions, les critiques fusent. La Raw Materials Coalition, qui regroupe plus de 180 ONG et collectifs environnementaux, dénonce « le manque de transparence dans la sélection » et s’inquiète d’un déséquilibre : « La liste actuelle semble donner la priorité à l'extraction plutôt qu'aux solutions à long terme ».

Quant aux normes, Bruxelles promet que les projets devront respecter l’ensemble des législations sociales et écologiques existantes. Mais le scepticisme demeure. Le rapport de force entre acceptabilité locale et stratégie continentale reste fragile.

Stéphane Séjourné, lui, reste inflexible : « Soyons clairs, nous sommes dans l’obligation d’ouvrir de nouvelles mines en Europe ». Avant de marteler : « Il n’y a pas de décarbonation sans gallium, sans cuivre, sans terres rares. » Et ça tombe bien, car Donald Trump, de son côté, serait sur le point de relancer une guerre des taxes douanières ciblant, cette fois-ci, le cuivre. Après avoir taxé l’aluminium et l’acier, entres autres, les Etats-Unis pourraient bien conduire à une réorganisation des flux commerciaux de toutes les matières premières dans le monde.

L'Europe enfin autonome sur le front des métaux critiques ?

Si la décision européenne semble réactive, elle s’inscrit aussi dans une dynamique mondiale plus large. Le retour au pouvoir de Donald Trump, la guerre en Ukraine et la stratégie d’accaparement chinoise dans les ressources critiques dessinent un contexte d’« urgence géo-économique », selon le commissaire européen. C’est dans cette optique que la Commission envisage déjà une seconde vague de projets, y compris en dehors des frontières de l’Union : Ukraine, Groenland ou Balkans pourraient bientôt obtenir le label de « projet stratégique européen ».

À terme, Bruxelles espère parvenir à une autonomie totale sur le lithium d’ici cinq ans. Une prouesse ? Peut-être. Un pari ? Assurément. Entre promesses industrielles, exigences écologiques et batailles géopolitiques, le continent joue à quitte ou double. L’enjeu n’est pas simplement de percer des galeries, mais de réécrire les règles du jeu énergétique mondial.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

2 commentaires on «Minerai : l’Union européenne rallume ses machines à creuser»

  • andre.guillermin@hotmail.fr

    tres bien marre de tout ces chinois et l envaissement de nos richesses europeen

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  • andre.guillermin@hotmail.fr

    vive la france
    vive nos terre notre richesse

    Répondre
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